Restaurations indirectes collées : IPS e.max, une céramique mordançable - Clinic n° 03 du 01/03/2011
 

Clinic n° 03 du 01/03/2011

 

ODONTOLOGIE RESTAURATRICE

Olivier GUASTALLA  

Diplômé de la faculté de Paris Descartes
Ancien interne des hôpitaux de Paris
Ancien assistant de la faculté d’odontologie de Lyon
309, rue Victor-Hugo
69400 VILLEFRANCHE-SUR-SAÔNE

En raison d’une prise en charge nouvelle par l’Assurance maladie, d’une part, et des progrès techniques réalisés ces dernières années, d’autre part, les restaurations en céramique sans armature métallique connaissent un essor important. Leur biocompatibilité ainsi que leurs propriétés optiques sont un avantage dans certaines situations. Parmi les différents systèmes, L’IPS e.max® (Ivoclar Vivadent) permet un collage fort aux tissus dentaire, tout en proposant un rendu esthétique très intéressant. Cette adhésion forte rendue possible par le mordançage de la céramique, modifie la façon dont il faut envisager les préparations dentaires. On peut, dans certains cas, se laisser guider par les tissus sains résiduels, et ne restaurer que la perte de substance initiale. Cette économie tissulaire, s’accompagne souvent d’une conservation de la vitalité pulpaire et modifie le pronostic esthétique et mécanique de la dent restaurée.

Pour restaurer l’organe dentaire lésé, le praticien du XXIe siècle dispose de moyens thérapeutiques variés et complémentaires. Que ce soit la réalisation d’obturations par des techniques directes, à l’aide de résine composite par exemple, ou de pièces prothétiques fabriquées au laboratoire, le choix du matériau est parfois difficile tant les options offertes sont nombreuses. Cependant, un principe de base doit être gardé à l’esprit lors du choix de la restauration : plus que le matériau utilisé, c’est la quantité de tissu dentaire sain préservée qui conditionne la pérennité de la restauration.

Plusieurs études viennent étayer cette affirmation. Dans l’une d’elles, les taux de survie à 5 ans de molaires dépulpées non couronnées sont comparés [1]. Si on se focalise sur les dents fortement délabrées, on constate qu’il y a peu de différences de pronostic à 5 ans entre un amalgame, une résine composite ou simplement une base IRM (fig. 1). À l’inverse, si on met en avant la quantité de tissu sain résiduel, l’impact est alors très important sur le taux de survie à 5 ans (fig. 2).

Une autre étude compare les taux de survie de reconstruction corono-radiculaire directe en composite ou indirecte coulée, avec plus ou moins de parois dentinaires restantes [2]. Si la dentine résiduelle est en quantité importante, le pronostic à 15 ans est bon, que l’on utilise un tenon avec du composite, un faux moignon coulé ou même un composite seul. Ce n’est que quand la dentine se fait rare que des différences significatives entre matériaux peuvent être mises en évidence.

Au moment du choix de la restauration, le praticien doit donc mettre en balance le bénéfice de la restauration (esthétique, fonction, stabilité) avec le coût tissulaire de la technique employée. Cependant, de nombreux praticiens ne proposent rien entre le soin conservateur direct, peu mutilant mais montrant rapidement des limites mécaniques (fig. 3), et la réalisation d’une couronne offrant une certaine pérennité mais au détriment d’une perte importante de tissus sains.

La préservation de la vitalité pulpaire est un enjeu trop souvent sous-estimé. Par habitude, ou par manque de formation, peu de prothèses sont réalisées sur dent pulpée. Pourtant, la pulpe préservée offre un rempart sûr et durable contre la contamination apicale. Tout traitement endodontique présente un risque d’échec immédiat (fracture d’instrument, fausse route…) et différé par perte d’étanchéité (lésion périapicale).

Mais une raison plus importante qui devrait inciter à conserver la vitalité pulpaire est celle du résultat esthétique à moyen et long termes. Quand la dent est dépulpée, une coloration inéluctable de la racine se produit. Ce changement de teinte laisse apparaître un liseré sombre à la jonction des prothèses et est très souvent à l’origine du mécontentement des patients. Ce processus de coloration radiculaire est irréversible, contrairement aux colorations coronaires. Le praticien n’a alors d’autre choix que de réaliser une nouvelle prothèse, en abaissant la limite de la préparation, ce qui ne fait que retarder la survenue de la même déconvenue !

Pourtant, la réalisation de restaurations indirectes collées permet de reculer dans le temps la nécessité d’une couronne et allonge d’autant la survie de la dent sur l’arcade. La mise en œuvre d’inlays, d’onlays (en céramique ou en composite) et de facettes en céramique n’est pas un acte complexe si l’on respecte les indications et les protocoles de réalisation. De plus, les patients sont sensibles à cette technique qui préserve leur capital dentaire, à condition bien sûr de leur laisser faire un choix éclairé en la matière.

Dans cette optique d’une restauration indirecte collée, un matériau possède des propriétés intéressantes : la céramique IPS e.max de chez Ivoclar Vivadent. Dernière évolution de la génération des céramiques pressées Empress, ce matériau à base de lithium disilicate offre de nombreux avantages par rapport aux autres systèmes tout céramique :

• la technique « pressée » permet de s’adapter à toutes les formes de préparation. Avec le même matériau, on peut réaliser aussi bien une chape pour une couronne périphérique qu’une masse dentine à stratifier pour facette ou qu’un onlay à maquiller. La souplesse de la technique à cire perdue accepte les formes de préparation variées. Il est ainsi possible d’adapter la préparation à la perte tissulaire clinique : au lieu d’adapter la préparation à une technique de laboratoire, ce sont les restaurations qui s’adaptent au substrat dentaire résiduel. On peut ainsi réaliser des endocouronnes. En utilisant l’ancrage offert par le volume de la chambre pulpaire, il est possible de restaurer certaines molaires sans mettre en place de tenons intraradiculaires. L’étanchéité intracanalaire est garantie par un scellement du plancher à l’aide d’un ciment verre ionomère modifié par adjonction de résine (CVIMAR). Il est aussi possible, par l’intermédiaire d’imprimante à résine calcinable, de faire intervenir la conception assistée par ordinateur en amont de la réalisation de la céramique IPS e.max ;

• cette céramique est une des rares céramiques renforcées qui se collent de manière efficace et reproductible. En effet, il est possible, à l’aide d’un acide, de créer à la surface de la céramique un faciès en relief comparable à l’émail mordancé. L’adjonction d’un silane, agent de liaison entre les charges de verre et de résine, vient compléter le protocole de collage. Le meilleur traitement de surface associe donc un sablage à l’alumine, puis un mordançage avec un gel d’acide fluorhydrique (9,6 %) durant 30 secondes suivi de l’application d’un silane. Ensuite, pour un collage optimal, on préconise l’utilisation d’un adhésif (sur la dent et la prothèse) couplé à un composite de collage à prise duale, comme le Variolink II [2]. Il est ainsi possible d’obtenir des forces d’adhésion d’environ 25 MPa [3], ce qui est comparable au collage obtenu sur l’émail. Ce collage vient non seulement augmenter la résistance finale de la dent traitée mais permet aussi d’assurer une étanchéité et une cohésion importante à la restauration (fig. 4) ;

• la gamme de céramiques disponibles aujourd’hui est vaste. Il existe, dans la gamme des céramiques pressées, une teinte opaque permettant de travailler sur faux moignon ou lorsque la dent est très colorée. La céramique est aussi disponible en bloc pouvant être usiné en fabrication assistée par ordinateur (FAO). Une nouvelle génération est aussi prévue pour être pressée sur armature zircone [4] ;

• les propriétés optiques de cette céramique sont très intéressantes. Contrairement aux infrastructures à base d’alumine qui sont quasiment opaques, la céramique IPS e.max laisse passer une quantité importante de lumière, ce qui lui confère un biomimétisme quasiment parfait (fig. 5 à 7) [5, 6] ;

• enfin, la céramique est un matériau très biocompatible. Cela, associé à des limites d’une préparation juxtagingivale, confère à la restauration en céramique pure une intégration biologique remarquable.

La céramique IPS e.max apparaît comme le matériau de choix pour les restaurations adhésives indirectes. Dans de nombreuses situations cliniques, ce type de restauration va permettre de retarder la réalisation d’une couronne conventionnelle [7]. L’économie tissulaire est importante, ce qui influe beaucoup sur le pronostic à long terme de la restauration. La dent est ainsi plus souvent conservée pulpée et on évite les complications esthétiques à moyen terme, liées à la coloration de la dent sous la prothèse.

Détaillons quelques situations cliniques.

Restaurations indirectes collées postérieures

Quand la perte tissulaire devient importante, les propositions thérapeutiques se limitent bien souvent à la réalisation d’un soin en technique directe (amalgame ou composite) ou à la mise en place d’une couronne céramo-métallique. Le choix d’une reconstruction directe permet d’assurer un résultat immédiat intéressant mais expose rapidement à des risques d’usure, d’infiltration, de récidive de carie, voire de fracture d’une cuspide. Les propriétés des matériaux composites, notamment leur contraction à la polymérisation, ne sont pas encore suffisantes pour donner satisfaction à long terme. Le second choix (restauration par une couronne) permet d’obtenir un bon résultat tant du point de vue mécanique qu’esthétique. Cependant, la préparation nécessaire est très mutilante et entraîne bien souvent la dépulpation. On peut estimer la durée de vie d’une couronne réalisée dans le secteur postérieur à 12 ans en moyenne. On considère aussi que statistiquement, il est possible de réaliser deux fois une couronne sur une même dent. Le choix de la couronne périphérique offre donc en moyenne 24 ans de durée de vie à l’organe dentaire. Ce n’est pas suffisant. La réalisation d’une restauration indirecte collée de type onlay-inlay permet de gagner de nombreuses années, avant l’échéance de la première couronne [7]. En conservant un maximum de tissu sain, la restauration en céramique collée assure un très bon rendu esthétique et une longévité importante [8].

Dans l’exemple clinique présenté ici, une reprise de carie sous un amalgame occluso-distal entraîne une perte tissulaire importante (fig. 8). La pulpe est cependant asymptomatique. La préparation permet la réalisation d’un onlay pressé et maquillé. La petite carie mésiale est traitée en un temps par un composite direct le jour de l’empreinte pour l’onlay (fig. 9). Afin d’assurer un collage efficace, la pièce en céramique est mordancée durant 30 secondes à l’acide fluorhydrique, rincée abondamment, puis un silane est appliqué à sa surface. Avant l’application d’un adhésif dual automordançant, l’émail de la cavité est mordancé durant 30 secondes par un acide orthophosphorique afin d’améliorer l’adhésion. Cet adhésif est aussi appliqué sur l’intrados de la céramique. Un composite dual est utilisé pour le collage. Une fois l’onlay collé, les contacts occlusaux sont vérifiés. On peut noter la bonne intégration esthétique (fig. 10 et 11). La technique de céramique pressée et maquillée permet de s’adapter facilement à diverses formes de préparation et convient pour les prémolaires et molaires.

Restaurations indirectes collées antérieures

Plus encore que dans les restaurations postérieures, les résines composites montrent très vite leurs limites quand il s’agit de réparer les dents du secteur antérieur. Bien qu’il soit possible d’obtenir un très bon rendu esthétique avec les résines composites, leur stabilité dans le temps n’est pas bonne. On observe en effet, en quelques années, une perte du poli de surface, un changement de teinte et, souvent, une infiltration des bords de la restauration. Là encore, le recours aux céramiques collées permet d’obtenir un résultat durable [9]. Une fois la facette en céramique collée, la résistance de la dent restaurée est très proche de celle d’une dent intacte [10, 11]. La facette permet de traiter durablement les cas de fracture d’angle important (fig. 12 et 13) ou les problèmes d’anomalies de forme et de teinte (fig. 14 à 20). De plus, la dent étant conservée pulpée, le résultat esthétique ne sera pas remis en cause en quelques années par une coloration de la racine sous la restauration comme cela est malheureusement trop souvent le cas lors de la réalisation d’une couronne céramo-métallique.

Encore une fois, la souplesse d’utilisation de la céramique pressée permet d’adapter la forme de la facette à la dent préparée, et non l’inverse. C’est donc en premier lieu la perte de substance et les contacts occlusaux qui guident la forme de la préparation. On conservera les points de contact quand cela est possible. Si le guidage incisif le permet, le retour palatin sera très limité et ne servira qu’à assurer le placement de la facette. En revanche, s’il est nécessaire de réaliser un retour, on veillera à laisser au moins 1 mm d’épaisseur à la céramique et à ne pas arrêter la limite de la préparation sur le contact occlusal [12].

Le collage obtenu confère à l’ensemble céramique-dent une résistance remarquable. La facette IPS e.max ne peut pas se décoller. En cas de traumatisme important, on assiste à une fracture intéressant tout autant les tissus dentaires que la céramique, la rupture étant cohésive.

On notera la parfaite biocompatibilité de la restauration en céramique pure. La gencive marginale ne montre aucun signe d’inflammation, grâce à une préparation qui n’empiète pas sur l’espace biologique et à l’absence de métal dans la restauration.

Conclusion

Chaque fois qu’une restauration doit être réalisée, le praticien doit évaluer le rapport coût/bénéfice/ risque de la technique utilisée. Le choix ne doit pas être celui de la restauration qui semble la plus solide si, une fois cette restauration perdue, la dent ne peut plus être conservée. C’est en préservant les tissus sains que le pronostic des thérapeutiques est le meilleur. De même, l’utilisation de résine composite sur des cavités de grandes étendues, si elle offre un rapport coût /bénéfice (dérisoire/esthétique et fonction restaurées) très intéressant, n’en demeure pas moins un choix de court terme devant le risque important de récidive de carie ou de fracture dentaire. En effet, la contraction à la polymérisation des résines composites ne permet pas d’assurer une bonne étanchéité périphérique sur des restaurations de gros volume.

Entre le soin direct et la couronne périphérique, la restauration indirecte collée est une thérapeutique importante. Elle possède le rapport coût/bénéfice/ risque le plus favorable. L’utilisation de facettes et d’onlays en céramique pressée permet de restaurer de manière durable et esthétique les dents délabrées tout en conservant un maximum de tissu sain.

Bibliographie

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  • 12. Magne P, Douglas WH. Porcelain veneers : dentin bonding optimization and biomimetic recovery of the crown. Int J Prosthodont 1999;12:111-121.

Évaluez-vous

Testez vos connaissances suite à la lecture de cet article en répondant aux questions suivantes :

1. Conserver la vitalité pulpaire :

a. augmente le taux de survie de la restauration.

b. nécessite obligatoirement de faire intervenir une colle.

c. engendre souvent des complications que l’on évite en dépulpant la dent.

2. Avec la céramique pressée de type IPS e.max® :

a. on ne peut réaliser que des restaurations partielles.

b. on peut réaliser des bridges de grande étendue.

c. on peut adapter la forme de la restauration à la perte tissulaire.

3. La céramique pressée de type IPS e.max® :

a. est moins translucide que la Zircone.

b. est plus résistante que la Zircone.

c. se colle plus efficacement que la Zircone.

d. nécessite une étape de CFAO.

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