Restauration partielle en céramique : inlay-onlay - Clinic n° 01 du 01/01/2010
 

Clinic n° 01 du 01/01/2010

 

PROTHÈSE FIXÉE

Hicham SOUALHI **   Ahd ZAGHBA**   Rachid EL OUALI***   Amal EL YAMANI****   Jamal EL BERNOUSSI*****  


*Chirurgien-dentiste spécialiste en prothèse fixée
La chaumière II, n° 30
Hay Ryad, Rabat, Maroc.
**Résidente en prothèse fixée
***Chirurgien-dentiste spécialiste en prothèse fixée
****Professeur d'enseignement supérieur en prothèse fixée
*****Professeur d'enseignement supérieur en prothèse fixée, chef de service de prothèse fixée
Faculté de médecine dentaire, Rabat, Maroc.

Les progrès réalisés dans le domaine du collage et des matériaux en céramique ont autorisé le passage d'une dentisterie conventionnelle, régie par les principes de Black, à une dentisterie moderne, privilégiant la rétention par collage. Les inlays-onlays collés en céramique font partie de cette nouvelle approche de dentisterie restauratrice esthétique adhésive, plus que jamais conservatrice.

Actuellement, les inlays-onlays en céramique constituent des restaurations esthétiques et fonctionnelles durables pour les dents postérieures. En effet, ces techniques, qui intéressent principalement des lésions de taille moyenne, vont préserver au mieux l'intégrité tissulaire de la dent tout en maintenant, voire en améliorant, la fonction et l'esthétique.

La réalisation de restaurations dentaires esthétiques est un objectif commun aux praticiens et aux patients, souvent présentée comme une demande de ces derniers. Il y a 20 ans, très peu de choix pour la restauration des dents postérieurs s'offraient aux chirurgiens-dentistes. Pour un résultat plus soigné et durable, il convient de réaliser soit une restauration partielle indirecte de type incrustation métallique, soit une restauration partielle à vocation esthétique de type inlay ou onlay en céramique ou en composite. L'or permet d'assurer une meilleure longévité [1], cependant ces restaurations ne peuvent jamais être qualifiées d'esthétiques. Récemment, le profil des restaurations postérieures a énormément changé en partie grâce à l'amélioration des matériaux esthétiques, des préparations de cavités plus conservatrices qu'auparavant ainsi que d'une meilleure éducation des patients [2,3].

Les onlays en céramique sont apparus dans l'histoire dentaire bien avant les onlays en or. Dès la fin du XIXe siècle, ils ont été proposés comme moyen de restauration des lésions carieuses [15]. Malheureusement, leur utilisation a été arrêtée en raison d'un fort pourcentage d'échecs : ils étaient réalisés sur une matrice métallique et simplement scellés avec un ciment conventionnel.

Ils ont été réintroduits dans les années 1980 grâce à la conjonction de deux avancées techniques décisives :

- l'amélioration des adhésifs de collage, qui permet une liaison durable de l'inlay avec la dent ;

- la mise au point récente, par l'industrie dentaire, d'un grand nombre de systèmes qui permettent la fabrication d'inlays parfaitement adaptés aux cahiers des charges requis pour toutes les restaurations postérieures indirectes.

Indications

La technique des inlays-onlays collés en céramique prend toute son indication dans la réalisation de plusieurs cavités du même secteur, en gardant à l'esprit les limites d'indications dues à l'exigence de l'hygiène bucco-dentaire, la présence d'une forte activité carieuse, des marges sous-gingivales trop marquées et des parafonctions [2,4]. Ainsi, ses principales indications sont les suivantes :

- une demande esthétique importante ;

- une restauration d'un délabrement coronaire de moyenne ou grande étendue ;

- la nécessité d'avoir des cavités juxtagingivales ou supragingivales pour mettre en oeuvre une procédure de collage requérant la mise en place d'une isolation correcte ;

- une restauration de l'occlusion pour augmenter la dimension verticale d'occlusion (DVO) ou bien la diminuer en reconstruisant les faces occlusales de dents égressées ;

- des dents dépulpées (les restaurations collées peuvent être une solution de choix par rapport aux couronnes lorsque le délabrement est peu ou moyennement important) ;

- toutes cavités moyennes et larges au secteur postérieur, avec ou sans recouvrement cuspidien.

Cette technique peut s'adapter à des formes de contour variées, allant des inlays monofaces à des onlays avec un large recouvrement.

Avantages

Les inlays-onlays en céramique constituent des restaurations esthétiques et fonctionnelles durables pour les dents postérieures. Ces techniques, qui intéressent principalement des lésions de taille moyenne, vont préserver au mieux l'intégrité tissulaire de la dent tout en maintenant, voire en améliorant, la fonction et l'esthétique [2,6]. Les avantages qui en résultent seront :

- une meilleure économie tissulaire par rapport aux restaurations indirectes métalliques scellées qui nécessitent des préparations plus importantes assurant sustentation et rétention ;

- une biocompatibilité résultant des propriétés de la céramique ;

- une longévité grâce à une bonne précision du joint dento-prothétique et à l'étanchéité qui résulte du collage ;

- de bonnes qualités esthétiques.

Considérations cliniques

Préparations [4,7,8]

Aux formes des préparations pour restaurations coulées métalliques qui exploitent une rétention mécanique s'oppose la simplicité des préparations pour restaurations collées qui deviennent beaucoup plus conservatrices (fig. 1).

L'apparente simplicité de ces préparations ne doit pas faire oublier certains principes concernant :

- la finition périphérique. Une finition en quart-de-rond a été préconisée pour ses avantages de facilité de lecture au laboratoire, d'amélioration de mimétisme marginal de la pièce céramique et d'augmentation de la surface de collage à l'émail. En pratique, cette finition conduit à réaliser des inlays-onlays à bord fragile. Actuellement, une finition périphérique droite est généralement adoptée tant pour des raisons mécaniques que de facilité de réalisation au laboratoire ;

- la surface d'appui de la céramique. Malgré des améliorations récentes, la céramique reste toujours un matériau fragile. Les préparations doivent avoir :

• des fonds horizontaux dans les cavités principales,

• des parois cervicales horizontales dans les cavités proximales,

• des épaulements à angles internes arrondis sur les faces vestibulaires et linguales ;

- la profondeur de la préparation. Toujours pour pallier les qualités mécaniques faibles de la céramique sans support, les pièces prothétiques doivent avoir une épaisseur suffisante, allant au minimum de 1,5 à 2 mm ;

- la dépouille de la préparation, qui est importante, la rétention étant préférentiellement assurée par le collage. Les parois de dépouille doivent être de 10° (fig. 2) ;

- la ligne de contour qui, en tenant compte des caractéristiques de la céramique, devra être hors des points d'impacts occlusaux.

Les cavités dentinaires profondes seront comblées avec un verre ionomère qui, par son adhérence à la dentine, permet le comblement des contre-dépouilles et la protection dentino-pulpaire.

Empreinte

L'empreinte est généralement prise en un seul temps ; il est habituel d'utiliser un silicone par addition ou un élastomère polyéther. Les hydrocolloïdes sont également adaptés.

Temporisation

La temporisation est une étape délicate des restaurations partielles indirectes. Elle doit être aussi brève que possible, la difficulté majeure restant l'assurance d'une bonne étanchéité [5].

Les résines provisoires conventionnelles peuvent être utilisées, tout comme les résines souples photopolymérisables. En cas d'onlays complexes, une technique indirecte sera préférée.

La restauration provisoire est préparée en bouche ou sur le modèle puis elle est polie, finie et scellée avec un ciment provisoire.

Réalisation au laboratoire

Actuellement, la céramique s'offre au praticien sous de nombreuses formes et techniques pour la réalisation des inlays-onlays en céramique. Elle peut être frittée (feldspathique conventionnelle), frittée et infiltrée (In-Ceram), pressée (Empress) ou usinée. Quelle que soit la méthode utilisée, il est indispensable que les pièces prothétiques réalisées aient une adaptation très précise. L'adaptation marginale et la précision du joint dento-prothétique des inlays-onlays supposent un travail minutieux à chaque étape de leur réalisation au laboratoire ainsi qu'une parfaite connaissance des techniques et matériaux utilisés.

Aujourd'hui, les principales céramiques recommandées pour les restaurations postérieures partielles sont :

- les céramiques pressées au disilicate de lithium (IPS Empress II) ;

- les céramiques usinées à l'oxyde de silicium (Cerec Block) ;

- les céramiques alumineuses frittées et infiltrés (In-Ceram).

Leurs performances mécaniques dépassent 300 MPa de résistance à la flexion [9]. Associées aux techniques adhésives, ces caractéristiques leur ouvrent le champ d'indication des restaurations coronaires postérieures partielles [10].

Essayage

L'essayage des restaurations suit les règles dévolues aux restaurations prothétiques : point de contact proximal, adaptation marginale, forme anatomique, teinte. Les contacts en occlusion ne seront contrôlés qu'après collage.

Collage

Le collage permet de s'affranchir des principes de préparation rétentrice. En outre, historiquement, les échecs (fractures en particulier) des inlays-onlays en céramique étaient en grande partie dus aux scellements. Le collage permet une unité dent-colle-céramique extrêmement résistante [11].

Les céramiques sont par nature des matériaux cassants et leur collage est un moyen efficace de pallier leur fragilité. Le protocole de collage diffère en fonction du type de la céramique [12,13].

Céramiques mordançables

Ce sont des céramiques qui contiennent en quantité plus ou moins importante des silicates. Cette phase vitreuse peut être mordancée par un acide fort, l'acide fluorhydrique, qui permet de créer un relief propice au collage. Dans un second temps, on dépose à la surface de la céramique un silane. Cet agent de couplage permet, d'une part, de créer une liaison chimique à la phase vitreuse et, d'autre part, de se lier à la résine de collage. Ce protocole permet d'obtenir une adhésion forte dans le cas de céramique feldspathique ou dans les céramiques pressées de type Empress.

Céramiques renforcées non mordançables

Dans le cas de céramique renforcée à l'alumine ou au zircone (In-Ceram, Procera), le traitement à l'acide fluorhydrique est inefficace et ne permet pas de créer à sa surface un relief propice au collage. Il n'existe pas de protocole idéal :

- le traitement par sablage de l'intrados de la prothèse avec de l'alumine à 50 µm permet d'améliorer simplement la rétention finale. La seule solution est d'effectuer un revêtement de silice par pyrolyse de siloxane (procédé Silicoater) ou traitement tribochimique (RocatecTM), suivi de l'application d'un silane ;

- il semble prudent de conseiller l'emploi de colles possédant un potentiel adhésif propre, du type Super-Bond ou Panavia.

Sinon, il faudra préférer sceller au ciment verre ionomère modifié par adjonction de résine qui possède de bonnes propriétés adhésives sur ces céramiques, après un simple traitement de l'intrados des infrastructures par une solution d'acide polyacrylique.

Illustrations cliniques

Cas clinique n° 1

Il s'agit de la restauration d'une première molaire maxillaire gauche (26) qui présente un volumineux composite occluso-mésial (fig. 3). La préparation pour inlay respecte les principes de base : fond plat, dépouille accrue, angles arrondis et finition périphérique à angle droit (fig. 4). L'empreinte est réalisée en un temps en double mélange à l'aide d'un silicone réticulant par addition (fig. 5) et la provisoire est faite par automoulage ( block technique ) (fig. 6). Pour la réalisation de laboratoire, la technique de céramique pressée (Empress II) est choisie, elle allie de bonnes propriétés esthétiques et mécaniques avec une aisance d'élaboration au laboratoire (fig. 7). Après collage et élimination des excès, on procède à un équilibrage occlusal et repolissage de l'inlay (fig. 8 et 9).

Cas clinique n° 2

La 16 présente un délabrement important, l'onlay est la solution de choix pour éviter une restauration à ancrage périphérique qui nécessitera une éventuelle dépulpation (fig. 10). Une préparation est réalisée avec des formes arrondies, la pulpe est protégée par un fond protecteur (hydroxyde de calcium, verre ionomère) (fig. 11). L'onlay est réalisé par le procédé In-Ceram (fig. 12). La restauration finale présente une morphologie et des contours satisfaisants, l'esthétique est préservée avec une meilleure économie tissulaire pour cette restauration fonctionnelle et durable (fig. 13 à 15).

Conclusion

Grâce à l'amélioration des propriétés mécaniques des céramiques et des techniques de laboratoire ainsi qu'à une adhésion très performante à la dentine mais aussi à la céramique, les inlays-onlays en céramique collés semblent être, à l'heure actuelle, la meilleure thérapeutique de restauration des dents cuspidées.

Lorsque l'indication a été bien posée et que les principes de la préparation et du collage ont été respectés, les inlays-onlays en céramique collés représentent une solution thérapeutique fiable et durable. Ils permettent de répondre favorablement à une demande esthétique croissante, tout en étant des restaurations fonctionnelles et des renforçateurs.

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