Ils ont osé - Clinic n° 05 du 01/05/2014
 

Clinic n° 05 du 01/05/2014

 

De bouche à oreille

Janvier 2014. Nos députés ont osé voter la loi qui autorise les mutuelles à créer des réseaux de soins. Grâce à ce texte, les mutuelles rembourseront mieux si le praticien est affilié à leur réseau et peuvent généraliser la pratique du tiers payant.

Nos législateurs ont voté un texte qui contredit plusieurs articles du Code de la santé publique, voté également par eux, sans modifier celui-ci :

• article R. 4127-210 : les principes de l’exercice libéral...


Janvier 2014. Nos députés ont osé voter la loi qui autorise les mutuelles à créer des réseaux de soins. Grâce à ce texte, les mutuelles rembourseront mieux si le praticien est affilié à leur réseau et peuvent généraliser la pratique du tiers payant.

Nos législateurs ont voté un texte qui contredit plusieurs articles du Code de la santé publique, voté également par eux, sans modifier celui-ci :

• article R. 4127-210 : les principes de l’exercice libéral sont, entre autres, la liberté de choix du chirurgien-dentiste par le patient et le paiement direct des honoraires ;

• article R. 4127-209 : le chirurgien-dentiste ne peut aliéner son indépendance professionnelle ;

• article R. 4127-262 : le détournement de clientèle est interdit ;

• article R. 4127-215 : la profession dentaire ne pouvant être exercée comme un commerce, tous procédés directs ou indirects de publicité sont interdits ;

• article R. 4127 247 : l’exercice de la profession dentaire, au service d’une institution de droit privé, doit faire l’objet d’un contrat écrit ;

• article R. 4127-248 : ce contrat doit être transmis au conseil de l’Ordre du département dans lequel exerce le chirurgien-dentiste, lequel peut décider de sa non-conformité.

Encore une fois dans notre pays, deux textes de loi se télescopent, et cela ne rendra pas notre exercice plus facile ni plus intéressant.

Cela appelle deux commentaires :

• concernant le tiers payant, nous devons bien réfléchir avant d’accepter de nous abaisser à cela. En effet, outre une augmentation considérable de la paperasse, on peut prévoir, comme pour les pharmaciens, impayés, paiements décalés, rétentions de règlements, questions multiples et variées afin d’affiner (de retarder !) les règlements et les erreurs diverses. Accepter le tiers payant, c’est entamer un processus dévastateur qui nous conduira à nous retrouver à la merci des mutuelles, dont le but est de maîtriser les flux monétaires de nos cabinets afin d’appliquer les tarifs qu’elles désirent ;

• quant au libre choix du praticien par le patient, il disparaît dès lors que l’assuré d’une mutuelle devra se faire soigner par un praticien conventionné avec cette dernière. Sans compter, dommage collatéral, les kilomètres imposés aux patients par cette ignominie dans des départements vastes et sous-médicalisés.

L’exercice libéral n’est pas tout à fait mort, mais il a un pied et demi dans la tombe.

Bien sûr, un praticien signataire d’un contrat avec une mutuelle qui orientera les patients vers lui pourra être traduit devant le conseil de l’Ordre départemental pour détournement de patientèle et publicité. Dans ce cas, quelle loi devra alors respecter ce dernier ?

Enfin, bien qu’étant conseiller ordinal, je ne peux en aucune manière écrire ce texte au nom du conseil de l’Ordre. En effet, pour avoir émis des recommandations similaires, le Conseil national s’est fait rattraper par une des polices de l’État (en l’occurrence la répression des fraudes) et a été condamné à 150 000 € d’amende pour entrave à la libre concurrence (?!).