Retraitement endodontique et accès chirurgical - Clinic n° 04 du 01/04/2010
 

Clinic n° 04 du 01/04/2010

 

ENDO… AUTREMENT

Stéphane SIMON  

Post doctorant INSERM UMRS 872 –
Université Paris 7
Associate researcher University of Birmingham (UK)
Exercice privé limité à l’endodontie (Rouen-76)

L’endodontie est souvent considérée comme un « simple » problème de mise en forme, de désinfection et d’obturation canalaire. Si ces étapes sont primordiales pour un clinicien, il est également essentiel de considérer les autres facettes de la discipline, à savoir le diagnostic, le pronostic, la douleur, les thérapeutiques innovantes, etc.

Dans cette nouvelle rubrique, nous nous appliquerons à aborder des sujets souvent mal connus, et tenterons d’aborder l’endodontie d’une autre façon.

Le traitement endodontique permet de désinfecter le système endodontique, mais la complexité de l’acte empêche d’obtenir une guérison dans 100 % des cas. La chirurgie apicale est alors un excellent complément. Une autre thérapeutique consistant à retraiter la dent par sa partie apicale permet d’allier les avantages des deux méthodes. Ses avantages et inconvénients sont décrits ici.

La pathologie d’origine endodontique est une lésion inflammatoire intraosseuse associée à une infection généralement confinée à l’intérieur du système endodontique. Si, sur la radiographie, cette lésion se présente toujours sous la forme d’une zone radioclaire à l’apex ou sur l’une des faces latérales de la racine, histologiquement, il peut s’agir :

• d’un granulome, tissu inflammatoire riche en cellules de défense du type lymphocytes, macrophages et autres cellules plasmatiques, et en fibroblastes. Des trabéculations de cellules épithéliales, issues de la prolifération des débris épithéliaux de Malassez, sont fréquemment rencontrées. Le granulome est la forme la plus fréquente de parodontite apicale. Cette lésion est généralement asymptomatique dans sa forme chronique et devient extrêmement douloureuse en phase aiguë. On parle alors de parodontite apicale aiguë ;

• d’un abcès apical remarquable par la présence de pus au sein de la lésion. Contrairement à la lésion précédente qui est purement inflammatoire, l’abcès apical est une lésion infectée. Il s’agit en général d’un granulome qui, de la phase chronique, est passé en phase aiguë infectée ;

• d’un kyste apical qui se présente sous la forme d’une cavité contenant un fluide ou un matériel semi-solide entouré d’une membrane épithéliale. Contrairement au granulome, une lésion kystique évolue rarement vers une phase aiguë douloureuse mais évolue à bas bruit en augmentant de taille. Deux types de lésions kystiques sont généralement décrits :

– le kyste d’origine endodontique, ou kyste en baie, en relation avec le système canalaire,

– le kyste dit « vrai », devenu autonome suite à la fermeture de sa membrane épithéliale. Le diagnostic différentiel avec une lésion d’origine non endodontique doit être établi avant de poser l’indication d’un traitement.

À l’exception du kyste dit vrai, la contamination du système endodontique représente la cause essentielle des lésions précédemment décrites. Ainsi le nettoyage, la désinfection et l’obturation du système endodontique par un traitement adéquat, associant instruments de mise en forme et solutions de désinfection, suffisent pour replacer la dent dans un contexte biologique favorable qui permet la cicatrisation osseuse ad integrum.

Néanmoins, le taux de succès en endodontie est rarement de 100 %. Si la persistance de bactéries à l’intérieur du canal est considérée comme la cause majeure de l’échec du traitement, d’autres facteurs peuvent être à l’origine de la persistance d’une lésion malgré un traitement endodontique a priori correct sur le cliché radiographique. Parmi ces facteurs largement décrits et rappelés par Nair et al. [1-3], les plus fréquents sont :

• la présence de corps étranger du type fibres de cellulose (probablement issues des pointes de papier utilisées pendant le traitement) ou de particules d’amidon (probablement issues de la poudre des gants opératoires) ;

• la nature de la lésion, notamment les kystes dits vrais ;

• la contamination fongique ou bactérienne de la lésion.

Dans le cas d’un échec avéré, et en présence d’un traitement canalaire adéquat permettant d’écarter la cause intracanalaire, seule la chirurgie endodontique permet d’éliminer les facteurs extraradiculaires et de replacer la dent dans un contexte favorable à la cicatrisation osseuse (fig. 1 à 3).

En présence d’un traitement canalaire imparfait, la simple énucléation de la lésion n’est pas la solution puisque la persistance de bactéries dans le canal suffira à réenclencher le processus de défense de l’organisme responsable de la formation de la lésion osseuse.

Ainsi, l’objectif d’une intervention chirurgicale en endodontie est, d’une part, d’éliminer les irritants extraradiculaires et, d’autre part, de compléter le traitement dans les derniers millimètres du canal qui n’ont pu être désinfectés par l’opérateur au cours du traitement orthograde précédent. On comprend alors que la chirurgie apicale devient et doit rester un complément de l’acte dit orthograde.

Le plan de traitement idéal d’une dent présentant une lésion d’origine endodontique est donc le suivant :

• évaluation de la possibilité et de l’intérêt de la conservation de la dent ;

• évaluation de la faisabilité d’un retraitement endodontique par voie orthograde :

– si celui-ci est impossible, la chirurgie peut être considérée comme l’alternative à l’extraction,

– s’il est possible, il doit toujours précéder une intervention chirurgicale. En effet, toute longueur du canal préalablement désinfectée puis obturée n’aura pas besoin d’être considérée par la chirurgie ;

• mise en place immédiate d’une restauration coronaire étanche et rétablissement de la fonction de la dent. Attention, une couronne provisoire à tenon scellée provisoirement ne suffit pas à assurer l’étanchéité ! Une restauration doit être collée ou scellée avant de restaurer l’occlusion avec un élément provisoire ou définitif. L’élément prothétique peut d’ores et déjà être mis en place, dans la mesure où, en cas d’échec, seul un abord chirurgical pourra être reconsidéré ; la présence de l’élément prothétique n’est pas dans ce cas un obstacle à l’intervention ;

• suivi de l’évolution de la cicatrisation par un contrôle radiographique effectué régulièrement, à 6, 12 et 18 mois ;

• en l’absence de signe de guérison à 12 mois visible sur la radiographie, éventuelle prolongation de la période de suivi du patient. En effet, certains auteurs ont montré qu’une période plus longue allant jusqu’à 4 années, pouvait être nécessaire pour obtenir une cicatrisation osseuse ;

• indication d’une intervention complémentaire chirurgicale en cas de signes manifestes d’échec à l’issue de la période d’observation et de suivi ou en présence d’une symptomatologie clinique (douleur, gonflement, etc.) même avant la fin de la période des 12 mois.

Si les choses semblent simples sur le papier, la décision de reprendre ou non un traitement, voire de le considérer comme impossible et de lui préférer un traitement chirurgical par facilité, est rarement dichotomique [4]. En cas de doute, la difficulté de l’acte et les risques inhérents à l’intervention (orthograde ou chirurgicale) doivent être évalués, afin de choisir la solution la plus adaptée et la moins invasive pour le patient.

Résection apicale et obturation a retro

La résection apicale simple consiste, d’une part, à éliminer la lésion apicale ainsi que les derniers millimètres de la racine en coupant son apex et, d’autre part, à préparer les derniers millimètres du canal et à l’obturer avec un matériau approprié tel que le MTA® (Dentsply-Maillefer, France), l’IRM® (De Trey, France) ou encore le Super EBA® (fig. 4 à 7).

Le lambeau est ensuite repositionné puis suturé après avoir fait saigner la crypte osseuse. Dans le cas d’une lésion de gros volume, une membrane de régénération tissulaire guidée peut être mise en place pour en recouvrir la face externe, éviter ainsi toute pénétration du tissu conjonctif au sein de la crypte en limitant la compétition cellulaire. En revanche, l’utilisation de matériaux de comblement ne semble pas être indiquée ; dans ce type de lésion, la crypte osseuse est dite à 4 parois et l’utilisation d’un matériau ostéoconducteur ou ostéo-inducteur ne semble pas optimiser le processus de cicatrisation. Néanmoins son indication n’est pas formellement contre-indiquée à partir du moment où les autres critères sont respectés.

Retraitement par voie chirurgicale

À partir du moment où, quelle que soit la technique utilisée, les objectifs restent les mêmes, certains auteurs ont proposé, il y a quelques années, d’effectuer le retraitement canalaire en accédant au canal par sa partie apicale et donc par une voie chirurgicale [5]. On parle alors de retraitement endodontique par voie chirurgicale (fig. 8 à 11). L’intérêt de ce concept consiste à respecter les objectifs endodontiques tout en limitant les risques inhérents au démontage des suprastructures coronaires, élargissant ainsi les indications de l’endodontie par voie chirurgicale. Préserver les éléments prothétiques parfois difficiles à éliminer sans risques tout en respectant l’ensemble des objectifs de base de l’endodontie fait de ce concept une approche intéressante de l’endodontie chirurgicale (fig. 12 à 14).

Déroulement du traitement

Les 7 étapes du traitement sont les suivantes :

• un lambeau permettant de dégager l’ensemble de la lésion osseuse est réalisé. Il est conseillé de déplacer les incisions de décharge de la largeur d’une dent de part et d’autre de la limite de la lésion (fig. 15 et 16) ;

• la lésion est totalement éliminée en réalisant un curetage minutieux avec une curette de Lucas puis avec un excavateur bien affûté ;

• les 2 derniers millimètres de la racine sont sectionnés de façon à enlever son apex et mettre en évidence le canal principal de la dent ;

• le canal doit alors être préparé sur toute sa hauteur. Une lime manuelle précourbée permet d’explorer le canal (fig. 17 à 19) et de vérifier sa perméabilité. Dans un second temps, le canal est préparé avec des limes 15/100e ultrasonores doublement précourbées (fig. 20 et 21). La société Satelec (Mérignac, France) propose dorénavant 3 inserts ultrasonores consacrés à ce type d’intervention. Leur partie active, de 3, 6 et 9  mm de long respectivement, est diamantée sur la pointe uniquement (fig. 22). Le premier insert permet de préparer le canal dans sa partie apicale, facilitant ainsi l’accès du deuxième insert qui, à son tour, permet de préparer le canal plus profondément et de faciliter l’accès du dernier insert. L’utilisation de ces instruments permet de préparer le canal sur une hauteur de 9 mm tout en l’élargissant ;

• une fois séché (fig. 23), le canal doit être obturé sur toute sa hauteur, avec du MTA®, de l’IRM® ou, éventuellement, de la gutta-percha réchauffée et injectée avec des pièces à main initialement prévues pour l’obturation canalaire conventionnelle (du type pistolet à gutta Obtura II®, Spartan, États-Unis, distribué par Dental Force, France) ou Calamus (Dentsply-Maillefer, France). Il est également possible d’associer plusieurs matériaux. Dans le cas décrit ici, de la gutta chaude a été injectée directement dans le canal préalablement enduit d’un ciment de scellement sur les deux tiers de sa hauteur (fig. 24) puis foulée avec des fouloirs de condensation verticale à chaud doublement précourbés (fig. 25). Le dernier tiers du canal a été obturé au MTA®, afin de profiter des propriétés de chaque matériau. La plasticité de la gutta a été exploitée pour obturer la partie difficilement accessible du canal. La mise en place apicale d’un bouchon de MTA® permet d’avoir une obturation particulièrement étanche et, surtout, extrêmement bien tolérée par les tissus périapicaux (fig. 26) ;

• la crypte osseuse est à nouveau nettoyée et un saignement est induit afin de permettre la formation d’un caillot sanguin, élément essentiel pour la cicatrisation osseuse à venir ;

• le lambeau est repositionné puis suturé. Les fils seront retirés à 4 jours postopératoires.

La cicatrisation observée après ce type de traitement est souvent plus rapide qu’après un traitement conventionnel. Le fait d’éliminer la lésion et de la remplacer par un caillot sanguin permet d’accélérer le processus de cicatrisation osseuse.

Si cette technique est particulièrement séduisante, car elle peut être considérée comme la solution de remplacement du retraitement par voie orthograde, il est important de connaître ses limites.

Limites de la technique

L’accès par voie chirurgicale est souvent plus compliqué que l’accès orthograde. Il devient néanmoins plus simple en présence d’une reconstitution coronaire ou corono-radiculaire complexe.

Les indications sont limitées par l’anatomie radiculaire. Les instruments actuellement à la disposition du praticien sont rigides : ils ne permettent pas de gérer une courbure radiculaire, même légère. Seuls les canaux rectilignes ou, tout au moins, les parties rectilignes du canal en cas de courbure de la racine peuvent être instrumentés.

La désinfection du système canalaire en endodontie repose sur l’association de l’instrumentation du canal par des limes et de l’utilisation d’une solution désinfectante qui permet à la fois de décontaminer le canal et de dissoudre les éléments organiques. La mise à nu du tissu osseux au cours d’un acte chirurgical, dans lequel l’utilisation d’un champ opératoire tel que la digue est impossible, interdit l’emploi de telles solutions qui sont trop agressives. La désinfection du canal est donc uniquement obtenue par son instrumentation : une élimination importante d’épaisseur de dentine est donc considérée par certains auteurs comme nécessaire afin d’obtenir une désinfection suffisante. Cependant, un élargissement trop accentué peut conduire à une fragilisation de la racine, augmentant ainsi le risque de fracture.

De nouvelles solutions d’irrigation à la fois bactéricides et non toxiques pour les tissus sains devront être mises au point afin d’optimiser cette technique. La création récente de solutions de désinfection associées à la photoactivation est probablement une des issues possibles.

Initialement décrite en 1986, cette technique a récemment reconquis l’intérêt de plusieurs auteurs. Les résultats rapportés dans la littérature médicale [6, 7], mais également constatés par de nombreux praticiens, permettent de penser que cette nouvelle approche de la chirurgie pourra prochainement être considérée comme une solution de remplacement sérieuse du retraitement par voie orthograde. À ce jour, ses limites techniques restent considérables et en restreignent les indications.

Conclusion

La désinfection du système endodontique doit demeurer l’objectif principal d’un traitement, quelle que soit sa voie d’accès. Retraiter un canal avant d’envisager une éventuelle résection apicale permet de faciliter l’acte chirurgical qui, quoi qu’on en dise, reste plus complexe pour le praticien et plus traumatisant pour le patient.

Bibliographie

  • 1. Nair PN, Sjogren U, Krey G, Sundqvist G. Therapy-resistant foreign body giant cell granuloma at the periapex of a root-filled human tooth. J Endod 1990;16:589-595.
  • 2. Nair PN. Pathogenesis of apical periodontitis and the causes of endodontic failures. Crit Rev Oral Biol Med 2004;15:348-381.
  • 3. Nair PN. On the causes of persistent apical periodontitis : a review. Int Endod J 2006;39:249-281.
  • 4. Kvist T. Endodontic retreatment. Aspects of decision making and clinical outcome. Swed Dent J Suppl 2001;144:1-57.
  • 5. Reit C, Hirsch J. Surgical endodontic retreatment. Int Endod J 1986;19:107-112.
  • 6. Friedman S, Abitbol S, Lawrence H. Treatment outcome in endodontics : the Toronto study. Phase I : initial treatment. J Endod 2003;29:787-793.
  • 7. Farzaneh M, Abitbol S, Lawrence H, Friedman S, Toronto Study. Treatment outcome in endodontics : the Toronto Study. Phase II : initial treatment. J Endod 2004;30:302-309.