Éclaircir ses idées - Clinic n° 01 du 01/01/2012
 

Clinic n° 01 du 01/01/2012

 

C’EST MON AVIS

Paul MIARA  

Aujourd’hui, la plupart de nos patients souhaitent avoir des dents blanches, parfaitement alignées, exemptes de tout défaut de couleur, de forme ou de position.

Les techniques d’éclaircissement ont très largement contribué à améliorer, voire à transformer, la couleur des dents naturelles. Ces techniques sont fort anciennes puisque Abbott, en 1918, proposait d’utiliser du peroxyde d’hydrogène à 35 % activé par une augmentation de température. Actuellement,...


Aujourd’hui, la plupart de nos patients souhaitent avoir des dents blanches, parfaitement alignées, exemptes de tout défaut de couleur, de forme ou de position.

Les techniques d’éclaircissement ont très largement contribué à améliorer, voire à transformer, la couleur des dents naturelles. Ces techniques sont fort anciennes puisque Abbott, en 1918, proposait d’utiliser du peroxyde d’hydrogène à 35 % activé par une augmentation de température. Actuellement, les techniques se sont très largement développées et des millions d’éclaircissements ont été faits en utilisant du peroxyde d’hydrogène ou des dérivés à des concentrations diverses (entre 3 et 70 %).

La prolifération récente et scandaleuse des « bars à sourire » a relancé la polémique des effets biologiques de ces traitements chimiques.

Après de nombreuses discussions, recommandations et propositions, la Commission européenne a statué, en n’autorisant que la vente libre des produits à des concentrations inférieures à 0,1 %. Entre 0,1 et 6 %, ces produits sont dorénavant classés comme cosmétiques et leur usage est strictement réservé aux professionnels. Si cette récente décision est appliquée, cela signifiera l’arrêt total des produits d’éclaircissement en vente libre et dans les « bars à sourire ».

Cette décision attendue ne peut être accueillie que favorablement par notre profession, mais elle ­entraîne peut-être une restriction inacceptable pour nos traitements puisqu’il semblerait que tout produit supérieur à 6 % de peroxyde d’hydrogène soit doré­navant interdit. Cela signifierait, peut-être, un arrêt total des traitements d’éclaircissement au fauteuil, qui sont pourtant sûrs, efficaces et sans réel danger lorsqu’ils sont correctement utilisés.

Pourquoi ce chiffre de 6 % ? Pourquoi pas 3 %, ou 9 %, ou… ?

Cette concentration limite est totalement arbitraire, sans véritable fondement scientifique. Si le peroxyde d’hydrogène est un produit dangereux, il faut peut-être l’interdire totalement. Nous manipulons quotidiennement des produits beaucoup plus dangereux : amalgames, silanes, différents acides (phos­phorique, chlorhydrique, fluorhydrique). Nous faisons quotidiennement des interventions plus dangereuses et plus risquées.

Il faut rappeler que les techniques d’éclaircissement au fauteuil, qui sont très largement utilisées dans le monde, n’ont pas posé de graves problèmes de santé. On a constaté de légères déminéralisations de surface, des sensibilités postopératoires… Toutes ces complications sont aujourd’hui parfaitement maîtrisées et le taux de satisfaction de nos patients est très élevé.

Vouloir supprimer ces techniques, qui ont demandé de la part des chercheurs, des industriels et des praticiens des efforts considérables, est franchement inacceptable car cette décision n’est fondée sur aucune étude scientifique réelle.

Toutes les expérimentations qui ont été faites chez l’animal prouvent en effet que l’ingestion de peroxyde d’hydrogène peut effectivement, en fonction des doses et des concentrations, déclencher des problèmes toxicologiques et même mutagènes ; mais les techniques au fauteuil, qui utilisent de hautes concentrations et des protections sérieuses, évitent au patient toute ingestion importante.

Je pense qu’il est plus dangereux de réaliser des gouttières et de laisser au patient le soin de faire son traitement, même à de faibles concentrations, car dans ce cas, plus de produit pourrait être ingéré.

De plus, pour être efficace à 6 %, il va falloir augmenter considérablement les temps de traitement. Certains auteurs préconisent déjà l’utilisation de gouttières portées chaque soir pendant 3 à 6 mois, quelquefois plus, pour des cas de tétracycline sévère par exemple.

Les traitements d’éclaircissement font partie de notre arsenal thérapeutique et permettent, dans de nombreux cas, d’éviter d’avoir recours à des traitements de restauration plus invasifs.

Il est inconcevable de vouloir les arrêter en Europe, pendant que le reste du monde les propose de plus en plus.

Les techniques touchant à l’esthétique des dents et du sourire ont toujours leurs détracteurs ; le monde bouge, les besoins esthétiques évoluent et nous nous devons de répondre à ces nouvelles exigences, en fonction des données acquises de la science. Alors, franchement, pourquoi vouloir tout réglementer et interdire à nos confrères des traitements très largement utilisés depuis longtemps sur notre petite planète ?