Prothèse transitoire et montage directeur en prothèse adjointe subtotale - Clinic n° 09 du 01/10/2010
 

Clinic n° 09 du 01/10/2010

 

PROTHÈSE AMOVIBLE

Yomin Cécile ALLOH AMICHIA*   Laurent LE GUEHENNEC**   Pierre LE BARS***  


*Chirurgien-dentiste, maître-assistant à la
faculté de chirurgie dentaire d’Abidjan,
assistante associée, faculté de chirurgie
dentaire de Nantes.
Département de prothèses
Faculté de chirurgie dentaire de Nantes
1, place Alexis-Ricordeau
BP 84215 – 44042 Nantes cedex 01.
**Chirurgien-dentiste, maître de conférences des
universités, faculté de chirurgie dentaire de Nantes.
Département de prothèses
Faculté de chirurgie dentaire de Nantes
1, place Alexis-Ricordeau
BP 84215 – 44042 Nantes cedex 01.
***Chirurgien-dentiste, maître de conférences des
universités, faculté de chirurgie dentaire de Nantes.
Département de prothèses
Faculté de chirurgie dentaire de Nantes
1, place Alexis-Ricordeau
BP 84215 – 44042 Nantes cedex 01.

L’édentement subtotal constitue toujours une difficulté pour le chirurgien-dentiste. Que la solution implanto-portée soit envisagée ou non, une prothèse transitoire ou la modification des anciennes prothèses et la réalisation d’un montage directeur permettent de cerner les inconvénients liés à ces situations. Le but de cet article est de proposer une méthodologie de la prise en charge de ces cas particuliers.

Présentation du patient

Motif de consultation

Âgée de 70 ans, la patiente est venue consulter pour une remise en état de la cavité buccale, y compris la réfection de ses prothèses amovibles inadaptées et instables du fait de la résorption osseuse et de l’abrasion dentaire.

Elle porte depuis 10 années deux prothèses amovibles subtotales : une maxillaire en résine et une mandibulaire en résine avec châssis métallique.

Antécédents généraux

La patiente présente un risque oslérien majeur. Elle a fait une attaque cérébrale 2 ans auparavant.

Examen exobuccal

L’examen de face montre un visage affaissé avec des rides marquées (fig. 1 et 2). On note également un affaissement de l’étage inférieur avec une diminution de la dimension verticale d’occlusion (DVO).

L’examen révèle aussi un proglissement mandibulaire, avec ou sans port des prothèses amovibles (fig. 2 et 3). La palpation et l’auscultation ne décèlent aucune pathologie des articulations temporo-mandibulaires.

Examen endobuccal

Les muqueuses sont saines avec une bonne hygiène buccale. La salive est abondante.

L’arcade maxillaire présente un édentement unilatéral postérieur, ou édentement de classe II de Kennedy. Cinq dents sont présentes : les 18, 13, 11, 21 et 23 (fig. 4).

La mandibule présente un édentement bilatéral postérieur, ou de classe I, avec la persistance de 4 dents : les 33, 32, 31 et 41. La crête du secteur 4 est fortement résorbée (fig. 4).

Le schéma dentaire se présente comme suit :

8 X X X X X 2 1 1 X 3 X X X X X

X X X X X X X 1 1 2 3 X X X X X

On observe des récessions gingivales importantes au niveau des 12, 33, 32, 31 et 41, avec une abrasion marquée des dents 12 et 11 (fig. 2 et 3).

Examen interarcades

L’examen en occlusion statique, prothèses en bouche, montre un léger proglissement mandibulaire et, surtout, un espace ou une inocclusion bilatérale postérieur d’au moins 3 mm à droite et 1 mm à gauche (fig. 2). Il révèle également la perte de calage postérieur et l’usure des prothèses qui n’ont jamais fait l’objet d’un rebasage.

Examen radiologique

La radiographie panoramique met en évidence une perte du tissu osseux de soutien avec une résorption osseuse horizontale. À la mandibule, les secteurs édentés présentent une résorption importante (fig. 4).

Les dents 18, 11, 21, et 33 ont fait l’objet d’un traitement endodontique et la 23 porte un amalgame sur la face distale (fig. 4).

Étapes prothétiques

Analyse préprothétique

Une analyse du plan d’occlusion de la patiente par rapport au plan de Camper est réalisée, prothèses en place, à l’aide d’un plan de Fox (fig. 5).

La patiente présente aussi bien au maxillaire qu’à la mandibule une prothèse subtotale. Cette analyse préprothétique permet d’observer le contact sur ce plan des deux pointes canines maxillaires ; en revanche, les deux incisives centrales sont en retrait de 2 à 4 mm. Au maxillaire, au niveau du secteur postérieur, on note également un espace de 3 mm entre les dents prothétiques et le plan de Fox (fig. 5).

Après cette analyse, des empreintes d’étude sont réalisées.

Empreintes d’étude

La mise en place de butées en pâte de Kerr permet de stabiliser les porte-empreintes lors de la prise des empreintes effectuées à l’alginate. Sur les moulages en plâtre obtenus sont tracées les limites des maquettes d’occlusion : les bases sont en résines de type Formatray® (Kerr) et les bourrelets d’occlusion en Stent’s® (HC).

Le modèle maxillaire est ensuite monté sur articulateur grâce à l’arc facial. Le montage du modèle mandibulaire est effectué après enregistrement du rapport maxillo-mandibulaire en relation centrée, seule position de référence, l’occlusion en intercuspidie maximale n’étant ni stable ni reproductible en raison de l’absence des dents postérieures.

Pour cela, des encoches sont faites sur le bourrelet mandibulaire après réglages ; ensuite s’effectue l’enregistrement du rapport maxillo-mandibulaire après interposition de pâte d’oxyde de zinc eugénol (Impression Paste®, SS White).

Ce montage permet d’analyser l’occlusion, de décider d’un plan de traitement et, surtout, d’archiver la situation initiale.

Plan de traitement

Vu la collecte des données issues de l’entretien, de l’observation clinique et des examens complémentaires, en accord avec la patiente, il est décidé de conserver 4 dents au maxillaire (18, 12, 11 et 23) et 3 à la mandibule (31, 32, 33). Seront réalisées une prothèse amovible subtotale maxillaire de 13 dents et 3 overdentures (12, 11 et 23) ainsi qu’une prothèse amovible complète mandibulaire de type overdentures sur les 31, 32 et 33.

L’utilisation des implants serait d’un apport indéniable pour la stabilisation de la prothèse mandibulaire. En effet, 2 implants symphysaires permettraient, dans ce cas, d’améliorer la rétention et la stabilisation de la prothèse et,de ce fait, le confort de la patiente. Mais cette solution n’est pas envisageable chez celle-ci du fait de ses antécédents généraux (risque oslérien et attaque cérébrale). Afin d’améliorer la stabilisation des prothèses complètes, l’utilisation d’overdentures devrait permettre d’augmenter la rétention grâce à des attachements supraradiculaires. Le choix d’une occlusion intégralement équilibrée permettra également d’obtenir une stabilité de ces prothèses.

Modifications des anciennes prothèses/prothèse transitoire

On recherche le parallélisme entre le plan de Fox et le plan de Camper au niveau postérieur. Pour cela, de la résine chémopolymérisable de type Unifast® (GC) est utilisée par adjonction sur les faces occlusales des dents prothétiques (fig. 6 et 7). L’ajout de composite sur les dents naturelles antérieures permet de rétablir le parallélisme entre le plan d’occlusion et la ligne bipapillaire. Ces adjonctions restaurent le plan d’occlusion tout en surélevant la dimension verticale (fig. 8 et 9). Des tests [1] permettent de valider la dimension verticale d’occlusion.

La modification de l’ancienne prothèse mandibulaire à la dimension verticale d’occlusion obtenue a été effectuée ensuite par adjonction de résine sur les surfaces occlusales.

Ces prothèses de transition (fig. 10 et 11) modifiées à la nouvelle dimension verticale d’occlusion ont été portées pendant 2 à 3 semaines pour validation définitive des rapports maxillo-mandibulaires, grâce aux tests phonétiques, de déglutition, de la gorgée d’eau ou de Shanahan [1-3]. L’utilisation de ces anciennes prothèses :

• a entraîné un gain de temps pour rechercher la stabilisation prothétique ;

• a permis de rétablir les rapports intermaxillaires, de rechercher l’efficacité masticatrice et phonétique, de prévenir les altérations de la muqueuse buccale et la résorption ;

• a offert l’avantage d’évaluer les aspects esthétiques et de juger de la coopération de la patiente nécessaire à la réussite et à l’intégration prothétique [4].

Ces prothèses ont permis un réaménagement occlusal tout en constituant une approche prospective [5].

La préparation périphérique et canalaire des dents (11, 12) et l’extraction de la 41, ne pouvant être conservée, ont été effectuées, les 11 et 12 étant utilisées comme moyen de rétention de la prothèse totale maxillaire. La 41 est adjointe sur l’ancienne prothèse mandibulaire. L’appareil mandibulaire a également été rebasé à l’aide d’une résine à prise retardée type Fitt® de Kerr. Au maxillaire, après l’extraction des 21 et 22, la mesure de la distance intercanine a orienté le choix des dents (fig. 12 et 13).

À la suite de la vérification des rapports maxillo-mandibulaires à la dimension verticale d’occlusion préalablement déterminée, de la résine chémopolymérisable de type Rebaron® (GC) a été modelée au niveau antérieur sur l’ancienne prothèse pour le montage des dents (fig. 14 et 15).

L’originalité de ce traitement réside dans la modification de la prothèse amovible existante directement au fauteuil par le praticien sans passer par les phases de laboratoire (fig. 14 et 15). On recherche un montage esthétique et fonctionnel avec la participation de la patiente. Cette technique permet aussi d’éviter le coût d’une prothèse provisoire.

Montage directeur

Le montage directeur permet, dans les cas de restauration composite, d’allier éléments fixés et amovibles afin d’appréhender les difficultés avec beaucoup plus de sérénité et d’efficacité. Après transfert des moulages sur articulateur, le montage directeur facilite l’échange d’informations entre la clinique et le laboratoire. Il permet de prévoir toutes les étapes préprothétiques de la restauration, leur coût et leur durée. La maquette permet de présenter au patient le plan de traitement, le résultat esthétique escompté et de lui faire comprendre plus aisément certaines indications ou difficultés [6-8].

Le montage directeur peut être polymérisé pour servir de prothèse provisoire. C’est une possibilité pouvant remplacer la modification des anciennes prothèses.

Les dents 31, 32 et 33 ont été dépulpées et préparées en vue de la confection des chapes métalliques.

La conservation, dans un premier temps, de la morphologie coronaire de la 23 et de la 18 permet de fiabiliser le montage directeur des dents sur cire et de maintenir l’occlusion en assurant le calage (fig. 16 à 18). Dans un second temps, la canine (23), après un traitement endodontique, a été transformée pour un ancrage radiculaire évitant ainsi un crochet et l’interruption inesthétiques de la fausse gencive. La dent 18 et les ancrages sur les dents 23 et 11 ont ainsi constitué un trépied de stabilisation indispensable à la rétention et à la stabilisation de la prothèse dans ce cas d’édentation subtotale [9]. Il est donc indispensable, chaque fois que cela est possible sur les plans endodontique et parodontal, de conserver les racines [10]. Le nombre idéal est de 4 racines, réparties symétriquement dans les secteurs canins et prémolaires. La présence de 3 racines est une situation favorable dans la mesure où les dents sont largement espacées sur les deux côtés de l’arcade, ce qui n’est pas le cas à la mandibule.

À la mandibule, la situation est plus défavorable qu’au maxillaire, d’où le respect du montage en occlusion intégralement équilibré [2]. La prothèse supraradiculaire permet, grâce à la conservation des dents restantes, le passage progressif à l’édentement total tout en assurant une rétention supplémentaire à la prothèse. D’où le choix d’attachements sous forme de boutons-pression. Le montage directeur effectué au laboratoire de prothèses permet de valider la dimension verticale d’occlusion.

Les dents ont été montées en bout à bout incisif, ce qui facilite la stabilisation prothétique dans ce cas de classe III squelettique. L’essayage en bouche des dents sur cire a permis de valider le montage directeur tant sur le plan fonctionnel qu’esthétique.

Réalisation des appuis radiculaires « overdentures »

Après préparation des appuis radiculaires sur les 11, 12, 23, 31, 32 et 33, une empreinte double mélange à l’élastomère a été prise tenons en place. Sur le moulage en plâtre, les attachements de type boutons-pression Zest ont été réalisés sur les 11, 23, 31 et 33 et des chapes métalliques sur les 12 et 32 (fig. 19 et 20).

Après réadaptation, le montage directeur a été essayé avec les chapes en place (fig. 21).

Empreinte secondaire maxillaire

L’empreinte secondaire a été faite selon les règles de la prothèse totale à l’aide d’un porte-empreinte individuel (PEI) muni de bourrelets de préhension et de soutien des tissus périphériques.

L’essayage de ce porte-empreinte a permis de visualiser et d’éliminer les surextensions et surépaisseurs. Le marginage des bords à la pâte de Kerr a été effectué en demandant à la patiente de réaliser les tests de Herbst.

L’empreinte anatomo-fonctionnelle et de repositionnement des attachements a été réalisée au Permlastic® regular (Kerr) puis coulée au plâtre (fig. 22 et 23) [11]. Le principal inconvénient de cette méthode est le risque de déplacement des éléments fixés au cours de la prise d’empreinte et de son traitement au laboratoire, avec comme conséquence une position erronée de ces éléments sur le maître modèle.

Le châssis métallique a été réalisé sur le modèle résultant de l’empreinte, puis essayé avec les attachements en place. Les dents ont été montées en fonction du montage directeur. Le châssis métallique a été essayé avec les attachements en bouche avant le montage des dents en fonction du montage directeur.

Empreinte secondaire mandibulaire

À la mandibule, le procédé a été identique, le marginage des bords se faisant uniquement dans les zones sublinguale et rétromolaires plus difficiles à enregistrer mais indispensables à la rétention de la prothèse. Après finition, les prothèses ont été essayées attachements en place. L’adaptation et l’occlusion ont été vérifiées (fig. 24). Les attachements ont été scellés et les prothèses amovibles insérées (fig. 25). Une équilibration a été réalisée au bout de 8 jours en occlusion statique et dynamique.

Maintenance des attachements

En cas de perte de la rétention, les gaines en téflon des attachements peuvent être changées par le praticien directement au fauteuil. À l’aide d’une fraise spéciale, la gaine est récupérée, changée et remise en place grâce à un tournevis (fig. 26 à 28). Les gaines ont différentes couleurs selon le degré de rétention. La modulation du degré de rétention peut être choisie en fonction du mode d’alimentation et de la dextérité du patient pour désinsérer sa prothèse.

Conclusion

La transformation des anciennes prothèses amovibles partielles existantes en prothèses transitoires permet de valider cliniquement, à un moindre coût, les objectifs du traitement en prothèse amovible partielle.

Cette étape permet de rechercher le rapport maxillo-mandibulaire adapté au schéma occlusal choisi dès le début du traitement, mais aussi de proposer une nouvelle esthétique au patient. Après validation, la réalisation d’un montage directeur à partir des modèles d’étude sur articulateur permet la réalisation des différentes séquences du traitement prothétique tant au fauteuil qu’au laboratoire. Ce montage assure ainsi l’harmonie indispensable entre les différents éléments prothétiques et/ou entre les éléments prothétiques et les dents restantes.

Évaluez-vous

Testez vos connaissances suite à la lecture de cet article en répondant aux questions suivantes :

1. Le montage directeur permet de montrer au patient le résultat esthétique escompté.

• a. Vrai

• b. Faux

2. En prothèse subtotale, le montage des dents prothétiques vise à obtenir :

• a. une fonction canine

• b. une fonction de groupe

• c. une occlusion bilatéralement équilibrée

3. La transformation des anciennes prothèses amovibles partielles en prothèses transitoires :

• a. permet de valider cliniquement les objectifs de traitement

• b. dispense de la réalisation d’un montage directeur

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