Implantation immédiate et régénération osseuse guidée (ROG) - Implant n° 4 du 01/11/2010
 

Implant n° 4 du 01/11/2010

 

DOSSIER CLINIQUE

Daniel Leibar*   Sylvain Cazalbou**  


*DrCD
23, avenue de Garris
64120 Saint-Palais
**DrCD
Pratique exclusive en parodontologie-implantologie
21, rue Raymond-Grimaud
31700 Blagnac

L’implantation immédiate après extraction présente un réel intérêt en termes d’ostéo-intégration tout en réduisant le nombre de chirurgies. Cependant, sa mise en œuvre requiert un volume osseux suffisant et le recours à des techniques de régénération osseuse guidée (ROG) peut, dans certains cas, s’avérer nécessaire. Cet article décrit, à travers un cas clinique, une méthode de régénération osseuse à partir d’un matériau de comblement d’origine animale et d’une membrane collagène résorbable simultanément à une pose d’implant maxillaire antérieur.

Lorsqu’une extraction dentaire est programmée et qu’une solution de remplacement implantaire est envisagée, le praticien doit gérer deux problèmes : la préservation des parois alvéolaires existantes et/ou l’augmentation du volume osseux. Si l’implant est mis en place dans un volume d’os insuffisant, on court le risque que la résorption osseuse provoque des déhiscences, fenestrations ou autres défauts horizontaux ou verticaux. L’ostéo-intégration des implants dentaires et le bon résultat esthétique, particulièrement dans le secteur antérieur, dépendent d’une densité d’os trabéculaire adéquate et de dimensions osseuses verticales et en largeur suffisantes [1]. Différents types de greffes ou régénérations ont été mis au point depuis un certain nombre d’années, permettant, suivant le volume osseux présent, de s’assurer de la faisabilité de l’implantation et du maintien dans le temps des implants [2]. En s’appuyant sur les différentes techniques de régénération osseuses classifiées dans la littérature, cet article décrit une méthode de régénération osseuse à partir d’un matériau de comblement d’origine animale et d’une membrane collagène résorbable simultanément à une pose d’implant maxillaire antérieur.

PRINCIPES DE LA ROG

Le principe de base est de ménager un espace entre un défaut osseux et les tissus mous afin de favoriser un remodelage [3], le volume de cet espace correspondant au volume d’os à régénérer. Une membrane, résorbable ou non, est appliquée sur la face interne du lambeau afin de servir de barrière, d’isoler le défaut et d’éviter la prolifération des cellules épithéliales (Fig. 1). Les ostéoblastes provenant du périoste et de l’os sont induits sur la surface osseuse et facilitent la néoformation osseuse [4].

Les difficultés de cette technique résident dans le maintien total de l’herméticité tout au long de la phase de formation osseuse, la possibilité relativement faible d’augmentation et le maintien de l’espace créé. Ce dernier point étant difficile à obtenir, différents auteurs ont proposé des protocoles chirurgicaux avec greffes osseuses autogènes en particules [5] ou utilisation de biomatériaux [6, 7], permettant une régénération de plus grand volume grâce à un maintien de l’espace pendant toute la durée de la résorption du matériau mis en place (Fig. 2).

MÉTHODES ET INDICATIONS

Le meilleur moment pour préserver la crête alvéolaire est au moment de l’extraction [8, 9]. Ainsi, la première question que le chirurgien-dentiste se pose quand une dent doit être extraite et que l’on envisage la pose d’un implant est : « Peut-on implanter immédiatement ? »

La pose immédiate d’un implant après une extraction favorise la diminution de la fonte osseuse et gingivale ainsi que l’ostéo-intégration grâce à la présence d’un pic ostéogénique succédant à l’extraction. Le nombre de chirurgies s’en trouve réduit. Cette technique est indiquée au niveau du prémaxillaire et des prémolaires en raison du volume osseux présent, mais contre-indiquée au niveau des molaires [10], en raison du volume de l’alvéole. (Fig. 3 à 6).

Si l’implantation immédiate n’est pas envisagée, la deuxième question que l’on se pose est : « Doit-on combler l’alvéole ? »

Le praticien doit identifier le type de défaut. C’est ce qui va influencer le choix de la procédure. Cela va dépendre du nombre de parois restantes.

DÉFAUTS À 5 MURS

Ils ne nécessitent pas de comblement particulier. Le caillot sanguin doit être protégé et maintenu en place, et l’alvéole va se combler et former un os implantable dans un délai de 3 à 4 mois. On peut être amené à combler l’alvéole avec un biomatériau dans le cas du maxillaire antérieur présentant une corticale vestibulaire fine. Cela nécessite l’utilisation d’une membrane afin de maintenir le matériau en place et d’éviter l’arrivée des cellules épithéliales avant les cellules osseuses [11-13] (Fig. 7 à 10).

DEFAUTS À 3 OU 4 MURS

Pour un site présentant une perte d’une ou plusieurs parois, une greffe d’os est généralement envisagée au moment de l’extraction (Fig. 11). L’os autogène ou des matériaux de substitution allogéniques, xénogéniques ou de synthèse peuvent être utilisés [14-16] (Fig. 12 à 19).

Le choix d’utiliser ou non une membrane pour recouvrir le défaut et favoriser une régénération osseuse est là aussi considéré comme crucial par de nombreux auteurs [17, 18].

Des études récentes tendent à prouver qu’une formation d’os significativement plus abondante et une meilleure fermeture des défauts étaient observées avec l’utilisation d’une membrane que sans [19]. La densité de l’os néoformé était également augmentée [20] (Fig. 20 et 21).

DÉFAUTS À 1 OU 2 MURS

Quand il ne reste plus qu’une ou deux parois, la seule possibilité d’obtenir un volume optimal de façon prévisible est de réaliser une greffe d’os autogène en onlay nécessitant un temps de cicatrisation de 4 mois, avant d’envisager la pose d’un implant. Dans ce cas de figure, la membrane n’est pas forcément indispensable pour recouvrir le greffon, la partie corticale de celui-ci jouant le rôle de barrière. Si l’on dispose des particules d’os (autogène, allogène, xénogène ou synthétique) autour du greffon, le positionnement d’une membrane devient nécessaire [21].

C’est donc la morphologie des défauts osseux qui dicte l’approche de la régénération osseuse [22] (Tabl. I).

CONCEPT DE L’IMPLANTATION IMMÉDIATE AVEC ROG SIMULTANEE : À PROPOS D’UN CAS

À titre d’illustration, le cas présenté porte sur la pose d’un implant postextractionnel, avec mise en esthétique dans une alvéole avec des défauts de la corticale vestibulaire sévères.

Une patiente, âgée de 38 ans, a consulté pour une douleur au niveau de la 12. L’examen clinique a montré une reconstitution prothétique vétuste sur cette dent ainsi qu’une fistule en regard de son apex (Fig. 22). L’examen radiographique a révélé une image radio-claire importante, un traitement radiculaire insuffisant et une résorption de la racine. Compte tenu du pronostic très défavorable d’un éventuel retraitement endocanalaire, un traitement implantaire a été décidé. Un examen tomodensitométrique a été réalisé pour visualiser l’étendue de la lésion et définir ensuite une stratégie thérapeutique (Fig. 23).

Le scanner avec le logiciel Simplant® a mis en évidence une lésion plus importante que prévue initialement. La paroi alvéolaire vestibulaire était quasiment absente. Deux possibilités thérapeutiques étaient alors envisageables :

– extraire, cureter, réaliser une greffe d’os autogène par apposition, puis poser un implant ;

– extraire et implanter immédiatement. L’implant devait être placé à distance de la paroi résiduelle vestibulaire pour éviter toute résorption. Puis, combler les défauts avec du matériau allogénique et recouvrir l’ensemble d’une membrane résorbable.

Compte tenu de l’enjeu esthétique et du biotype parodontal favorable (épais), nous avons opté pour la deuxième solution. En effet, même si le traitement paraissait plus risqué, le résultat en cas de succès serait supérieur. L’extraction-implantation permettait de préserver le capital osseux, les septas et donc les papilles [23]. La patiente a été avertie d’un possible échec et a accepté le plan de traitement proposé.

Après élévation du lambeau, on a effectué l’extraction dentaire à l’aide d’un périotome et un curetage soigneux de l’alvéole afin d’éliminer tout résidu kystique (Fig. 24). On s’est alors aperçu qu’il subsistait un îlot osseux au centre de la paroi vestibulaire. Ce dernier a été un élément clé dans le traitement par ROG ; il a servi de support au biomatériau de comblement (Fig. 25).

L’implant (Osseospeed™) a été posé selon un axe prothétique idéal, à distance de la paroi vestibulaire. La stabilité primaire était satisfaisante (supérieure à 35 N/cm2). Le Bio-Oss® a été mis en place, foulé dans les anfractuosités en veillant à combler tous les défauts. Une membrane Bio-Gide®, préalablement découpée aux dimensions de la zone traitée, a recouvert et assuré l’étanchéité de l’ensemble. Le lambeau a alors pu être repositionné et suturé. La bonne stabilité primaire a permis d’effectuer une mise en esthétique immédiate par l’intermédiaire d’un pilier provisoire Temp-design™ et d’une couronne provisoire acrylique du commerce (Fig. 26 à 34).

À 4 mois, un pilier zircone ZirDesign™ et une coiffe céramo-métallique Cercon® ont été mis en place.

À un an, les résultats clinique et esthétique étaient satisfaisants dans la mesure où il n’y a pas eu de rétraction gingivale et que les papilles ont été préservées (Fig. 35 et 36).

CONCLUSION

La ROG est devenue une technique chirurgicale incontournable. Elle devrait être un outil à la portée de tous les praticiens, car les implications d’un site extractionnel mal géré sont importantes. Il est donc fondamental d’avoir une bonne connaissance de la biologie des tissus durs et des tissus mous afin d’anticiper et d’optimiser le traitement implantaire. Dans un cas comme celui exposé, il est clair que des compromis ont été faits dans un but esthétique. Le risque d’échec s’en voit accru, mais les conséquences d’une possible perte implantaire ne compromettent pas les chances de réussite par un traitement ultérieur plus conventionnel.

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