Société par actions simplifiée et privilège des professions libérales ! - Clinic n° 05 du 01/05/2015
 

Clinic n° 05 du 01/05/2015

 

PATRIMOINE

MAITRE JEROME TRUCHOT  

CABINET FIDAL BREST

Lors de l’élaboration des lois de finances en décembre dernier, un projet avait envisagé d’assujettir aux cotisations sociales les dividendes versés par les sociétés par actions simplifiées (SAS), à l’image de ce qui existe déjà pour les sociétés à responsabilité limitée (SARL). En définitive, après un lobbying intense, ce projet a été abandonné. Les dividendes versés par une SAS ne sont pas assujettis aux cotisations sociales et cela a permis à plusieurs auteurs de vanter les « charmes » de cette forme de société, y compris pour les professions libérales. Malheureusement, ils commettent une profonde erreur à l’égard des professions libérales.

En effet, l’article 22 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 du financement de la Sécurité sociale pour 2009 soumet à cotisations et contributions sociales sur les revenus d’activité une fraction des revenus perçus, sous forme de dividendes ou d’intérêts de comptes courants d’associés, par les travailleurs non salariés non agricoles des sociétés.

La circulaire n° DSS/5D/2010/315 du 18 août 2010, qui a pour objet de commenter ce dispositif, indique en son article 1-1 que : « Les sociétés concernées par le dispositif sont les sociétés d’exercice libéral (SEL) visées à l’article 1er de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 modifiée relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, et aux sociétés de participations financières de professions libérales, c’est-à-dire :

• […] les sociétés d’exercice libéral par actions simplifiées – SELAS […]. »

Elle ajoute, en son article 1-2, s’agissant des bénéficiaires concernés par les revenus sous forme de dividendes et/ou d’intérêts de compte courant d’associé :

« Sont concernés par le dispositif issu de l’article 22 parmi les personnes exerçant une activité au sein de la société :

• […] les dirigeants de SELAFA* et de SELAS dès lors que les conditions d’exercice de leur activité professionnelle les placent dans le champ d’application des régimes relevant de la CNAVPL* ou de la CNBF* (Cass., 2e civ., 20 juin 2007 n° 06-17146) […].

Sont exclus du dispositif issu de l’article 22 parmi les personnes exerçant une activité au sein de la société :

• […] les associés minoritaires, non gérants ou non dirigeants, de SELARL, de SELAFA ou de SELAS qui exercent leur activité dans la société dans des conditions les plaçant dans un lien de subordination. »

Ainsi, pour ceux qui seraient concernés par la forme de SELAS, il est fortement conseillé de se rapprocher de son conseil pour savoir s’ils sont ou non concernés par l’assujettissement aux cotisations sociales des dividendes et/ou intérêts de compte courant d’associé. Tel est le privilège des professions libérales d’avoir un traitement différencié du régime de droit commun !

À titre de rappel, la part des revenus distribués (exemples : dividendes et/ou intérêts de compte courant d’associé) réintégrée dans l’assiette des cotisations sociales est celle qui est supérieure à 10 % du capital social (et des primes d’émission) et des sommes versées en compte courant détenues en toute propriété ou en usufruit par les personnes suivantes :

• le travailleur non salarié non agricole ;

• son conjoint ou le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité (PACS) ;

• et leurs enfants mineurs non émancipés.

Capital social

Le capital social comprend le montant des apports faits par les associés lors de la constitution de la société et les augmentations effectuées au cours de la vie de la société à la suite d’une décision de l’assemblée générale.

Lors de la constitution de société, les apports retenus sont :

• les apports en numéraire intégralement libérés ;

• les apports en nature, à l’exclusion de ceux constitués par des biens incorporels (notamment un droit de présentation de la clientèle ou des droits de propriété industrielle), qui n’ont fait l’objet ni d’une transaction préalable en numéraire ni d’une évaluation par un commissaire aux apports.

Les apports en industrie ne sont pas pris en compte pour la formation du capital.

Compte courant d’associé

Le compte courant d’associé est un compte ouvert au nom d’un associé dans les livres comptables de la société, inscrit au passif du bilan (plus rarement à l’actif) et sur lequel sont portées les sommes laissées temporairement à la disposition de la société par l’associé.

Un compte est considéré comme « fonctionnant » même s’il ne comporte aucun mouvement au cours de l’exercice.

Pour le calcul du seuil de 10 %, il est tenu compte des variations qui peuvent se produire en cours d’exercice dans le montant des sommes laissées ou mises à la disposition de la société par l’associé.

Les sommes versées sur le compte courant, retenues pour le calcul du seuil de 10 %, correspondent au solde moyen annuel du compte courant d’associé. Ce solde moyen annuel est égal à la somme des soldes moyens du compte courant de chaque mois divisée par le nombre de mois compris dans l’exercice. Ce nombre est le cas échéant, en cas d’ouverture ou de clôture du compte courant en cours d’exercice, et, au titre de l’exercice concerné, réduit au nombre de mois de fonctionnement du compte.

Le solde moyen mensuel est le résultat de l’addition des soldes journaliers divisé par le nombre de jours dans le mois. Le solde moyen mensuel diffère du solde mensuel figurant dans les comptes de la société.

En conclusion, l’assujettissement de vos revenus « mobiliers professionnels » (dividendes et/ou intérêts de compte courant d’associé) aux charges sociales doit vous amener, avec votre conseil, à étudier la ventilation adéquate entre rémunération stricto sensu et revenus mobiliers ainsi que les stratégies envisageables pour optimiser l’application de cette règle dite des 10 %.

  • * SELAFA : Société d’exercice libéral à forme anonyme ; CNAVPL : Caisse d’assurance vieillesse des professions libérales ; CNBF : Caisse nationale des barreaux français.

EXEMPLE

Le montant des sommes figurant sur le compte courant à l’ouverture de l’exercice N, coïncidant avec l’année civile, s’élève à 50 000 €. Au cours de l’exercice N, les sommes apportées (ou laissées à disposition) et prélevées se sont élevées aux chiffres suivants :

• prélèvement de 5 000 € le 28 mai ;

• intérêts perçus de 2 705 € le 1er décembre.

Détermination du solde moyen annuel :

• période du 1er janvier au 30 avril : 50 000 x 4 = 200 000 ;

• période du 1er mai au 27 mai et du 28 mai au 31 mai : (50 000 x 27) + (45 000 x 4)/31 = 49 355 ;

• période du 1er juin au 30 novembre : 45 000 x 6 = 270 000 ;

• période du 1er décembre au 31 décembre : 47 705 x 1 = 47 705.

Solde moyen annuel : (200 000 + 49 355 + 270 000 + 47 705)/12 = 47 255 €.

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