L'ostéo-intégration est-elle définitive ? - Clinic n° 03 du 01/03/2010
 

Clinic n° 03 du 01/03/2010

 

REGARDS CLINIQUES

Jean-François KELLER*   Odile BARSOTTI**   Bernard Marie DURAND***   Yves DOUILLARD****  


*Ancien interne, assistant hospitalo-universitaire
**Maître de conférence des Universités, praticien hospitalier
***Maître de conférence des Universités, praticien hospitalier
Faculté d'odontologie, Université Claude-Bernard Lyon-1, 11 rue Guillaume-Paradin, 69372 Lyon Cedex 08.
Hospices civils de Lyon, Service de consultations et de traitements dentaires,
6-8 place Depéret, 69365 Lyon Cedex 07.
****Maître de conférence des Universités, praticien hospitalier

Le taux élevé de survie des implants a été démontré à travers de nombreuses études. Cependant, parmi les implants en survie, tous ne sont pas des succès implantaires. Pour être considérée comme un succès, la réhabilitation implanto-prothétique doit répondre aux attentes esthétiques et fonctionnelles du patient, elle doit être asymptomatique et, surtout, chaque implant doit maintenir son niveau d'ostéo-intégration.

Or, dans certaines conditions, il est possible d'observer une perte progressive de celle-ci. La surcharge occlusale et l'infection péri-implantaire sont considérées comme les responsables majeures de la désostéo-intégration. Cet article aborde ces aspects à partir d'une analyse de littérature.

De nombreuses études mettent en évidence des taux élevés de survie implantaire [1]. En effet, la grande majorité (de 90 à 95 %) des implants sont encore présents en bouche au bout de 5 à 10 ans [2,3]. Cependant, la survie est différente du succès implantaire [4]. Le maintien d'une fixation rigide et asymptomatique de l'implant dans l'os durant la mise en charge caractérise la survie, alors que le succès répond à des critères psychologiques, fonctionnels et physiologiques. Pour être considérée comme un succès, la restauration implanto-prothétique doit répondre aux attentes esthétiques et fonctionnelles du patient, elle doit être asymptomatique et, surtout, le niveau d'ostéo-intégration de chaque implant doit être maintenu [2].

Trop souvent, l'ostéo-intégration est considérée comme « définitive ». Or, elle est le résultat d'un processus biologique de cicatrisation et est, par conséquent, en constant remaniement. Il est en effet possible, sous certaines conditions, d'observer sa perte progressive [5]. Depuis de nombreuses années, le traumatisme occlusal a été considéré comme le principal agent responsable de la désostéo-intégration (terme qualifiant la perte d'une ostéo-intégration préalablement obtenue) [6]. Cependant, l'infection des tissus péri-implantaires semble prendre une place de plus en plus importante dans ce processus de destruction osseuse péri-implantaire [7].

Après la mise en place chirurgicale des implants et la réalisation des restaurations prothétiques, le chirurgien-dentiste doit mettre en place un suivi régulier [8]. Les situations de désostéo-intégration devront être diagnostiquées le plus précocement possible afin de réaliser une prise en charge appropriée. Pour assurer la pérennité des traitements implantaires, une thérapeutique implantaire de soutien doit être réalisée.

Ostéo-intégration

Les agressions induites par la chirurgie implantaire déclenchent un processus de cicatrisation. Au niveau muqueux, celle-ci aboutit à la formation de l'espace biologique. Cette barrière étanche évite tout contact entre les produits de l'environnement buccal et le tissu osseux. La cicatrisation des tissus durs permet l'obtention d'un contact direct entre l'os et l'implant : l'ostéo-intégration. Le péri-implant, constitué de l'espace biologique et de l'ostéo-intégration, assure la fonctionnalité et la longévité du traitement implantaire.

Cicatrisation osseuse péri-implantaire

Dans les jours qui suivent la chirurgie, la stabilité de l'implant est assurée par la friction de l'os sur le corps implantaire. Au niveau de l'os spongieux, la fracture des trabécules et la lésion des vaisseaux entraînent la formation d'un caillot sanguin à la surface de l'implant. Un tissu conjonctif lâche, richement vascularisé, composé de fibroblastes et de cellules mésenchymateuses indifférenciées remplace progressivement ce caillot sanguin. Au niveau cortical, l'importante friction entraîne l'apparition d'une zone avasculaire sur 1 mm d'épaisseur. Dans cette zone, le tissu osseux nécrosé se résorbe et est remplacé progressivement par du tissu conjonctif lâche. La maturation progressive de ce nouveau tissu conjonctif permet l'apparition d'un os cicatriciel, d'abord au niveau de l'apex et du corps, puis à celui du col implantaire. Du fait de la résorption osseuse et de la faible résistance mécanique de l'os nouvellement formé, la stabilité de l'implant diminue rapidement. À partir de la quatrième semaine, l'os cicatriciel est progressivement résorbé et remplacé par un os de type lamellaire. L'organisation de cet os permet de mieux répartir les contraintes à l'os adjacent. La surface de l'implant est peu à peu recouverte par une fine couche d'os lamellaire. Des ostéons s'organisent dans l'ancienne zone de compression entre l'os lamellaire situé à la surface de l'implant et l'os trabéculaire non résorbé. Après 4 mois de cicatrisation, l'ostéo-intégration est obtenue. Une parfaite continuité est observée entre l'os lamellaire à la surface de l'implant et l'os spongieux à distance. À ce stade, la stabilité implantaire est maximale.

Bien qu'un contact os/implant soit obtenu, il n'est jamais observé sur la totalité de la surface implantaire. En moyenne, 60 % de la surface de l'implant est au contact direct de l'os après la mise en charge [9]. Ces valeurs de contact os/implant sont très variables selon les individus, selon les sites (maxillaire/mandibulaire) et selon l'état de surface de l'implant.

Stabilité de l'ostéo-intégration

Le succès à long terme de la restauration implantaire est assuré par le maintien de l'ostéo-intégration et la stabilité de l'environnement péri-implantaire. Le respect des équilibres biomécanique et hôte/parasite est indispensable à ce succès (fig. 1) [10].

Équilibre biomécanique

Après la mise en charge des implants, la réorganisation de l'architecture osseuse permet d'augmenter sa résistance aux contraintes [11]. Chez l'animal, la mise en place de forces orthodontiques sur un implant ostéo-intégré entraîne un remodelage osseux intense avec une augmentation de la surface de contact os/implant. La densité osseuse péri-implantaire s'accroît avec l'intensité des forces transmises [12]. Bien que les contraintes soient transmises en majorité à l'os crestal, le remodelage concerne toute la hauteur de l'implant [13]. Ces modifications histologiques sont interprétées comme une adaptation physiologique.

Cependant, un phénomène de fatigue, se traduisant par l'apparition de microfractures, peut survenir lors de la transmission de contraintes excessives. L'architecture osseuse permet de limiter la propagation de ces microfractures et la cicatrisation tissulaire permet de les réparer. Des microfractures sont constamment observées à l'interface os/implant et au sein de l'os alvéolaire. Le maintien de l'ostéo-intégration et de ses propriétés biomécaniques est assuré tant que la capacité de cicatrisation du tissu osseux permet la réparation des microfractures [10].

Équilibre hôte/parasite

Contrairement aux autres matériaux implantables (pacemaker, prothèses orthopédiques...), les implants dentaires sont exposés à l'environnement extérieur ainsi qu'aux micro-organismes. Les défenses des tissus mous péri-implantaires (fluide sulculaire, infiltrat inflammatoire) tiennent sous contrôle les micro-organismes commensaux de l'écosystème buccal [14]. Dans les conditions physiologiques, le fluide sulculaire présente des composants spécifiques et non spécifiques de la réponse humorale tels que des collagénases et leurs inhibiteurs. Les polymorphonucléaires neutrophiles qui migrent au travers de l'épithélium sulculaire constituent le principal mécanisme de défense. Des cellules immunitaires, majoritairement des lymphocytes T, infiltrent les tissus conjonctifs péri-implantaires.

La rupture de ces équilibres (biomécanique et/ou hôte/parasite) peut entraîner la perte de l'ostéo-intégration préalablement établie. On parlera de « désostéo-intégration » chaque fois qu'il y aura remplacement du tissu osseux par du tissu conjonctif à la surface de l'implant.

Désostéo-intégration

Contrairement aux complications qui surviennent dans les mois qui suivent la pose de l'implant, la désostéo-intégration débute une fois l'ostéo-intégration obtenue. La résorption osseuse péri-implantaire ne survient pas de manière aléatoire mais elle est généralement associée à une surcharge occlusale et/ou à une infection des tissus péri-implantaires.

Surcharge occlusale

En orthopédie, des cas de perte aseptique de prothèse de hanche ou de genou ont été rapportés. La perte du contact direct os/prothèse et l'encapsulation fibreuse de la prothèse semblent secondaires à un phénomène de fatigue entraînant la fracture des trabécules osseuses [15].

En implantologie, la surcharge est définie comme une rupture de l'équilibre biomécanique. L'accumulation de microdommages (microfractures de fatigue) dépasse les potentiels de résistance et de cicatrisation de l'os et aboutit au remplacement de ce dernier par du tissu conjonctif à la surface de l'implant [10]. De nombreuses études ont analysé l'influence de la surcharge sur la stabilité de l'os péri-implantaire.

Études animales

L'application de forces obliques sur un implant, lors de surcharges occlusales, peut entraîner une désostéo-intégration [16]. Dans ces conditions, la résorption osseuse peut provoquer la mobilité de l'implant en quelques mois. Contrairement à l'ostéoclasie crestale observée lors des péri-implantites, la surcharge occlusale engendre une résorption osseuse sur toute la hauteur de l'implant. Cette résorption a lieu non seulement à la surface de l'implant mais également à distance. La présence de séquestres osseux ostéo-intégrés explique la mobilité de certains implants radiologiquement ostéo-intégrés [17]. Cependant, ces résultats ne sont pas observés par tous les auteurs. Une augmentation de la densité osseuse et de la surface de contact os/implant a même été observée à la suite de l'utilisation de dispositifs orthodontiques [12].

Comme en parodontologie, la surcharge occlusale semble accélérer la vitesse de destruction des tissus osseux péri-implantaires [18].

Les études animales sont caractérisées par la grande disparité de leurs résultats et de leurs conclusions. Les divergences observées sont secondaires à l'utilisation de contraintes de natures, d'intensités ou de durées d'application diverses.

Études humaines

De nombreuses études cliniques, réalisées chez l'homme, ont mis en évidence une relation de cause à effet entre la surcharge occlusale et l'échec implantaire [3,19 -24]. Il n'est pas rare d'observer une augmentation de la perte osseuse et des complications prothétiques lorsque les restaurations maxillaires complètes présentent des extensions distales importantes [25]. De plus, les implants distaux supportant le maximum des contraintes axiales et de cisaillement présentent plus de complications que les autres (fig. 2). Pour Naert et al . [26], les implants perdus sont le plus souvent associés à un mauvais positionnement, à des extensions prothétiques trop importantes ou à une erreur de conception prothétique (fig. 3). L'absence de contact occlusal dans les secteurs antérieurs, l'existence d'une parafonction ou la restauration des 2 maxillaires par des prothèses complètes implanto-portées sont également des situations où l'on observe une diminution du taux de survie implantaire et une augmentation de la désostéo-intégration [6]. Parmi les premiers implants utilisés, les implants cylindriques sans spires présentaient une perte osseuse continue malgré la qualité de leur alliage et leur état de surface. Ces échecs nous ont enseigné que la présence de spires et l'augmentation de la surface de l'implant étaient indispensables à la stabilité de l'os péri-implantaire.

Lors de l'analyse histologique des implants ayant manifesté une résorption osseuse, aucun signe d'infection péri-implantaire n'a été observé [27]. La combinaison d'une mauvaise qualité osseuse et d'une surcharge occlusale était considérée comme un des principaux facteurs responsables des complications biologiques tardives. De plus, l'absence de tout signe inflammatoire en microscopie photonique et électronique caractérisait les implants ayant eu une désostéo-intégration secondaire à une surcharge occlusale [28].

Le traumatisme occlusal a longtemps été considéré comme l'une des principales causes de la désostéo-intégration. Cependant, les conclusions d'études à faible niveau de preuve doivent être considérées avec précaution [29]. Bien que l'on puisse affirmer une corrélation entre surcharge occlusale et stabilité de l'ostéo-intégration, le traitement implantaire doit répondre à certains critères. En effet, lors de la pose des implants et de la réalisation prothétique, il est indispensable que la surcharge occlusale engendrée par des extensions distales, des contacts occlusaux, des parafonctions ou un concept occluso-prothétique soit limitée tableau 1 [30]. La diminution des contraintes et l'augmentation du nombre d'implants devraient améliorer le pronostic des restaurations implantaires. Pour les os de mauvaise qualité, plus sensibles aux contraintes mécaniques que ceux de bonne qualité, il faut augmenter le délai de cicatrisation.

Infection péri-implantaire

Les mucosites péri-implantaires et les péri-implantites sont définies comme des pathologies d'origine infectieuse caractérisées par l'inflammation des tissus péri-implantaires. Pour les mucosites, le phénomène inflammatoire est réversible et superficiel ; pour les péri-implantites, il aboutit à la destruction irréversible des structures profondes [31]. Contrairement à la surcharge occlusale, de nombreux arguments confirment l'étiologie infectieuse de la désostéo-intégration.

Péri-implantite expérimentale

L'insertion sous-muqueuse de ligatures induit une péri-implantite chez le chien [32,33]. L'accumulation du biofilm dans le sulcus implantaire induit une inflammation suivie d'une désostéo-intégration. Ce modèle reste approximatif car il est impossible de déterminer l'étiologie de la péri-implantite : accumulation du biofilm et/ou insertion d'un corps étranger [34]. Dans la majorité des expérimentations, la suppression des ligatures est suffisante pour stopper la résorption osseuse.

Études microbiologiques

Microbiologie et succès implantaire

Chez le patient édenté complet, après 2 ans de mise en charge, les 83 % de la flore péri-implantaire sous-muqueuse sont composés de cocci ; les spirochètes sont indétectables ; le rapport bactéries aérobies/anaérobies est de 1 et les bactéries parodontopathogènes (Fusobacterium sp., Porphyromonas gingivalis, Prevotella intermedia, Treponema denticola) sont le plus souvent indétectables. Des modifications de la composition de la flore sous-muqueuse sont observées en fonction de l'indice de plaque [35].

Chez le patient édenté partiel, la flore sous-muqueuse des implants et la flore sous-gingivale des dents adjacentes présentent de fortes similitudes. Les bactéries impliquées dans les maladies parodontales, présentes en faible quantité dans les situations parodontales saines, sont en mesure de coloniser les sites implantaires. En effet, P. intermedia, Peptostreptococcus micros et Fusobacterium nucleatum sont détectées dans la majorité des sites implantaires après 1 mois d'exposition à l'environnement buccal. Les poches parodontales et les poches péri-implantaires ont une composition similaire après 6 mois de mise en fonction. Un équilibre microbiologique s'établit entre les sites parodontaux et les sites péri-implantaires dans les 6 mois qui suivent la mise en fonction [36].

Microbiologie et péri-implantites

La microbiologie des péri-implantites est semblable à celle des parodontites [37]. Dans ces lésions, le rapport bactéries aérobies/anaérobies est de 1/6 et des spirochètes sont présents. On observe également une diminution des streptocoques anaérobies facultatifs et une augmentation des bacilles à Gram négatif anaérobies stricts [38]. Les espèces retrouvées lors des infections péri-implantaires (Tannerella forsythia, F. nucleatum, Campylobacter gracilis, P. micros et Streptococcus intermedius) peuvent détruire le tissu osseux péri-implantaire [7].

Contamination des sites péri-implantaires par les sites parodontaux

Les poches parodontales sont des « réservoirs bactériens ». Elles permettent la prolifération des germes parodontopathogènes et leur migration vers les sillons péri-implantaires [39]. Leonhardt et al . [40] ont mis en évidence la grande précocité de cette migration avec la détection de pathogènes dans le mois qui suivait l'exposition de l'implant à l'environnement buccal. La microbiologie des implants dentaires est donc fortement influencée par l'état parodontal des dents restantes [41]. La conservation, même provisoire, de dents parodontales au cours du traitement implantaire peut avoir des conséquences dramatiques sur l'ostéo-intégration [42].

Études thérapeutiques

Lorsqu'une thérapie anti-infectieuse est utilisée pour traiter les péri-implantites, on constate une amélioration des paramètres cliniques et une stabilisation des lésions [43]. Dans la majorité des études, l'objectif principal du traitement est de réduire la proportion de bactéries anaérobies [44]. Pour y parvenir, un débridement mécanique de la poche péri-implantaire et/ou l'utilisation d'une antibiothérapie sont fréquemment utilisés [45].

Influence de l'hygiène bucco-dentaire

La résorption osseuse péri-implantaire est plus importante chez les patients présentant une mauvaise hygiène bucco-dentaire que chez les sujets ayant un bon contrôle du biofilm [46]. De nombreux auteurs [47,48]ont observé une augmentation de la fréquence des péri-implantites dans les zones d'accumulation de biofilm. Keller et al . [49] ont observé que 50 % des individus ayant le plus mauvais contrôle du biofilm présentaient une péri-implantite contre 33,3 % de ceux ayant la meilleure hygiène bucco-dentaire.

L'ensemble de ces expérimentations indique clairement le rôle étiologique des agents infectieux dans la désostéo-intégration. Cependant, infection et surcharge occlusale peuvent s'additionner pour donner une étiologie mixte à ces complications implantaires.

Association surcharge-infection

Lors d'une surcharge occlusale, la cratérisation péri-implantaire est accompagnée d'un approfondissement de la poche. L'environnement anaérobie qui en résulte est plus favorable à la prolifération des espèces bactériennes virulentes [50,51]. La proportion de spirochètes et autres bactéries mobiles augmente avec la profondeur de poche péri-implantaire, alors que leur absence est corrélée à une profondeur de poche inférieure à 4 mm [52].

Par ailleurs, la destruction osseuse marginale déclenchée par un processus infectieux modifie la répartition des contraintes [53,54]. L'existence d'un défaut infra-osseux péri-implantaire diminue les contraintes au niveau de l'os cortical et les augmente au niveau de l'os spongieux. La physiologie et la résistance de ce dernier étant moins favorable que celles de l'os cortical, une perte osseuse verticale péri-implantaire peut être observée.

Kozlovsky et al . [55] ont analysé, chez l'animal, l'impact d'une surcharge occlusale (surocclusion de 3 mm) sur des implants ayant un environnement péri-implantaire sain ou atteint de péri-implantite. Après 12 mois d'expérimentation, en l'absence d'inflammation, la surcharge provoque une augmentation de la surface de contact os/implant ainsi qu'une légère cratérisation. La péri-implantite, en l'absence de surcharge occlusale, engendre une perte osseuse significative. L'association surcharge occlusale et péri-implantite potentialise la résorption osseuse. Dans ce dernier cas, la désostéo-intégration se manifeste par une augmentation de la lésion infra-osseuse vestibulaire/linguale ainsi que par un nombre plus important de spires exposées.

Dans ces situations, il est difficile, voire impossible, de déterminer laquelle des deux étiologies a été le facteur déclenchant (fig. 4 et 5).

Diagnostic de l'ostéo-intégration et de la désostéo-intégration

Ostéo-intégration

Au cours des visites de contrôle, le praticien doit être en mesure d'évaluer le succès du traitement implantaire et sa pérennité. Divers moyens d'investigation vont lui permettre d'apprécier la stabilité de l'ostéo-intégration.

Examen clinique

L'absence d'inflammation superficielle de la muqueuse péri-implantaire est objectivée à l'inspection par la texture résistante et la couleur rose pâle des muqueuses. Le biofilm est généralement inexistant dans ces situations. Le sondage et la percussion sont indispensables pour l'examen des structures profondes. En l'absence d'inflammation péri-implantaire, la sonde pénètre d'environ 3 mm dans le sulcus et le niveau osseux est situé à 1 mm en direction apicale. Les absences de saignement au sondage, de perte d'attache, de douleur et de son sourd à la percussion caractérisent le succès implantaire [56].

Examen radiographique

Après la mise en charge d'un implant, la radio-opacité de l'os péri-implantaire augmente et les trabécules osseuses se réorganisent autour de l'implant. Cependant, certains auteurs ont observé une résorption osseuse péri-implantaire d'évolution variable au cours du suivi. Une perte osseuse marginale, inférieure à 1,5 mm la première année de mise en charge et inférieure à 0,2 mm chaque année suivante, est considérée comme « physiologique » [57]. En routine, des radiographies rétroalvéolaires effectuées lors des visites de contrôle permettent d'évaluer la stabilité de l'ostéo-intégration.

Désostéo-intégration

Lors du suivi des patients, le praticien doit être en mesure de diagnostiquer les complications. Les examens cliniques et radiologiques doivent permettre la détection rapide, simple et fiable d'une désostéo-intégration [8]. De ces examens vont dépendre la précocité du diagnostic et la mise en oeuvre de la thérapeutique adaptée.

Examen clinique

La désostéo-intégration entraîne un approfondissement de la poche péri-implantaire. Le saignement au sondage objective une inflammation tissulaire. La pointe de la sonde pénètre dans l'attache conjonctive et surestime les valeurs de profondeur de poche et de perte d'attache. Toute hyperplasie des tissus péri-implantaires, suppuration sulculaire ou fistule reflète généralement une infection péri-implantaire (fig. 6). La mobilité, qui traduit une perte complète de l'ostéo-intégration, ne permet pas de détecter les stades précoces de désostéo-intégration.

Examen radiographique

Dans un exercice de routine, la radiographie rétroalvéolaire constitue l'un des premiers moyens d'investigation des complications osseuses péri-implantaires. La désostéo-intégration, qu'elle soit secondaire à une infection ou à une surcharge, intéresse généralement toutes les faces de l'implant et se présente en cratère (fig. 7). Spiekermann [58]a proposé une classification des péri-implantites en fonction de la morphologie du défaut osseux. Le défaut de classe I correspond à une destruction osseuse horizontale de petite étendue. Celui de classe II correspond à une perte osseuse horizontale modérée. Celui de classe III correspond à une perte osseuse horizontale et verticale modérée circulaire. Enfin, celui de classe IV correspond à une atteinte verticale sévère, circulaire, pouvant entraîner la perte des corticales vestibulaires ou linguales.

Conclusion

De nombreuses études démontrent l'excellent taux de survie des restaurations implanto-prothétiques à long terme. Cependant, parmi les implants en survie, certains sont en situation d'échec. La résorption osseuse péri-implantaire est une complication fréquemment rencontrée [59]. En effet, l'ostéo-intégration n'est pas définitive.

Les étiologies de la désostéo-intégration sont multiples. La surcharge occlusale a longtemps été considérée comme la raison principale de la résorption osseuse péri-implantaire. Depuis les années 1990, de nombreuses études animales et humaines ont confirmé l'influence néfaste de la surcharge occlusale sur le niveau d'ostéo-intégration. Cependant, les conclusions de ces études sont hétérogènes [29]. Bien qu'il n'ait jamais été démontré de relation directe de cause à effet entre surcharge et désostéo-intégration, il semble préférable de réduire les contraintes transmises aux implants et d'augmenter le nombre d'implants [30]. L'infection péri-implantaire peut également engendrer la destruction des tissus osseux péri-implantaires. La péri-implantite, caractérisée par l'inflammation d'origine infectieuse des tissus péri-implantaires, aboutit à la destruction irréversible des structures péri-implantaires profondes [31]. Contrairement à la surcharge occlusale, de nombreux arguments confirment l'étiologie infectieuse de la désostéo-intégration [34].

Au cours du suivi implantaire, le praticien doit porter une attention toute particulière au niveau d'ostéo-intégration des implants. Les examens cliniques et radiologiques vont permettre une identification précoce, simple et rapide de toutes variations du niveau osseux [8]. Le suivi implantaire est indispensable pour diagnostiquer et traiter le plus efficacement possible la désostéo-intégration.

Bibliographie

  • 1. Pikner SS, Gröndahl K. Radiographic analyses of « advanced » marginal bone loss around Brånemark dental implants. Clin Implant Dent Res 2009;11:120-133.
  • 2. Esposito M, Hirsch JM, Lekholm U, Thomsen P. Biological factors contributing to failures of osseointegrated oral implants (1). Success criteria and epidemiology. Eur J Oral Sci 1998;106:527-551.
  • 3. Esposito M, Hirsch JM, Lekholm U, Thomsen P. Biological factors contributing to failures of osseointegrated oral implants (2). Etiopathogenesis. Eur J Oral Sci 1998;106:721-764.
  • 4. Davies SJ, Gray RJM, Young MPJ. Good occlusal practice in the provision of implant borne prostheses. Brit Dent J 2002;192:79-88.
  • 5. Tonetti MS. Risk factors for osseodisintegration. Periodontol 2000 1998;17:55-62.
  • 6. Quirynen M, Naert I, van Steenberghe D. Fixture design and overload influence marginal bone loss and fixture success in the Brånemark system. Clin Oral Implants Res 1992;3:104-111.
  • 7. Mombelli A. Microbiology and antimicrobial therapy of peri-implantitis. Periodontol 2000 2002;28:177-189.
  • 8. Lang NP, Nyman S. Supportive maintenance care for patients with implants and advanced restorative therapy. Periodontol 2000 1994;4:119-126.
  • 9. Albrektsson T. On long term maintenance of the osseointegrated response. Aust Prosthodont J 1993;7(suppl.):15-24.
  • 10. Tonetti MS, Schmid J. Pathogenesis of implant failures. Periodontol 2000 1994;4:127-138.
  • 11. Frost HM. Wolff's law and bone's structural adaptations to mechanical usage: on overview for clinicians. Angle Orthod 1994;64:175-188.
  • 12. Gotfredsen K, Berglundh T, Lindhe J. Bone reactions adjacent to titanium implants subjected to static load. A study in the dog (I). Clin Oral Implants Res 2001;12:1-8.
  • 13. Borchers L, Reichart P. Three-dimensional stress distribution around a dental implant at different stages of interface development. J Dent Res 1983;62:155-159.
  • 14. Seymour GJ, Gemmell E, Lenz LJ, Henry P, Bower R, Yamazaki K. Immununohistologic analysis of the inflammatory infiltrates associated with osseointegrated implants. Int J Oral Maxillofac Implants 1989;4:191-198.
  • 15. Jasty M, Bragdon CR, Maloney WJ, Haire T, Harris WH. Ingrowth of bone in failed fixation of porous-coated femoral components. J Bone Joint Surg Am 1991;73:1331-1337.
  • 16. Isidor F. Loss of osseointegration caused by occlusal load of oral implants. A clinical and radiographic study in monkeys. Clin Oral Implants Res 1996;7:143-152.
  • 17. Isidor F. Histological evaluation of peri-implant bone at implants subjected to occlusal overload or plaque accumulation. Clin Oral Implants Res 1997;8:1-9.
  • 18. Ericsson I, Lindhe J. Effect of long-standing jiggling on experimental marginal periodontitis in beagle dog. J Clin Periodontol 1982;9:497-503.
  • 19. Brånemark PI, Hansson BO, Adell R, Breine U, Lindström J, Hallén O et al. Osseointegrated implants in the treatment of the edentulous jaw. Experience from a 10-year period. Scand J Plast Reconstr Surg Suppl 1977;16:1-132.
  • 20. Adell R, Lekholm U, Rockler B, Brånemark PI. A 15-year study of osseointegrated implants in the treatment of the edentulous jaw. Int J Oral Surg 1981;10:387-416.
  • 21. Adell R, Lekholm U, Rockler B, Brånemark PI, Lindhe J, Eriksson B et al. Marginal tissue reactions at osseointegrated titanium fixtures (I). A 3-year longitudinal prospective study. Int J Oral Maxillofac Surg 1986;15:39-52.
  • 22. Cox JF, Zarb GA. The longitudinal clinical efficacy of osseointegrated dental implants: a 3-year report. Int J Oral Maxillofac Implants 1987;2:91-100.
  • 23. Jemt T, Lekholm U, Adell R. Osseointegrated implants in the treatment of partially edentulous patients: a preliminary study on 876 consecutively placed fixtures. Int J Oral Maxillofac Implants 1989;4:211-217.
  • 24. Block MS, Kent JN. Factors associated with soft- and hard-tissue compromise of endosseous implants. J Oral Maxillofac Surg 1990;48:1153-1160.
  • 25. Lindquist LW, Rockler B, Carlsson GE. Bone resorption around fixtures in edentulous patients treated with mandibular fixed tissue-integrated prostheses. J Prosthet Dent 1988;59:59-63.
  • 26. Naert I, Quirynen M, van Steenberghe D, Darius P. A study of 598 consecutive implants supporting complete fixed prosthesis. Part II. Prosthetic aspect. J Prosthet Dent 1992;68:949-956.
  • 27. Esposito M, Thomsen P, Molne J, Gretzer C, Ericson LE, Lekholm U. Immunohistochemistry of soft tissues surrounding late faillures of Brånemark implants. Clin Oral Implants Res 1997;8:352-366.
  • 28. Sanz M, Alandez J, Lazaro P, Calvo JL, Quirynen M, van Steenberghe D. Histo-pathologic characteristics of peri-implant soft tissues in Brånemark implants with 2 distinct clinical and radiological patterns. Clin Oral Implants Res 1991;2:128-134.
  • 29. Taylor TD, Belser U, Mericske-Stern R. Prosthodontic considerations. Clin Oral Implants Res 2000;11 (suppl.):101-107.
  • 30. Kim Y, Oh TJ, Misch CE, Wang HL. Occlusal considerations in implant therapy: clinical guidelines with biomechanical rationale. Clin Oral Implants Res 2005;16:26-35.
  • 31. Albrektsson T, Isidor F. Consensus report of session IV. In : Lang NP, Karring T (eds). Proceedings of the first European Workshop on Periodontology. Londres : Quintessence, 1994:365-369.
  • 32. Lindhe J, Berglundh T, Ericsson I, Liljenberg B, Marinello CP. Experimental breackdown of peri-implant and periodontal tissues. A study in the beagle dog. Clin Oral Implants Res 1992;3:9-16.
  • 33. Berglundh T, Lindhe J, Marinello CP, Ericsson I, Liljenberg B. Soft tissue reaction to de novo plaque formation on implants and teeth. An experimental study in the dog. Clin Oral Implants Res 1992;3:1-8.
  • 34. Quirynen M, De Soete M, van Steenberghe D. Infectious risks for oral implants: a review of the literature. Clin Oral Implants Res 2002;13:1-19.
  • 35. Mombelli A, Mericske-Stern R. Microbiological features of stable osseointegrated implants used as abutments for overdenturtes. Clin Oral Implants Res 1990;1:1-7.
  • 36. Van Winkelhoff AJ, Goené CJ, Benschop C, Folmer T. Early colonization of dental implants by putative periodontal pathogens in partially edentulous patiens. Clin Oral Implants Res 2000;11:511-520.
  • 37. Emrani J, Chee W, Slots J. Bacterial colonization of oral implants from nondental sources. Clin Implant Dent Res 2009;11:106-112.
  • 38. Mombelli A, van Oosten MAC, Schürch E, Lang NP. The microbiota associated with successful or failing osseointegrated titanium implants. Oral Microbiol Immunol 1987;2:145-151.
  • 39. Quirynen M, Listgarten MA. The distribution of bacterial morphotypes around natural teeth and titanium implants ad modum Brånemark. Clin Oral Implants Res 1990;4:8-12.
  • 40. Leonhardt A, Adolfsson B, Lekholm U, Wikström M, Dahlén G. A longitudinal microbiological study on osseointegrated titanium implants in partially patients. Clin Oral Implants Res 1993;4:113-120.
  • 41. Papaioannou W, Quirynen M, van Steenberghe D. The influence of periodontitis on the subgingival flora around implants in partially edentulous patients. Clin Oral Implants Res 1996;7:405-409.
  • 42. Van Winkelhoff AJ, Wolf JWA. Actinobacillus actinomycetemcomitans-associated peri-implantitis in an edentulous patient. A case report. J Clin Periodontol 2000;27:531-535.
  • 43. Leonhardt A, Dahlén G, Renvert S. Five-year clinical, microbiological, and radiological outcome following treatment of peri-implantitis in man. J Periodontol 2003;74:1415-1422.
  • 44. Klinge B, Gustafsson A, Berglundh T. A systematic review of the effect of anti-infective therapy in the treatment of peri-implantitis. J Clin Periodontol 2002;29 (suppl. 3):213-225.
  • 45. Lang NP, Wilson TG, Corbert EF. Biological complications with dental implants: their prevention, diagnosis and treatment. Clin Oral Implants Res 2000;11 (suppl.):146-155.
  • 46. Lindquist LW, Carlsson GE, Jemt T. A prospective 15-year follow-up study of mandibular fixed prostheses supported by osseointegrated implants. Clinical results and marginal bone loss. Clin Oral Implants Res 1996;7:329-336.
  • 47. Weyant R. Characteristics associated with the loss and peri-implant tissue health of endosseous dental implants. Int J Oral Maxillofac Implants 1994;9:95-102.
  • 48. Ferreira SD, Silva GLM, Cortelli JR, Costa JE, Costa FO. Prevalence and risk variables for peri-implant disease in Brazilian subjects. J Clin Periodontol 2006;33:929-935.
  • 49. Keller JF, Bellanger C, Nicolas E, Antoine L, Douillard Y. Prévalence des complications et influence de la restauration prothétique sur les tissus péri-implantaires. Cah Prothese 2009;145:49-59.
  • 50. Papaioannou W, Quirynen M, Nys M, van Steenberghe D. The effect of periodontal parameters on the subgingival microbiota around implants. Clin Oral Implants Res 1995;6:197-204.
  • 51. Van Steenberghe D, Naert I, Jacobs R, Quirynen M. Influence of inflammatory reactions vs. occlusal loading on peri-implant marginal bone level. Adv Dent Res 1999;13:130-135.
  • 52. Quirynen M, Papaioannou W, van Steenberghe D. Intraoral transmission and the colonization of oral hard surfaces. J Periodontol 1996;67:986-993.
  • 53. Kitamura E, Stegaroiu R, Nomura S, Miyakawa O. Biomechanical aspects of marginal bone resorption around osseointegrated implant: considerations based on a three-dimensional finite element analysis. Clin Oral Implants Res 2004;15:401-412.
  • 54. Kitamura E, Stegaroiu R, Nomura S, Miyakawa O. Influence of marginal bone resorption on stress around an implant - a three dimensional finite element analysis. J Oral Rehabil 2005;32:279-286.
  • 55. Kozlovsky A, Tal H, Laufer BZ, Leshem R, Rohrer MD, Weinreb M et al. Impact of implant overloading bone in inflammed peri-implant mucosa. Clin Oral Implants Res 2007;18:601-610.
  • 56. Mombelli A, Lang NP. The diagnosis and the treatment of peri-implantitis. Periodontol 2000 1998;17:63-76.
  • 57. Albrektsson T, Zarb G, Worthington P, Eriksson AR. The long term efficacy of currently used dental implants: a review and proposed criteria of success. Int J Oral Maxillofac Implants 1986;1:11-25.
  • 58. Spiekermann H. Peri-implant pathology. In : Rateitschak KH, Wolf HF (eds). Color atlas of dental medicine - Implantology. Stuttgart/New York : Georg Thieme Verlag, 1995 : 317-328.
  • 59. Roos-Jansåker AM, Lindahl C, Renvert H, Renvert S. Nine-to fourteen-year follow-up of implant treatment. Part II. Presence of peri-implant lesions. J Clin Periodontol 2006;33:290-295