L’effet placebo dans le syndrome de la « bouche qui brûle » - Clinic n° 06 du 01/06/2015
 

Clinic n° 06 du 01/06/2015

 

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Contexte

La stomatodynie, ou syndrome de la « bouche qui brûle », se manifeste par une dysesthésie et une sensation de brûlure de la bouche qui affectent généralement la langue mais qui concernent aussi la face interne des lèvres et le palais dur antérieur.

Cette douleur chronique n’a pas de cause systémique ou locale réellement définie ; elle peut également provoquer une xérostomie, une dysgueusie et d’autres dysesthésies orales. La stomatodynie est plus...


Contexte

La stomatodynie, ou syndrome de la « bouche qui brûle », se manifeste par une dysesthésie et une sensation de brûlure de la bouche qui affectent généralement la langue mais qui concernent aussi la face interne des lèvres et le palais dur antérieur.

Cette douleur chronique n’a pas de cause systémique ou locale réellement définie ; elle peut également provoquer une xérostomie, une dysgueusie et d’autres dysesthésies orales. La stomatodynie est plus fréquente avec l’âge et chez les femmes ménopausées. Les taux de prévalence varient de 0,7 à 15 %, mais l’épidémiologie de la stomatodynie n’est pas clairement établie. Bien qu’il soit probable que la pathophysiologie de la stomatodynie comprenne des interactions entre des facteurs locaux, systémiques et/ou psychogéniques, un mécanisme neuropathique a aussi été suggéré. Une neuropathie périphérique sensitive des petites fibres, une pathologie du tronc cérébral et une neuropathie trigéminale périphérique seraient à considérer. Les patients peuvent aussi avoir une stomatodynie d’origine neuropathique centrale ou périphérique. Des mécanismes psychologiques peuvent aussi être impliqués dans certains cas. L’efficacité des thérapeutiques est mitigée, avec des traitements habituellement focalisés sur le soulagement des symptômes plutôt que sur les mécanismes causaux. Les trois thérapies permettant d’avoir des résultats positifs sont l’acide alpha-lipoïque (AAL) systémique, le clonazépam topique et la capsaïcine topique et systémique. Cependant, dans les essais évaluant l’efficacité des divers traitements de la stomatodynie, une grande variété de réponses placebo a été documentée. Les patients contrôles de plusieurs études ont répondu de façon similaire à ceux traités. L’effet placebo dans des essais cliniques randomisés contrôlés sur des traitements de la stomatodynie a été évalué au travers d’une recherche systématique de la littérature médicale.

Méthodes

Les articles en anglais publiés jusqu’en juin 2012 ont été recherchés dans la base de données PubMed/Medline. Les résultats cliniques du groupe placebo et du groupe traité ont été documentés. La partie du traitement actif reproduite par le placebo a été notée puis une moyenne a été faite avec toutes les études. Pour les essais cliniques croisés, seule la première période a été prise en compte. La recherche a permis d’identifier 12 études pour la revue ; la durée moyenne de la thérapie était de 8 semaines (entre 1 et 12 semaines).

Résultats

Seules 7 études détaillaient la composition des placebos mais, dans plusieurs cas, il s’agissait d’amidon. Dix études ont rapporté une amélioration des symptômes chez les patients sous traitement actif, mais 2 études ont montré l’absence d’amélioration. Six des 10 études ayant rapporté une amélioration avec le traitement actif ont aussi montré une réponse positive au placebo chez 15 à 74 % des patients. Trois de ces études présentaient des réponses placebos comparables aux réponses au traitement actif. Les traitements actifs dans ces études consistaient en la prise d’AAL systémique, d’AAL systémique seul contre AAL avec des multivitamines, et d’un antidépresseur (trazodone). Les réponses des patients du groupe placebo dans l’étude avec la trazodone montraient une réduction significative de l’intensité de la douleur.

Parmi les études ayant rapporté des périodes de suivi au-delà de la fin du traitement, l’une d’entre elles a montré une diminution continue des scores sur l’échelle visuelle analogique (EVA) dans les deux groupes, avec traitement actif et avec placebo, 8 semaines après que le traitement avait été arrêté. Il n’y avait pas de différence significative entre les groupes. La plupart des patients qui avaient présenté une amélioration après le traitement ont eu une rechute, quel qu’ait été le protocole de traitement pendant les 8 semaines.

Une étude avec un suivi de 1 an après la fin du traitement a montré que l’état des patients qui avaient répondu favorablement au placebo s’était détérioré à un certain degré dans les 2 mois suivant l’interruption du traitement. La détérioration était statistiquement significative par rapport au taux de réponse maintenu de 73 % des patients ayant pris de l’AAL.

Discussion

LDe façon générale, la réponse moyenne au placebo, dans les études analysées, prise comme une partie de la réponse au médicament était de 72 %. Cela suggère une réponse placebo importante.

APPLICATION CLINIQUE

La réponse placebo élevée relevée dans cette revue de la littérature rend difficile le design des futurs essais randomisés contrôlés sur les thérapies de la stomatodynie. Les essais doivent être de puissance adéquate et multicentriques pour obtenir des preuves fortes de l’efficacité d’un traitement. Un placebo standard est conseillé, de même qu’un protocole standardisé, pour donner des recommandations et évaluer l’efficacité d’un traitement pendant une période suffisamment longue. De plus, un troisième groupe sans traitement en liste d’attente devrait être inclus pour différencier l’évolution naturelle des symptômes et le réel effet placebo. Il n’y a actuellement aucun traitement standard de la stomatodynie, il n’est donc pas incohérent d’inclure un groupe en liste d’attente sans traitement.