« La relation de confiance avec le patient : meilleur gage de la prévention d’un litige » - Clinic n° 06 du 01/06/2015
 

Clinic n° 06 du 01/06/2015

 

DELPHINE TARDIVO
Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier des hôpitaux de Marseille et enseignant-chercheur

L’ENTRETIEN

Anne-Chantal de Divonne  

Quelles sont les obligations auxquelles sont soumis les chirurgiens-dentistes ? Comment éviter des situations contentieuses ? Prévention et gestion du risque contentieux en odontologie*, un ouvrage très complet cosigné par Delphine Tardivo et Frédéric Camilleri, détaille toutes les obligations et responsabilités du praticien.

Quel est l’apport particulier de votre livre ?

De façon générale, les livres actuellement consacrés à ce sujet sont peu nombreux et ceux qui en traitent ne développent que l’aspect « litiges avec le patient ». Cet ouvrage fait le point sur toutes les obligations auxquelles sont soumis les chirurgiens-dentistes : celles que l’on a envers les patients, bien sûr, mais également les obligations fiscales, comptables, déontologiques, éthiques auxquelles nous sommes soumis, quel que soit notre mode d’exercice (libéral, salarié, etc.). Voilà pour la première partie. La seconde explique les risques (et les sanctions !) encourus en cas de non-respect de ces obligations et les procédures alors engagées ainsi que leur déroulement.

Qu’est-ce qui vous a amenée à réaliser cet ouvrage ?

On m’a sollicitée pour orchestrer la rédaction du livre car, en tant que maître de conférences des universités en santé publique depuis 3 ans à la faculté d’odontologie de Marseille, je participe à des expertises et je suis chargée de la formation de nos étudiants dans ce domaine. J’interviens aussi dans différentes formations post-universitaires sur ce sujet en France, dans le cadre de CES (certificats d’études supérieures) et de DU (diplômes universitaires).

Comment ont été choisis les différents intervenants de cet ouvrage collectif ?

Nous avons d’abord fait le bilan de toutes les obligations auxquelles étaient soumis les chirurgiens-dentistes, puis nous avons sollicité un spécialiste de chaque domaine pour rédiger chaque chapitre. La partie concernant les obligations fiscales et comptables a par exemple été confiée à des juristes et à des experts comptables.

La multiplication des sources potentielles de litiges – éthiques, déontologiques, légales, fiscales, administratives… – donne un peu le tournis ! Comment un praticien peut-il aujourd’hui y faire face ?

Il est vrai que la multiplication du nombre et des sources de litiges peut être anxiogène, notamment pour les jeunes praticiens. Cependant, en respectant les règles, notamment les plus simples et les plus élémentaires – comme l’information du patient, tout simplement – nombre de litiges peuvent être évités !

Les règles sont nombreuses, certes. Et dans certains d?omaines, elles changent très fréquemment. Mais dans le cadre du développement professionnel continu (DPC) et par le biais de la littérature professionnelle, il est assez simple de s’informer de leur évolution.

Que recommander à un jeune qui s’installe pour éviter de se trouver dans une situation de contentieux ?

S’astreindre à connaître les règles et les respecter !

La formation universitaire leur donne accès à tous ces éléments. Mais dans le tourbillon du début d’exercice, c’est vrai qu’il est difficile de faire le point et d’établir la liste des priorités. Le DPC le permet en grande partie… Ce livre aussi, je l’espère !

Selon vous, quels litiges pourraient être évités le plus facilement ?

Ceux avec les patients, indubitablement ! Dans la plupart des cas, on constate un défaut d’information. On ne répétera jamais assez que l’information du patient est fondamentale dans la réussite de tout traitement. Il est indispensable qu’en amont, le patient comprenne parfaitement le traitement qu’on lui propose, les raisons qui le justifient, ses avantages, ses inconvénients éventuels, qu’il puisse poser les questions qu’il souhaite. Puis, il est essentiel que l’information lui soit également donnée en peropératoire et en postopératoire. C’est la base d’une relation de confiance avec lui et, certainement, le plus grand gage de la prévention d’un éventuel litige !

Les litiges les plus difficiles à éviter ?

Éthiques, certainement. Mais ils n’engagent que le praticien et sa conscience, professionnelle et personnelle !

Que voulez-vous dire ?

Le contexte de soins n’est pas toujours simple. C’est par exemple le cas des patients sous tutelle ou sous curatelle. Dans ce cadre aussi, il est essentiel d’informer le patient, de lui donner une information qui soit adaptée à son niveau de compréhension afin de recueillir son consentement éclairé, pour le bon déroulement des soins bien sûr et parce que c’est lui qui va en bénéficier. Mais d’un point de vue juridique, ce n’est pas lui qui décide, ou pas complètement…, et dans ce type de cas, même si le patient n’est pas décideur, il n’en demeure pas moins le patient. On se doit de respecter le côté légal de la situation, bien sûr, mais on ne peut faire abstraction du côté humain de la relation de soins.

Qu’avez-vous appris, ou qu’est-ce qui vous a particulièrement marquée au cours de la rédaction de cet ouvrage collectif ?

La vitesse à laquelle les règles évoluent dans notre domaine lorsque l’on considère l’exercice de la chirurgie dentaire d’un point de vue global ! Il suffit de prendre le cas du DPC qui est encore aujourd’hui en train d’évoluer. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle une mise à jour de ce livre est déjà prévue pour dans 2 ans.

Dans quels autres domaines de l’odontologie travaillez-vous ?

La santé publique en odontologie regroupe la prévention, l’épidémiologie, l’odontologie légale et l’économie de la santé. En plus d’être universitaire, je fais partie de l’équipe « Anthropologie biomédicale, éthique, médecine légale et droit de la santé » de l’Unité mixte de recherche 7268 ADÉS (anthropologie, droit, éthique et santé) au sein de laquelle mes travaux de recherche sont consacrés à la détermination de l’âge et du sexe des individus adultes à partir des volumes de leurs canines, sujet qui relève également de l’odontologie médico-légale même s’il nous emmène loin de l’odontologie légale au sens de la responsabilité !

En anthropologie médico-légale, l’objectif de mes travaux est de déterminer l’âge et le sexe d’individus dont la cause de la mort ou les conditions de conservation du corps ne permettent plus de les identifier avec une approche comparative. En médecine légale, je suis également sollicitée depuis quelques mois par la Direction zonale de la police aux frontières et la Brigade mobile de recherche pour estimer l’âge d’individus migrants et sans papiers, impliqués dans des procédures pénales, pour estimer s’ils sont majeurs, afin de les situer par rapport au seuil de responsabilité pénale.

Avez-vous d’autres projets de publications ?

Pour les projets de publications nationales, la mise à jour régulière de cet ouvrage constitue à elle seule un vrai projet ! Les autres projets en cours de rédaction portent sur mes travaux de recherche. Ils se prêtent davantage à une publication dans des revues internationales spécialisées.

* Éditions CdP, (coll. JPIO), 2015.