Litiges praticiens/patients : le défaut d’information en ligne de mire - Clinic n° 05 du 01/05/2011
 

Clinic n° 05 du 01/05/2011

 

GÉRER

JURIDIQUE

Catherine BIGOT  

Le défaut d’information du patient peut donner lieu à réparation même en l’absence de dommage. Une conférence du dernier congrès de l’ADF, consacrée aux obligations du chirurgien-dentiste à l’égard de son patient, nous renseigne sur la jurisprudence récente et rappelle l’importance de l’information dans la prévention des litiges.

Si le défaut d’information constitue depuis plusieurs années déjà une faute sanctionnée par les tribunaux, un arrêt récent de la Cour de cassation (arrêt du 3 juin 2010, cf. encadré) initie une nouvelle tendance en indemnisant le patient plaignant, au prétexte d’un manque d’information sur les risques d’une intervention, alors même qu’il n’avait subi aucun dommage consécutif à cette intervention. Une décision jugée « aberrante » par Daniel Cantaloube*, et une jurisprudence qu’il conviendra désormais de suivre de près. Même si, comme le précise Marc Sabek**, « le préjudice moral né du défaut d’information donne lieu à une réparation dont le montant reste à ce jour heureusement symbolique ».

Parmi les engagements essentiels du praticien, consacrés tant par le Code de déontologie médicale que par la loi du 4 mars 2002 (dite Loi Kouchner), figurent deux obligations essentielles : celle de fournir au patient une « information complète, intelligible et loyale », et celle de délivrer des « soins consciencieux, diligents et conformes aux données acquises de la science médicale ». En cas de litige, il convient de se souvenir que la preuve de l’information, comme d’ailleurs la preuve de « soins consciencieux, diligents et conformes aux données acquises de la science médicale », appartiendra toujours au praticien.

Si le patient a le devoir d’informer le praticien d’un certain nombre d’éléments le concernant – comme son statut, sa couverture sociale, ses antécédents médicaux et ses traitements en cours – le praticien, lui, doit informer le patient des différents traitements envisageables et des nouvelles techniques existantes, des risques encourus par l’intervention et/ou les soins proposés (il n’est pas dispensé de cette information par le seul fait que ces risques ne se réalisent qu’exceptionnellement), et de la hauteur du remboursement par la Sécurité sociale. Tout cela avec le maximum de clarté, en utilisant un vocabulaire compréhensible et adapté (le praticien doit faire en sorte d’être compris de son patient), et en faisant évoluer l’information au fur et à mesure de l’avancée du traitement. Bien entendu, l’information devra être complétée par un certain nombre de documents obligatoires, parmi lesquels l’incontournable devis signé, dont l’original restera dans le dossier médical et une copie sera remise au patient.

* Vice-président de l’Association française des chirurgiens maxillo-faciaux et expert auprès des tribunaux

** Chirurgien-dentiste et docteur en droit

L’arrêt de la Cour de cassation (juin 2010)

« Vu les articles 16, 16-3, alinéa 2, et 1382 du Code civil ; Attendu qu’il résulte des deux premiers de ces textes que toute personne a le droit d’être informée, préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposés, des risques inhérents à ceux-ci, et que son consentement doit être recueilli par le praticien, hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle elle n’est pas à même de consentir ; que le non-respect du devoir d’information qui en découle, cause à celui auquel l’information était légalement due, un préjudice, qu’en vertu du dernier des textes susvisés, le juge ne peut laisser sans réparation. »