L’implant au niveau osseux The Bone Level Implant - Implant n° 4 du 01/11/2011
 

Implant n° 4 du 01/11/2011

 

CHIRURGIE

Gérard Aouate  

Docteur en Sciences OdontologiquesExpert près la Cour d’Appel de Paris
41 rue Etienne Marcel - 75001 Paris

Résumé

Le succès des implants cicatrisant par ostéo-intégration est étroitement dépendant du niveau osseux péri-implantaire, les résultats à long terme de leur survie s’appuyant sur la préservation osseuse. Mieux comprendre la perte osseuse crestale permet de mieux assurer le succès des implants dentaires. Plusieurs propositions ont été faites dans ce sens dans la littérature scientifique dont le platform switching. Le platform switching met en œuvre un pilier de diamètre réduit par rapport à celui de l’implant.

Le but de cet article est de présenter au travers de deux exemples cliniques l’implant au niveau osseux (Bone Level Implant). Les études montrent que des vérifications sont nécessaires pour confirmer la validité du concept de platform switching.

Summary

The level of bone crest surrounding the implant is of utmost significance to determine osseointegrated implant success, as preservation of marginal bone height is highly important for long-term dental implant survival. An understanding of the etiology of crestal bone loss is very important for the implant success.

Various approaches have been described in the literature to prevent the crestal bone loss, including platform switching. The platform switching concept involves the reduction of the restoration abutment diameter with respect to the diameter of the dental implant. The aim of this article is to carry out two clinical examples dealing with the Bone Level Implant developed by Straumann. Further clinical investigations are necessary to show long term results.

Key words

crestal bone preservation, crestal bone loss, platform switching, dental implant

INTRODUCTION

Les implants dentaires sont, parmi l’ensemble des dispositifs médicaux disponibles, les plus sûrs.

Les critères de succès couramment cités dans l’évaluation du résultat implantaire mentionnent invariablement le niveau osseux.

Les altérations du niveau osseux représentent un des paramètres servant à évaluer les résultats des traitements implantaires à moyen et long termes. Albrektsson [1], en son temps (1986), a présenté une actualisation des critères de succès et d’évaluation longitudinale des implants ; il considère que la perte osseuse annuelle doit être inférieure à 0,2 mm après la première année de mise en fonction de l’implant.

Les événements mis en relation avec une perte osseuse implantaire régulièrement évoqués sont la résorption associée à l’acte chirurgical, la mise en charge avec des forces excessives, la situation, la forme et la taille du joint implanto-prothétique et la contamination microbienne qui s’y rattache en rapport avec la qualité de l’étanchéité du pilier à l’implant, la mise en place répétée du pilier lors de la préparation de la prothèse, la durée de mise en fonction, la charge occlusale, le respect de l’espace biologique et la péri-implantite. Les micromouvements des pièces prothétiques en position dans l’implant ont également été cités.

D’un autre côté, l’interprétation radio-­graphique de la stabilité osseuse sert d’indicateur au maintien de l’intégration du titane à l’os. Les tissus mous, quant à eux, sont conditionnés par l’état osseux sous-jacent (Fig. 1 et 2). Il est à noter cependant que des pertes osseuses minimes ne compromettent pas la durée de vie implantaire [2].

Si certains phénomènes biologiques peuvent expliquer le remodelage osseux qui apparaît après la pose d’un implant, ceux accompagnant une perte osseuse durant la vie d’un implant demeurent incompris indépendamment de ceux observés lors du déclenchement et de la progression de la maladie péri-implantaire.

Une revue de la littérature menée sur le comportement du niveau osseux d’implants présentant des caractéristiques de surface et des dessins variables n’a pas montré de différence entre les systèmes implantaires étudiés [3].

Afin de répondre aux demandes des cliniciens, les fabricants ont apporté des modifications à la forme et aux composants de leurs implants, pour faire face à la variété des situations cliniques. Citons en exemple le système Straumann®, composé d’implants non enfouis pour lequel des modèles d’implants à diamètres étroit, normal ou large ont été développés ; les hauteurs de col lisse de ces mêmes implants, habituellement transmuqueuses, ont été réduites pour satisfaire à l’enfoncement nécessaire plus près de l’os dans les secteurs esthétiques où le risque de visibilité du métal doit être écarté strictement, ce qui explique l’apparition de cols lisses de 1,8 mm à côté de ceux de 2,8 mm.

En ce qui concerne ce système d’implants, on s’est progressivement approché – a contrario du dogme d’origine – du semi-enfouissement, voire de l’enfouissement, ce qui a créé de nouvelles conditions dans la gestion de l’esthétique implantaire.

Cette actualisation aux techniques opératoires cherchant à se rapprocher du modèle le plus répandu (les implants au niveau osseux ou enfouis) a produit un effet connu : une résorption de l’os d’environ 2 mm identifiée radiographiquement et débutant avec la restauration prothétique (Fig. 3 et 4).

Cette résorption osseuse doit être vue comme circonférentielle à l’implant, intéressant aussi bien la face palatine que la face vestibulaire en plus des faces interproximales – seules faces évaluables radiographiquement.

Ce manque de stabilité osseuse peut provoquer des complications, entre autres esthétiques, par une récession gingivale qui sera d’autant plus importante que l’implant sera placé de manière marquée, vestibulairement ou apicalement. Cette instabilité peut aussi produire une perte d’attache avec poche selon la typologie osseuse. Corollairement, assurer la stabilité osseuse équivaut à maintenir la santé et l’aspect de la gencive, l’os et les tissus mous interagissant dans la santé comme dans la maladie.

Des efforts de développement ont été menés pour garder l’os intact et plusieurs propositions ont été présentées. L’une d’elles, l’implant festonné, n’a pas donné les résultats escomptés [4]. Une autre, le platform switching (PS), fruit d’une découverte fortuite, a apporté une vision qui règne actuellement sur le de­sign implantaire revendiquant un maintien osseux optimal [5].

La principale donnée liée à la découverte de la technique du PS, en comparaison des protocoles chirurgicaux utilisant des implants où les piliers sont non décalés vers le centre de l’implant, est une perte d’os crestal significativement moindre, à 2 ans [6]. Cependant, dans cette même étude, les implants enfouis contrôlés avaient une perte d’os à 12 mois légèrement supérieure à celle des implants non enfouis, ce qui est contraire aux publications antérieures.

Dans ce sens, la réduction du remodelage osseux attribuée au PS établit un aspect supplémentaire dont l’argument est qu’elle est dépendante du degré de décalage entre le pilier et l’implant. Autrement dit, plus le décalage entre ces deux derniers est grand, plus le remodelage est réduit [7, 8]. Le but de cet article est de décrire l’implant au niveau osseux, destiné à réduire la résorption osseuse. L’objectif est aussi de donner la justification scientifique et les déterminants de l’indication de cet implant au travers de deux cas cliniques.

CARACTÉRISTIQUES DE L’IMPLANT AU NIVEAU OSSEUX « BLI » (BONE LEVEL IMPLANT)

Il s’agit d’un implant où la connexion entre l’implant et le pilier se fait au niveau osseux. C’est le seul implant au niveau osseux intégrant la surface SLActive® (existe en surface SLA® également), ce qui signifie une plus grande sécurité lors de la phase critique initiale de cicatrisation et une cicatrisation accélérée.

L’implant Bone Level est disponible en trois diamètres (3,3, 4,1 et 4,8 mm) et en quatre longueurs (8, 10, 12 et 14 mm). Le positionnement de cet implant est, selon les indications, sous-ginvival mais aussi transgival dans la situation où une partie de la surface rugueuse n’est pas enfouie complètement dans le support osseux.

Cet implant tient compte des facteurs biologiques clés pour la préservation osseuse (Bone Control Design™) :

– respect de la distance biologique horizontale avec microgap à distance de l’os (la connexion étant située horizontalement vers l’intérieur de l’implant) ;

– position optimale de la surface rugueuse SLActive® séparée de la jonction implant/prothèse par un col lisse horizontal ;

– étanchéité du microgap entre l’implant et la partie secondaire (pilier), étudiée à l’aide de sections de micrographies polies, dont la taille est inférieure à 1 µm, ce qui va prévenir les micromouvements et diminuer ou supprimer le problème de la contamination bactérienne à l’origine d’un infiltrat lympho-plasmocytaire localisé à proximité de l’os ;

– répartition des forces transmises à l’os et résistance biomécanique.

La connexion par cône morse (de 15° et en fait cylindro-conique) située à l’intérieur de la CrossFit™ Connection offre quatre possibilités de positionnement grâce au système autoguidant de quatre rainures internes, système stable empêchant toute rotation et assurant un positionnement aisé facilitant l’assemblage des pièces.

INDICATIONS DU BONE LEVEL IMPLANT

– Utilisé préférentiellement en secteurs esthétiques là où la préservation de l’os est essentielle.

– Remplacement de la dent unitaire en secteurs esthétiques ou lorsque le biotype gingival est fin.

– Lorsqu’une régénération osseuse guidée est envisagée du fait du volume coronaire réduit du Bone Level.

– Dans les secteurs postérieurs où l’espace mésiodistal est faible (< 7 mm), ce qui est rendu encore plus vrai par le Bone Level Roxolid® dont le diamètre au col est de 3,3 mm.

– Dans les secteurs où la hauteur prothétique est limitée.

– Dans les secteurs postérieurs où l’esthétique revêt un aspect primordial aux yeux du patient.

CAS CLINIQUES

Les cas cliniques présentés concernent deux patients en bonne santé générale.

Pour chaque patient, une planification préopératoire a été établie et un consentement éclairé obtenu.

Ces patients ont un bon contrôle de plaque et sont suivis régulièrement en maintenance. La préparation à l’intervention chirurgicale de pose implantaire s’est faite de la façon suivante :

– prescription d’une cycline (Doxycycline) en une seule prise à heures régulières durant la cure la veille de la chirurgie et pendant 9 jours ;

– bains de bouche une semaine avant la pose d’implants et pendant 15 jours après ;

– anti-inflammatoire (Prednisolone) sous forme de comprimés effervescents à 20 mg à prendre la veille de l’intervention et à poursuivre pendant 3 jours afin de limiter le risque d’œdème ;

– antihistaminique anxiolytique (Hydroxizine) à 25 mg sous forme de comprimés à prendre la veille et au matin de la chirurgie.

Ces médicaments sont à adapter au poids des patients.

Les fils sont retirés à 10 jours et les soins postopératoires assurés, puis les patients seront suivis jusqu’à l’obtention de l’ostéo-intégration, point de départ de la prothèse.

PATIENT 1

La patiente, âgée de 67 ans, non fumeuse, a suivi un traitement en 2005, sa demande étant de remplacer de 12 à 16, la 46 et la 47 – soit absentes, soit irrécupérables – par des implants destinés à supporter des prothèses fixées. Ces implants, transmuqueux, non enfouis, ou encore tissue level, ont été posés en un seul temps chirurgical. À la pose de ces cinq implants à surface SLA®, l’implant en 16 s’est montré mobile d’emblée mais a été maintenu tel quel sans aucune action adjuvante [9]. À 6 semaines, tous les implants se sont ostéo-intégrés sauf celui en position 16 pour lequel ce résultat a nécessité 3 mois de délai total. Nous procédons de manière systématique à un test d’ostéo-intégration en appliquant à l’implant à tester un couple de force de 35 N/cm, attesté par l’usage d’un dispositif dynamométrique, sans que cela ne déclenche de sensibilité ou de rotation de l’implant.

Cette patiente consulte à nouveau en 2010, alors âgée de 73 ans pour ses secteurs gauches haut et bas dont la défaillance de la 27, pilier de bridge, prévisible dès 2005, va nécessiter la révision du bridge 21 à 27 (Fig. 5). Par souci pécuniaire, le bridge 21 à 27 (Fig. 6) sera sectionné en distal de la 23 (Fig. 7), conservé dans sa partie résiduelle antérieure et diminué des 24, 25, 26 et 27 après extraction de cette dernière. La phase de prothèse provisoire est assurée par une prothèse amovible partielle de trois dents remplaçant 24, 25 et 26.

L’analyse des rapports occlusaux nous amène à poser l’indication du remplacement des dents 24, 25 et 26. Le choix d’implants au niveau osseux (Bone Level Implant) est lié à l’espace prothétique réduit.

La surface SLActive® de ces implants est douée de caractères hydrophiles accélérant la cicatrisation osseuse car, traitée sous atmosphère d’azote, elle constitue une surface propre débarrassée des hydrocarbures présents dans l’atmosphère. Le résultat en est une « disponibilité » plus grande et plus forte de cette surface aux réactions cellulaires et à la production de facteurs ostéogéniques [10].

Un implant de 10 mm sur 4,1 mm et un de 8 mm sur 4,1 mm à surface SLActive® sont positionnés en place de 24 et 26 (Fig. 8). Ces deux implants sont choisis pour un bridge implanto-porté de trois éléments et placés grâce au support osseux favorable dans un axe destiné à une prothèse fixée scellée sur des piliers droits.

Les deux implants sont juxta-osseux sauf le 26 dans sa portion distale située hors de l’os, notre souci étant de ne pas être intra-osseux (voir Discussion). Des parties secondaires de cicatrisation vont permettre une cicatrisation transmuqueuse.

À 2 mois, les deux implants ont subi avec succès le test d’ostéo-intégration et résisté tous deux à 35 N/cm.

La phase prothétique peut débuter.

La connexion du BLI, appelée CrossFit™, présente quatre rainures pour le repositionnement des composants prothétiques qui lui confèrent simplicité et précision. La connexion ou liaison CrossFit™ est conçue pour assurer le guidage pendant l’assemblage et pour distribuer les forces de charges à l’implant.

Le guidage et le contrôle tactile produits par cet assemblage cylindro-conique rendent superflue la radiographie de vérification de la bonne assise des composants lors de leur installation (Fig. 9).

Les composants qui offrent un ajustement précis et une répartition idéale des charges permettent la préservation de la crête osseuse et un résultat esthétique durable.

Préalablement à l’empreinte avec un porte-empreinte fermé par un pilier d’empreinte, nous avons choisi de sélectionner le pilier en bouche à l’aide de parties secondaires de planification thérapeutiques PLAN en polymères stérilisables. Deux parties secondaires de 5 mm (codées couleur gris) à sceller seront vissées (sous anesthésie locale) avec un couple de force de 35 N/cm puis obturées avec de la gutta (Fig. 9). Les pièces choisies dans notre cas clinique ne sont pas modifiables. Le bridge de trois éléments céramo-métallique sera assemblé par scellement, puis un suivi clinique et radiographique sera assuré (Fig. 10 et 11).

PATIENT 2

M. R., âgé de 24 ans, non fumeur, nous est adressé pour la dent 21 (Fig. 12) atteinte d’une pathologie chronique (parodontite apicale) qui s’est installée à la suite d’un traumatisme ancien survenu dans l’enfance. La dent présente un défaut d’édification de son apex et une volumineuse lésion radioclaire est présente, identifiée sur l’examen à faisceau conique et sur la radiographie panoramique (Fig. 13 et 14).

Les documents radiographiques, particulièrement indiqués et précieux, permettent d’examiner l’anatomie de la crête alvéolaire. La lésion apicale radioclaire à la dent 21 est volumineuse (7,28 mm dans le sens vestibulo-palatin et 5,28 mm dans le sens apico-coronaire) ; la table osseuse vestibulaire est réduite à sa plus simple expression, à savoir une union entre ses corticales interne et externe sans interposition d’os trabéculaire. L’extirpation du kyste et l’exodontie de la 21 programmées laissent craindre après cicatrisation, et de manière prévisible, un support osseux résiduel atrophique [11] et totalement inadapté à l’intégration d’une restauration implanto-portée en secteur esthétique, qui plus est chez un adulte jeune dont l’espérance de vie commande que la situation tissulaire des tissus durs et mous soit, après augmentation, idéale.

Les recommandations de la 4e conférence de consensus ITI (International Team for Implantology) [12] à ce sujet sont très claires quant aux facteurs de risque se rapportant à ce type de situation anatomique et quant à la stratégie à adopter : « Les techniques d’augmentation osseuse doivent toujours adopter une technique chirurgicale mise au service du positionnement prothétique dans les trois dimensions de l’espace. »

Ajoutons que les recommandations cliniques établies par la 4e conférence de consensus ITI établissent que les pertes osseuses sévères doivent être traitées par des greffes d’os autogène en bloc, combinées à des membranes et à des particules d’allogreffes, de xénogreffes ou d’os autogène. Ces auteurs poursuivent en précisant que les techniques d’apposition par bloc osseux avec ou sans membrane donnent des gains osseux supérieurs et moins de complications que les greffes d’os particulaires avec ou sans membranes, et ceci dans les sites défaillants horizontalement ou verticalement. Les taux de survie implantaire dans de tels sites greffés sont élevés.

L’examen minutieux du panoramique conjugué au faisceau conique permet de poser l’indication d’un prélèvement rétromolaire droit. Les dimensions calculées du greffon cortico-spongieux possible sont de 15 mm de long et de 9 mm de large sur une épaisseur de 4 mm (Fig. 15).

Le choix du prélèvement rétromolaire est préféré au prélèvement mentonnier pour l’incidence de complications neurologiques bien plus faibles : de 0 à 5 % pour le premier contre 10 à 50 % pour le second [13].

Une des règles appliquées aux greffes en onlay est d’en anticiper la résorption initiale en prélevant un greffon plus volumineux que nécessaire et, autant qu’il est possible, de nature cortico-spongieuse.

Le plan de traitement est le suivant :

1) L’identification du site donneur du greffon osseux d’apposition par une radiographie panoramique en première intention puis par un faisceau conique mandibulaire confirme la zone rétromolaire en seconde intention ;

2) Explications du plan de traitement, devis et consentement éclairé du patient signés par le patient ;

3) Thérapeutique de soutien parodontal ;

4) Réalisation d’une prothèse amovible immédiate d’une dent remplaçant la 21 dont l’intrados est à distance de l’appui muqueux pour laisser la place à un produit de rebasage au fauteuil, vinyl polysiloxane souple ou extra-souple ;

5) Chirurgie parodontale d’accès, de suppression du kyste et de la dent 21 ; évaluation du support osseux résiduel. Pose et rebasage au fauteuil de la prothèse immédiate ;

6) Greffe d’apposition osseuse vissée à l’aide d’une vis miniature à tête cruciforme après 3 mois de cicatrisation osseuse et muqueuse ;

7) À 6 mois de la greffe, dépose de la vis miniature à tête cruciforme, évaluation de l’augmentation osseuse et pose d’un implant au niveau osseux (BLI) ;

8) À 2 mois de la pose, contrôle clinique et radiographique ; mise en charge de l’implant avec une dent provisoire transvissée de longue durée et gestion de la gencive péri-implantaire ;

9) À 3 mois de la pose, confection de la coiffe fixée d’usage.

LA CHIRURGIE PARODONTALE D’EXODONTIE

L’extraction parodontale de la dent 21 (Fig. 16) laisse apparaître le fragile pont osseux vestibulaire qui connaîtra une résorption totale. Après exodontie, la lésion apicale sera curetée soigneusement avec le souci d’accomplir une détersion de l’os circonférentiel à cette lésion ; cet assainissement est souvent sous-estimé quant aux répercussions négatives potentielles sur l’ostéo-intégration par relargage de matériel toxique [14].

À ce stade, il est important d’obtenir une fermeture primaire avec une gencive de qualité en prévision de la greffe d’augmentation osseuse à venir (Fig. 17).

LA TECHNIQUE DU PRÉLÈVEMENT RÉTROMOLAIRE

Le prélèvement rétromolaire est réalisé à l’aide de disques diamantés fins, d’un diamètre de 8 mm et épais de 1 mm, munis d’un carter de protection des tissus mous et montés sur contre-angle avec irrigation de sérum physiologique réfrigéré (MicroSaw, Dentsply). Un lambeau mucopériosté est réalisé en forme de trapèze puis élevé afin d’exposer l’os dépériosté au niveau de la ligne oblique externe sur une longueur de 3 à 4 cm et sur une hauteur de 2 cm.

Trois traits d’ostéotomie sont réalisés : deux verticaux (effectués à la pièce à main) et un horizontal (effectué au contre-angle) au bord basal mandibulaire situé préférentiellement au-dessus du canal mandibulaire pour minimiser le risque d’atteinte de ce nerf si une proximité existait.

L’ostéotomie terminale est faite horizontalement au niveau coronaire entre les deux traits verticaux avec un foret de 1 mm de diamètre inséré parallèlement à la corticale vestibulaire par des perforations profondes d’environ 3 mm espacées régulièrement ; la récupération du greffon s’obtient alors en le clivant du tissu osseux sous-jacent à l’aide d’un ciseau à os qui, sous l’action d’un maillet, réunira les perforations unitaires. Le bloc osseux peut alors être détaché par luxation (Fig. 18). Ses dimensions sont de 2 cm de long sur 0,8 cm de large.

Le site donneur n’a reçu aucun matériau de comblement mais peut faire l’objet de l’application d’une membrane de collagène ou d’une compresse hémostatique résorbable.

Le fragment prélevé est scindé en deux parties. Une boîte est créée avec l’une d’elles et fixée à l’aide d’une vis miniature à tête cruciforme (Straumann® Bone Block Fixation) de 10 mm de long par 1,5 mm sur le site receveur préalablement exposé, composant ainsi un mur vertical vestibulaire, et l’autre partie horizontale composant un mur occlusal. Des copeaux d’os récupérés au niveau rétromolaire viennent colmater les orifices de cette boîte (Fig. 19). Une seconde greffe d’un conjonctif enfoui suturé sous le lambeau fait partie de la gestion muqueuse en secteur esthétique antérieur.

Les sutures viennent repositionner le lambeau afin d’obtenir une cicatrisation par première intention, soit épithélium contre épithélium et conjonctif contre conjonctif (Fig. 20).

La conséquence immédiate, vue comme la concrétisation du changement morphologique crestal obtenu d’emblée, est un changement radical de volume du site édenté (Fig. 21).

Cette augmentation tissulaire nous oblige à corriger la prothèse amovible partielle provisoire au niveau de la dent prothétique pour éviter toute interférence avec le site augmenté (Fig. 22 et 23).

À 6 mois de la greffe, l’évaluation clinique et radiographique permet de poser l’indication de la pose d’un implant Bone Level de diamètre 4,1 mm Regular CrossFit® sur 10 mm à surface SLActive® (Sand blasted Large grit Acid etched à surface chimiquement active) (Fig. 24 et 25).

L’implant est posé légèrement au-dessus du niveau osseux (voir Discussion), le nouveau volume osseux favorisant un axe fixé par la prothèse (Fig. 26).

L’ostéo-intégration de l’implant est obtenue en 42 jours (1 mois et 11 jours), vérifiée par l’application d’un couple de force de 35 N/cm sans manifestations douloureuses ni rotation de l’implant, après l’avoir antérieurement désenfoui en utilisant une partie secondaire de cicatrisation, en forme de bouteille (Fig. 27 et 28).

Vient alors le temps de la gestion muqueuse, passage obligé à l’esthétique dentaire. Nous utilisons une partie secondaire (RC) provisoire pour couronne sur laquelle on construit la dent provisoire et qui va façonner les tissus mous (Fig. 29 et 30).

La coiffe d’usage céramo-métallique est scellée sur une partie secondaire anatomique RC en titane (Fig. 31). À ce stade, la radiographie rétro-alvéolaire de contrôle montre les rapports du PS au niveau osseux en en fixant ainsi la première référence.

DISCUSSION

EXISTE-T-IL UN MODÈLE D’IMPLANT SUPÉRIEUR À UN AUTRE AU NIVEAU OSSEUX ?

Le souci de maintenir le niveau osseux des implants doit guider le praticien dans son choix d’implants. Nombreuses sont les particularités qui ont été évoquées ces trente dernières années par les chercheurs, les cliniciens et les fabricants pour faire valoir que l’os peut être stabilisé, souvent à défaut d’essais cliniques contrôlés randomisés et de revues systématiques de la littérature permettant d’établir une méta-analyse.

Ainsi, et au fil du temps, nous avons vu nombre de dogmes ne pas tenir leurs promesses (exemple : l’enfouissement comme condition à l’ostéo-intégration, les implants les plus longs possible ou à ancrage bicortical comme facteurs de succès, etc.).

Cette problématique – garder l’os en dépit des situations cliniques, aussi variées soient-elles – est issue de la connaissance en parodontologie. L’avènement des implants n’a fait que rendre plus crucial ce point particulier pour la raison que l’implant vient déjà en remplacement d’un organe dentaire perdu (quelle qu’en soit la raison), vécu parfois comme une fatalité par le patient mais aussi souvent comme un échec de la médecine.

Les implants enfouis (avec la jonction implant-pilier située au niveau osseux) ont régulièrement produit des pertes osseuses initiales que les implants non enfouis transmuqueux en une pièce (avec la jonction implant-pilier située à distance du niveau osseux) n’ont pas engendrées [15].

Le passage des implants non enfouis aux implants PS est le fruit d’un avatar de l’attache épithélio-conjonctive ou de l’espace biologique. On passe d’un espace biologique vertical (à proximité de l’os) à un espace biologique horizontal (à distance de l’os), ce qui explique selon plusieurs rapports cliniques une réponse des tissus durs et mous plus favorable (Canullo, 2010).

Comment ces implants doivent-ils être placés par rapport à la crête ? Jung et al. [16] positionnent différemment les implants Bone Level et en déduisent que la meilleure réponse osseuse est produite lorsqu’ils sont placés en « trans-osseux ». Ces auteurs étudient à cet effet chez l’animal des implants Bone Level à surface SLActive® situés à des hauteurs variables par rapport à la crête osseuse (– 1 mm, 0 mm et + 1 mm) en situation de platform switching et observent des réactions tissulaires différentes :

– une perte osseuse se produit à – 1 mm et un gain à + 1 mm alors qu’à 0 mm aucun effet ne se produit ;

–aucune différence n’est relevée quant à la réaction osseuse entre les implants au niveau osseux (BLI), que ceux-ci soient posés enfouis (en sous-muqueux) ou enfouis avec une coiffe de cicatrisation (en transmuqueux).

L’IMPLANT AU NIVEAU OSSEUX REPRÉSENTE-T-IL LE BON CHOIX DANS LES ZONES ESTHÉTIQUES ANTÉRIEURES ?

Une étude prospective est menée par Buser et al. [17] chez vingt patients suivis pendant 3 ans. La perte moyenne calculée à partir de radiographies était minimale avec une valeur à 3 ans de 0,18 mm ; seuls deux des vingt implants présentaient un retrait osseux supérieur compris entre 0,5 et 1 mm. Les résultats vont dans le sens d’un niveau osseux sujet à un retrait très ­faible avec des tissus mous stables à 3 ans favorisant ainsi une bonne réponse esthétique.

Il est à relever que la plupart des études se rapportant au PS ont pris en compte la composante verticale seule (du bord de l’implant au premier contact os/implant) du retrait osseux alors que la composante horizontale a été ignorée bien qu’existant nécessairement face à l’infiltrat lympho-plasmocytaire à la jonction implanto-prothétique ; or, on ne compte qu’une seule étude [18] qui mentionne ces deux composantes et qui précise que le PS pourrait ne pas avoir d’influence sur le maintien osseux.

Des études ont fait l’objet d’observations chez l’homme, d’autres chez l’animal, en prenant en compte les aspects biomécaniques et les avantages prônés par la technique. Les auteurs établissent que les conclusions de ces études convergent vers un meilleur maintien du tissu osseux et des tissus mous dans les zones esthétiques participant à obtenir un succès esthétique [19, 20].

CONCLUSION

Le concept du PS est applicable à l’implant au niveau osseux (BLI). Nous nous devons d’insister sur la notion que les études basées sur une évaluation radiographique ne donnent des informations que sur l’os mésial et distal aux implants mais laissent dans l’ombre les niveaux d’os vestibulaire et lingual.

Nous ne disposons pas à ce jour de données dans la littérature évaluant la technique du PS à long terme mais l’idée de limiter la résorption osseuse en tenant à distance les sources d’irritation semble produire les résultats que les études, à ce jour, mettent en valeur et qui expliquent la généralisation de la technique.

Le besoin est présent d’études cliniques contrôlées randomisées précisant la valeur probante de cette technique en implantologie. !

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REMERCIEMENTS

au Dr Olivier Charleux pour la réalisation de la prothèse.

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