Extraction-implantation immédiate : étude rétrospective sur 4 ans - Clinic n° 05 du 01/05/2011
 

Clinic n° 05 du 01/05/2011

 

IMPLANTOLOGIE

Arnaud BENEYTOUT  

Parodontologie et implantologie exclusive
CES et DU de parodontologie
DU d’implantologie et réhabilitation orale
DU d’anatomie cervico-faciale
CES de prothèse scellée
DU de chirurgie pré et péri-implantaire
Post-graduate New York University paro-implantologie
Attaché hospitalo-universitaire
119, rue du Palais-Gallien
33000 Bordeaux.

La demande implantaire actuelle devient exigeante, tant sur le temps de traitement que sur le résultat final.

Le but de cet article est de définir une approche diagnostique fiable pour établir un protocole chirurgical adapté à l’extraction-implantation immédiate et, de plus, prédictible sur le plan esthétique.

Cette technique est pratiquée avec régularité au cabinet depuis 4 ans avec le même protocole opératoire et un taux de succès de 98,5 %.

Le succès actuel de l’implantologie ne réside plus dans l’ostéo-intégration, acquise depuis plusieurs décennies déjà, mais dans l’intégration esthétique des restaurations prothétiques implanto-portées.

Les principes de réussite esthétique en implantologie tiennent dans le respect du positionnement tridimensionnel de l’implant [1, 2], déterminant le couloir prothétique dans le volume osseux disponible surtout au niveau des dimensions vestibulo-linguales [3] garant du maintien des tissus péri-implantaires, ainsi que dans l’analyse de la forme des dents et du phénotype parodontal.

L’extraction-implantation immédiate est soumise encore à controverse car elle a véhiculé, au départ, non seulement des données scientifiques empiriques erronées, comme la préservation du volume osseux [4], et aujourd’hui démenties [5-7] mais également des écueils dans son analyse diagnostique qui ont conduit à la banaliser, entraînant des erreurs chirurgicales majeures.

L’arbre diagnostique décisionnel présenté ci-après est essentiel à la bonne conduite de l’intervention en reprenant toutes les données fondamentales connues de l’implantologie dans les crêtes osseuses cicatrisées [8 ,9].

L’étude rétrospective porte sur 4 ans (de 2006 à 2009) et un total de 203 implants avec 3 échecs implantaires, soit un taux de succès de 98,5 %.

Les patients implantés sont représentés par des hommes de 20 à 69 ans (51 patients) et des femmes de 27 à 89 ans (82 patientes). Tous les patients présentent un parodonte stable ou assaini après traitement parodontal ; les fumeurs de plus de 10 cigarettes par jour représentent seulement 6 patients et 7 implants, avec 2 échecs implantaires (implants en 23 et 24 sur 2 patientes différentes).

La répartition des implantations immédiates correspond à 86 implants dans le secteur incisivo-canin avec un échec en 23, 81 implants dans les secteurs prémolaire avec 2 échecs (1 implant en 24 et 1 implant en 45 sur 2 patientes différentes) et 37 implants dans les secteurs molaires mandibulaires avec 2 implantations différées (l’une en raison de trop de sensibilités et l’autre en raison d’une insuffisance d’os résiduel pour la stabilité primaire).

Arbre décisionnel diagnostique

Dans les secteurs antérieurs maxillaire et mandibulaire, un dentascanner ou une tomographie est systématiquement réalisé. Cet examen est essentiel pour révéler :

• la position de la racine à extraire au sein de l’os de la mâchoire ;

• l’axe de cette racine par rapport au volume osseux ;

• la présence et l’épaisseur de la corticale vestibulaire (protocole chirurgical 1) ;

• l’absence plus ou moins importante de corticale soufflée par une infection, soit fenestration ou déhiscence (protocole chirurgical 2) ;

• la présence ou non d’un foyer infectieux endodontique localisé ;

• le réservoir osseux résiduel disponible.

Pour confirmer l’implantation immédiate, il faut :

• une dent correctement positionnée et circonscrite dans son étui osseux ;

• la possibilité de placer tridimensionellement l’implant en fonction du volume osseux résiduel dans l’axe du couloir prothétique ;

• une dimension vestibulo-linguale suffisante pour que l’implant, dans sa position correcte, soit circonscrit par l’alvéole osseux et qu’il existe au moins de 1,5 à 2 mm de hiatus entre le bord vestibulaire de l’implant et la corticale vestibulaire ou la tangente virtuelle passant par les pics osseux mésiaux et distaux, si la corticale est absente [10] ;

• l’absence de caractère aigu de l’infection, objectivée et corrélée à la clinique [11].

Protocole chirurgical 1

Un traitement antibiotique conventionnel de type spiramycine-métronidazole est commencé 24 heures avant le rendez-vous, à raison de 1 comprimé matin et soir pendant 6 jours ; s’il existe une infection endodontique ou endoparodontale réelle, le traitement est commencé 48 heures avant le rendez-vous, à raison de 1 comprimé matin, midi et soir pendant 6 jours.

Le protocole est le suivant :

• anesthésie locale par infiltration 1/100 000 de type articaïne para-apicale de la zone à implanter, avec rappel palatin ;

• incisions intrasulculaires périradiculaires avec ou non décollement a minima sur 1 mm (fig. 2) ;

• extraction douce et atraumatique de la racine toujours aux dépens de celle-ci, par fraisage intraradiculaire et luxation des fragments si la racine est ankylosée ;

• curetage profond de l’infection si elle existe ;

• préparation du site implantaire par forage aux dépens du mur osseux palatin, pour respecter l’axe prothétique et les 1,5 à 2 mm d’espace par rapport à la corticale ;

• mise en place d’un implant Tapered Screw Vent (TSV, Zimmer Dental) ayant un effet autotaraudant grâce à sa triple spire, permettant de le stabiliser sur une faible hauteur osseuse et adapté à la dent à remplacer ;

• mise en place d’os autogène au contact de l’implant, récupéré sur les forets [12] ;

• comblement systématique du hiatus péri-implantaire par Bio-Oss® (Geitslich) pour maintenir le volume osseux résiduel [13-15] (fig. 1 à 24), sachant que la corticale vestibulaire (os papyracé non vascularisé) disparaît systématiquement après extraction de la dent [6, 7] ;

• technique chirurgicale enfouie avec fermeture hermétique du site alvéolaire par greffe épithélio-conjonctive [16], sutures 5/0 par Vicryl rapide (Ethicon) (fig. 3) ;

• attente de cicatrisation de 5 mois, avec un bridge collé provisoire en remplacement de la dent absente (fig. 1 à 24) ou un appareil mobile 1 dent en cas d’occlusion croisée contre-indiquant le bridge collé [17] ;

• 5 mois plus tard, réouverture avec épaississement gingival pour assurer la stabilité des tissus péri-implantaires dans la zone antérieure et mise en place d’un pilier provisoire transvissé (HLPT 3 ou 4, Zimmer Dental) sur lequel une dent provisoire est réalisée extemporanément au fauteuil (fig. 6). L’intérêt de cette dent provisoire sur pilier vissé en polyuréthane est de créer un profil d’émergence adéquat [18] (durée : 3 mois) avant de réaliser l’empreinte pour la couronne d’usage ;

• 3 mois après, prise d’empreinte et pose de la couronne céramique (fig. 1 à 11).

Le respect des dimensions biologiques, l’herméticité par greffe gingivale libre ainsi que la réouverture par épaississement gingival sont les garants de la réussite esthétique et du maintien des tissus péri implantaires [19, 20].

Protocole chirurgical 2

La situation présentée dans ce cas clinique (fig. 25 à 42) se rencontre fréquemment après une fêlure radiculaire ayant entraîné une infection à répétition ou à bas bruit. Celle-ci est à l’origine d’un abcès vestibulaire avec fistule et, par conséquent, d’une lyse osseuse du mur vestibulaire,se manifestant soit par une fenestration, soit par une déhiscence (fig. 26 et 28). Cette situation est objectivée cliniquement et sur le dentascanner.

Pour décider de l’implantation immédiate, l’implant positionné sur scanner doit toujours être circonscrit dans le réservoir osseux, délimité par les pics osseux mésiaux et distaux, et en deçà de 2 mm de la tangente virtuelle passant par ces derniers (fig. 29).

Le protocole opératoire est le suivant :

• prescription d’antibiotiques (spiramycine et métronidazole, 1 comprimé matin, midi et soir à commencer 48 heures avant le rendez-vous pour une durée de 6 jours) ;

• anesthésie para-apicale par infiltration 1/100 000, gérant au moins les 2 dents bordant la dent à extraire avec un rappel palatin ;

• incisions intrasulculaires au niveau de la dent à extraire et des 2 dents adjacentes à l’édentement, suivies de 1 ou 2 incisions de décharge, permettant de décoller largement en épaisseur totale afin d’objectiver précisément la lésion osseuse (fig 28) ;

• extraction de la dent et curetage de la lésion résiduelle ;

• préparation du site implantaire par forage ;

• mise en place d’un implant Tapered Screw Vent (TSV, Zimmer Dental) ;

• reconstruction osseuse sandwich par régénération osseuse guidée (ROG) (fig. 30 à 32) :

– os autogène au contact de l’implant au niveau des spires, pris au bone scraper sur le site ou à l’aide de trépans osseux en fonction du volume à reconstruire,

– sur l’épaisseur de l’os autogène, mise en place de Bio-Oss® (Geitslich) en surcorrigeant pour reconstruire la paroi externe disparue, avec couverture hermétique par membrane collagène résorbable Bio-Gide® (Geitslich) ;

• fermeture du lambeau sans tension après dissection périostée et sutures 5/0 Vicryl rapide (Ethicon) avec greffe gingivale d’operculisation si nécessaire pour fermer le site chirurgical ;

• attente de 5 à 6 mois en fonction du volume osseux reconstruit avec bridge collé provisoire d’attente ;

• réouverture et épaississement gingival : provisoire sur pilier provisoire transvissé (HLPT 3 ou 4, Zimmer Dental) (fig. 35 à 40) ;

• 3 mois plus tard, passage à la couronne d’usage.

Gérer l’implantation immédiate et la régénération osseuse guidée en simultané prend toute sa dimension biologique, car cela permet de placer l’implant au contact de l’os alvéolaire natif sur au moins les trois quarts de sa surface développée et de reconstruire seulement la partie vestibulaire avec un os hybride, ce que ne permet pas l’implantation différée dans une régénération osseuse guidée faite au préalable dans les mêmes conditions, où l’implant est placé alors au bout de 6 mois dans un tissu composite cicatrisé plus ou moins inerte.

Cette intervention permet aussi de réduire le temps de traitement, élément cher au patient, ainsi que le nombre d’interventions et la morbidité de la chirurgie, en réservant les cas de greffe osseuse autogène d’aménagement pré-implantaire lorsque les critères précédemment cités ne sont pas réunis.

Conclusion

Cette approche rationnelle permet de gérer au cabinet de nombreux cas en implantation immédiate, avec un résultat esthétique constant et fiable et un taux de succès identique par rapport à une implantologie conventionnelle.

La macrostructure ainsi que la triple spire de l’implant TSV de Zimmer Dental font que ces interventions se réalisent avec une grande reproductibilité, même avec des racines aussi longues que l’implant, car le design de ce dernier permet une stabilité primaire excellente, avec certes un peu d’habitude, aux dépens seulement de l’os palatin.

La garantie du succès esthétique tient également dans la gestion chirurgicale en deux temps qui permet, lors de la réouverture du stade 2 chirurgical, d’apporter la quantité de gencive nécessaire pour assurer la stabilité des tissus péri-implantaires à terme.

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Évaluez-vous

Testez vos connaissances suite à la lecture de cet ­article en répondant aux questions suivantes :

1. Quelle est la dimension minimale du hiatus vestibulaire pour la stabilité des tissus péri-implantaires en implantation immédiate ?

• a. 3 mm

• b. 1 mm

• c. 2 mm

2. Quel est l’intérêt biologique d’implanter immédiatement dans l’alvéole avec régénération osseuse guidée ?

• a. d’éviter une perte osseuse

• b. d’exploiter l’os natif résiduel sur la plus grande surface de l’implant

• c. de simplifier la chirurgie

3. Doit-on combler systématiquement le hiatus pour la preservation osseuse ?

• a. Vrai

• b. Faux

Découvrez la suite du questionnaire et les bonnes réponses sur notre site internet : www.editioncdp.fr rublique Formation continue.