Réussir les photographies intrabuccales - Clinic n° 05 du 01/05/2011
 

Clinic n° 05 du 01/05/2011

 

PHOTOGRAPHIE

Amir CHAFAIE  

Maître de Conférences des Universités
Faculté d’odontologie de Marseille
27, bd Jean Moulin
13355 Marseille cedex 05
13355 Marseille cedex 05
amir.chafaie@univmed.fr

La photographie au cabinet dentaire est un outil incontournable d’étude, d’évaluation et de communication avec le patient et avec le technicien de laboratoire.

Le choix du matériel photographique est important car un matériel inapproprié et non dédié à la macrophotographie intrabuccale montre très vite ses limites et ses insuffisances.

Quelques règles simples et des réglages élémentaires permettent de réussir les photographies intra-orales de manière prévisible et reproductible.

Nul ne peut ignorer l’intérêt et l’importance de la photographie intrabuccale dans notre pratique quotidienne. De nombreux articles [1 -4] et d’ouvrages [5 -8] traitent de ce sujet et décrivent différents modèles d’appareils photographiques et des systèmes d’éclairage qui permettent de répondre aux objectifs de la photographie intrabuccale, de la communication jusqu’aux considérations juridiques.

Le présent article a pour objectif de tenter de décrire et d’expliquer simplement la macrophotographie intrabuccale, en mettant l’accent sur certaines bases essentielles qui permettent la réussite des clichés, notamment en dentisterie esthétique. Cette première partie consacrée au matériel photographique sera suivie d’autres articles consacrés aux accessoires photographiques et à l’enregistrement et au traitement informatique des images. Des conseils simples seront donnés tout au long de cette série d’articles afin de réussir ses macrophotographies intrabuccales en toutes circonstances.

Quel appareil photographique numérique choisir ?

La démocratisation des prix des appareils photographiques numériques (APN) reflex élimine les réponses multiples à cette question. C’est sans hésitation qu’il faudra s’orienter vers un appareil reflex à objectif interchangeable. Il faut s’assurer que l’appareil accepte un objectif 100 mm macro et un flash annulaire (de la même marque ou non). Le seul inconvénient de ces appareils est leur poids et leur encombrement. Les derniers boîtiers des grandes marques sont non seulement de plus en plus performants, notamment en matière de résolution des capteurs (nombre de pixels), mais aussi de plus en plus légers. Malgré cet inconvénient de « taille » et de « poids », ce sont les seuls qui garantiront le succès prévisible et reproductible des clichés.

Pourquoi un objectif macro ?

Si on utilise un objectif standard (ou un zoom généralement vendu avec les boîtiers numériques), la distance minimale de mise au point est aux alentours de 1 mètre. À cette distance, on ne peut pas zoomer sur les dents car l’objectif n’en est pas capable. Du coup, on photographie, au mieux, seulement le visage du patient dans l’espoir de pouvoir « extraire » la partie qui correspond aux dents. Cette opération s’effectue au prix d’une perte de pixels (résolution de l’image) et de la qualité. De plus, elle nécessite une intervention systématique en informatique.

Pour éviter cela, on utilise des objectifs macro qui permettent, grâce aux lentilles grossissantes, de se rapprocher du sujet (entre 20 et 50 cm) tout en le voyant de façon nette ! Il s’agit d’un « microscope » qu’on appelle objectif macro car grossissant (sans déformation). Au plus fort grossissement (la plus faible distance), on peut photographier seulement 2 incisives centrales. Par rapport au visage du patient tout entier, l’image devient nettement plus précise avec une qualité indiscutablement supérieure.

Certains proposent l’ajout d’une lentille grossissante sur un objectif standard afin de transformer ce dernier en objectif macro. Cette opération est certes moins onéreuse que l’achat d’un tel objectif mais la déformation des images et la perte de luminosité que cet ajout impose font très vite regretter un tel choix.

On peut choisir un objectif macro de 50 ou 100 mm. Le premier est moins encombrant et moins onéreux mais n’offre le grossissement maximal qu’à une trop faible distance (15 cm environ), incompatible avec certaines situations en bouche (secteurs postérieurs). Le second est plus lourd, plus encombrant, plus onéreux mais le jeu en vaut la chandelle. Des très gros plans sont ainsi obtenus tout en restant à une distance raisonnable des dents, entre 20 et 30 cm environ, ce qui permet de photographier avec facilité et précision toutes les dents, notamment celles des secteurs postérieurs (fig. 1 à 3). Le problème du poids est résolu chez certains fabricants qui proposent des objectifs ultralégers (toutes proportions gardées). Enfin, des objectifs macro de distance focale intermédiaire (85 mm par exemple) font leur apparition sur le marché et constituent des choix fort intéressants, notamment en macrophotographie numérique, pour l’omnipratique.

Pourquoi un flash annulaire ?

Les objectifs macro ne sont pas très lumineux du fait du nombre important de lentilles qu’ils comportent. Cela est aggravé par le fait que, pour disposer d’une grande netteté sur toute l’image (profondeur de champ), nous choisissons l’ouverture de focale la plus petite (diaphragme très fermé). La lumière se fait donc rare ! De plus, pour éviter d’avoir des images floues, nous choisissons une vitesse « rapide ». La lumière se fait davantage rare ! Voilà pourquoi nous avons besoin d’une source lumineuse ultra-puissante, assurée par plusieurs flashs répartis autour de l’objectif de l’appareil ou bien de forme circulaire (annulaire), avec généralement un ou deux cordons éclairants. Ce flash permet ainsi non seulement de travailler à des vitesses rapides (1/250 seconde) mais aussi à des valeurs d’ouverture très faibles (de 3 à 5 % de l’ouverture totale de l’objectif), ce qui correspond à des nombres très élevés (de 22 à 32 en général). Le flash annulaire permet par ailleurs un éclairage uniforme et bien réparti sur l’objet, tout en évitant l’effet d’ombre que l’on risque d’avoir en cas d’utilisation du flash intégré de l’appareil de photo (qui ne doit jamais être utilisé) (fig. 4 à 6).

Quel programme choisir ?

Sur les appareils photographiques numériques modernes, on trouve de nombreux programmes (fig. 7). Le « tout automatique » est à bannir car c’est un programme de compromis (meilleure vitesse et meilleure ouverture) qui ne nous convient pas. On évitera également le programme « manuel », très difficile à maîtriser et nécessitant des réajustements en permanence. Il nous reste deux programmes qui sont ceux de la priorité à la vitesse et de la priorité à l’ouverture. Le premier est peu intéressant avec l’utilisation du flash annulaire qui « impose » une vitesse de synchronisation à l’appareil (1/200 à 1/250 s en général). Il reste, et c’est ainsi qu’il faudra voir les choses, le programme priorité à l’ouverture. Partant du principe que la vitesse de synchronisation avec le flash est imposée par ce dernier (il faudra la régler dans les paramètres du boîtier), il reste deux paramètres : l’ouverture (ou le diaphragme) et l’intensité de l’éclair du flash. Plus l’ouverture est faible (grande valeur en nombre), plus le flash doit procurer de la lumière. Nous restons habituellement sur une ouverture de 19 ou 22 (très fermée) pour disposer d’une grande profondeur de champ qui diminue considérablement les flous de mise au point (fig. 8 à 10). Cette faible ouverture permet de voir net sur une plus grande profondeur (fig. 11 et 12). Si la distance entre l’objet et le flash augmente (passage d’une dent à un visage), pour la même ouverture, le flash doit pouvoir fournir une lumière plus intense. Certains flashs se montrent défaillants dans ces situations. C’est pourquoi il faut opter pour des flashs de bonne qualité avec un nombre guide élevé.

Le dernier paramètre (variable) reste la distance objet/ objectif. Plus elle augmente, plus le flash doit délivrer un éclair puissant. Les appareils photographiques reflex modernes disposent de cet automatisme qui consiste à moduler l’intensité de l’éclairage selon la distance grâce aux capteurs internes analysant la véritable lumière traversant l’objectif (TTL, through the lens). Rien n’est à régler, à modifier ou à adapter et les résultats sont continuellement à la hauteur.

Il est à noter que les appareils numériques reflex offrent presque tous des programmes prédéterminés ou modes parmi lesquels on peut citer le mode « sport », le mode « portrait », le mode « nuit » et très souvent (pour ne pas dire toujours), le mode « macro ». Pour les macrophotographies intrabuccales, certains utilisent, à tort, ce mode, conçu pour les photographies de la nature (fleurs, insectes). Le programme « macro » privilégie en effet une grande ouverture pour détacher l’objet de l’arrière-plan en diminuant la profondeur de champ. C’est justement l’inverse de ce que nous recherchons en macrophotographie intrabuccale conventionnelle où la grande profondeur de champ recherchée est garante d’une netteté importante de l’image et d’une visibilité des détails sur la totalité de l’arcade. Le programme « macro » des appareils photographiques numériques est donc à bannir (fig. 13 et 14). Il arrive cependant qu’on souhaite mettre en valeur une dent ou un groupe de dents dans un sourire (fig. 15 et 16), auquel cas on pourra ouvrir le diaphragme (petit nombre) tout en restant dans le programme de « priorité au diaphragme » afin de réduire la profondeur de champ.

Pourquoi ne pas recourir à la mise au point automatique ?

La règle n° 1 en matière de macrophotographie intrabuccale est d’éviter la mise au point automatique. En effet, compte tenu des détails et du grossissement, l’appareil aura du mal à faire le point sur l’objet que l’on souhaite voir avec netteté. La mise au point doit par conséquent être manuelle et, de préférence, ne pas changer tout au long de la procédure afin de disposer des mêmes rapports de grossissement. Il est évident que les clichés d’examen et de bilan préopératoire comportent différentes vues à différentes distances (clichés intéressant le visage, les dents, les incisives centrales, etc.). Quel que soit le grossissement (la distance avec le sujet, selon le grossissement), la mise au point doit se faire manuellement. Les photoscopes sont également munis de différentes zones de mise au point. On distingue ainsi la mise au point centrale, groupée au centre, répartie sur la quasi-totalité de la surface, etc. Si le dernier mode est intéressant pour les photo-reportages, c’est le premier qu’on retiendra pour la macrophotographie intrabuccale. En effet, il suffira de voir clair au centre de l’image (l’information recherchée) et la grande profondeur de champ (diaphragme fermé) fera le reste (l’image sera nette sur sa totalité).

Quelle sensibilité de « film » ?

Les « vieux » films argentiques existent en films « haute sensibilité » (pour faible lumière ambiante) et en films moins sensibles (éclairage du jour, éclairage du studio). Plus la sensibilité est importante (1 600 ASA, par exemple), plus le « grain » est de grande taille, ce qui permet la réussite des photographies, même à de très faibles niveaux de lumière. En revanche, la qualité de la photographie chute avec l’augmentation de la sensibilité. C’est pourquoi, une valeur « moyenne » de 100 ASA était celle généralement choisie pour les macrophotographies argentiques (d’autrefois !). Aujourd’hui, de tels réglages sont toujours possibles mais, compte tenu de l’absence du film, ils se font par une simulation électronique au niveau du capteur numérique. Le réglage par défaut doit rester toujours aux alentours de 100 ASA (puisqu’on dispose d’un flash de bonne qualité qui permet de travailler dans des conditions idéales d’éclairage).

Comment vérifier la qualité de sa photographie ?

Avec les réglages de base décrits ci-dessus, on réussit presque toutes les photos, en ce qui concerne l’exposition. Les appareils de photo numériques reflex comportent un écran de contrôle qui affiche la photographie qui vient d’être réalisée. Cet écran, à l’inverse des appareils « bridges » (sans objectif interchangeable), n’est généralement pas conçu pour le cadrage ou la mise au point. La photo peut s’y afficher, ce qui permet de voir son cadrage et son éclairage. La qualité de cet écran est généralement faible, ce qui ne permet pas de réaliser les réglages « poussés » et « fins » de l’appareil et du flash. Il permet cependant de s’assurer du bon déroulement de la prise des clichés. Le passage par l’ordinateur reste la seule manière de vérifier la justesse de l’exposition et d’affiner les réglages de l’appareil. Encore faut-il disposer d’un ordinateur de bonne qualité muni d’un écran bien réglé, reflétant ce qu’on pourrait voir sur papier après impression professionnelle.

Conclusion

Le respect des principes évoqués dans cet article (fig. 17) permet, en optant pour un appareil de photo reflex numérique, à peine plus onéreux que certains appareils compacts, de réussir des photographies intrabuccales de grande qualité, de manière prévisible et reproductible (fig. 18 à 21). Les techni-ques de photographie intraorale, le traitement des images et leur stockage seront décrits, tour à tour, dans les prochaines parties de cette série d’articles.

Bibliographie

  • 1. D’Incau E. Photographie dentaire : le matériel. Inf Dent 2006 ; 88 : 22-43.
  • 2. D’Incau E. Photographie dentaire : les méthodes. Inf Dent 2006 ; 88 : 26-49.
  • 3. D’Incau E. Paramétrer son matériel. II. La couleur. Inf Dent 2010 ; 92 : 26, 28-35.
  • 4. Caire T. Macrophotographie dentaire et reflex numérique. Inf Dent 2007 ; 89 : 82.
  • 5. Tervil B. La photographie numérique en odontologie. Relations praticien, patient et laboratoire. Rueil-Malmaison : CDP, 2006.
  • 6. Ben Slama L, Chossegros C. Photographie numérique médicale et dentaire. Paris : Masson, 2008.
  • 7. Ahmad I. Digital and conventional dental photography : a practical clinical manual. Chicago : Quintessence, 2004.
  • 8. Loiacono P, Pascoletti L. La photographie en odontologie. Théorie et technique pour une documentation moderne. Paris : Quintessence International, 2011.

Évaluez-vous

1. Quel objectif ne convient pas à la prise de cliches intra-buccaux :

• a. 100 mm macro ;

• b. 60 mm macro ;

• c. Zoom 35-80 mm.

2. La puissance de l’éclair du flash est modulée en mode « priorité au diaphragme » par :

• a. la distance ;

• b. la vitesse d’obturation ;

• c. le type d’objectif.

3. Quel matériel est recommandé pour assurer la réussite des photographies intrabuccales ?

• a. un appareil numérique à objectif interchangeable.

• b. un objectif macro.

• c. un flash annulaire.