Messager des profondeurs - Clinic n° 11 du 01/12/2011
 

Clinic n° 11 du 01/12/2011

 

PASSIONS

CATHERINE FAYE  

Une exigence mêlée de sincérité. Et une fougue sans concession. C’est ce qui a permis à Joe Bunni de publier un livre événement, ± 5 mètres1 : un appel poétique et politique à se mobiliser pour la préservation des océans et de la vie sous-marine. Un hommage à notre planète.

« Une fois que nous nous sommes assurés que l’ours s’était calmé, je me suis doucement laissé glisser dans l’eau, avec juste un masque et des palmes, relié au bateau par une corde », raconte Joe Bunni. Sur l’image, un ours polaire majestueux, entre ciel et mer, fixe l’objectif en nageant. Une prouesse photographique supplémentaire pour le porte-parole d’une des plus grandes causes de ce siècle : la préservation de la vie sous-marine. C’est pour cette photographie, emblématique, que l’aventurier humaniste a remporté cette année le prestigieux prix BBC Veolia NHM Wildlife Photographer of the year. Elle fait aussi la couverture de ± 5 mètres, son dernier livre, dont le concept unique en son genre renforce l’originalité de sa démarche, artistique et engagée.

Réchauffement climatique, acidification des océans, pollution, pêche, tourisme… le développement irraisonné et incontrôlé de ces dernières décennies a gravement porté atteinte à la biodiversité et au processus écologique. Joe Bunni en est le témoin. Amoureux de la faune et de la flore aquatiques, il plonge depuis plus de 30 ans dans les eaux des quatre coins du globe. Son constat, bouleversé, nous dit l’urgence à réveiller les consciences. « C’est à chaque individu de semer sa graine au quotidien, à chaque village, chaque commune, chaque région, chaque État et chef d’État d’agir, car les océans ne connaissent ni nationalité, ni frontières », écrit-il dans les dernières pages de son livre.

Un ouvrage qui prend sa source dans son combat le plus intime, le plus universel aussi. La sauvegarde de la planète, l’ouverture à la beauté et à l’environnement au sens large du terme. L’écoute de la vie. Il faut dire que Joe Bunni a presque un don d’ubiquité. Réservé et passionné à la fois, ce chirurgien-dentiste exerce dans son cabinet parisien avec une attention et un contact particuliers, pratique karaté et natation plusieurs fois par semaine, s’immerge dans la grande bleue dès qu’il le peut, livre une bataille sans trêve pour alerter, dévoiler, protéger. Les océans l’habitent plus qu’il n’y plonge lui-même. Son extraordinaire énergie et sa volonté transmettent non seulement les ondes de sa passion mais aussi un espoir. L’espoir de voir le monde changer, le désir de s’y engager soi-même.

Pour lui, tout commence avec le plaisir de plonger en mer, puis celui de saisir en image la grâce de la vie sous-marine. Après la fascination vient la prise de conscience. Le combat s’amorce. Expositions, tracts, interventions dans les écoles, diaporamas dans son cabinet dentaire, puis création de son association très active, SOS Océans2. La portée, en 2007, de son premier livre, Impressionniste de l’océan3, le décide à se lancer dans une nouvelle aventure, de grande envergure. Un livre jamais vu, une première mondiale selon le Bureau international de l’édition française.

Né au Caire, ce Franco-Anglo-Libanais est un citoyen du monde. Il veut s’adresser à tous les hommes des 5 continents. Son message sera universel. L’eau, les océans, les rivières sont l’affaire de chacun ; plus que cela, ils sont une des conditions sine qua non de la vie sur terre. Il invite alors 14 écrivains de langues différentes à écrire autour de ses 700 photos prises en Patagonie, aux Philippines, au Botswana, en Indonésie, dans l’Antarctique… Chaque poème, conte ou texte est ensuite traduit dans les 13 autres langues. Une ode aux océans de 550 pages. Un hymne.

Bélouga, dauphin prophète des mers, phoque léopard plantent leur regard presque tendre dans son objectif. Gorgones, comatules, anémones dansent sur les pages où des poissons comètes ou des demoiselles citron se gorgent de reflets. Joe Bunni nous dévoile la beauté palpable, à moins de 5 mètres de la surface de l’eau, et hisse le drapeau de son combat entre les lignes et les photographies de son ouvrage. Un drapeau hissé si haut que chaque chef d’État et chef de délégation présents lors du dernier sommet du G20 en ont reçu un exemplaire. La mer, sa faune, sa flore doivent être sauvées. C’est une affaire humaine, donc politique. L’état d’urgence est déclaré.

1. Éditions Vilo, 2011.

2. www.sosoceans.com

3. Vis-à-vis Éditions, 2007.