Méfiance est mère de sûreté - Clinic n° 06 du 01/06/2015
 

Clinic n° 06 du 01/06/2015

 

JURIDIQUE

Audrey UZEL  

Cabinet Houdart et associés – Avocat au barreau de Paris

À plusieurs reprises, il m’est arrivé de recevoir à mon cabinet des professionnels inquiets après avoir reçu une mise en demeure de payer, dans des termes très souvent comminatoires, pour un emplacement dans un annuaire professionnel sur la Toile. Comment agir ?

L’apparence

Il peut vous arriver de recevoir à votre cabinet, par télécopie ou par courrier, un document de type administratif sur lequel figurent vos coordonnées professionnelles. Le document vous invite à les vérifier et à les modifier au besoin. La présentation très ambiguë du document laisse à penser qu’il s’agit d’une simple demande de vérification dans un annuaire au sein duquel vous pensez déjà figurer.

La réalité

En fait, il s’agit d’une offre d’insertion dans un annuaire professionnel sur la Toile. En apposant votre signature, à la suite des modifications de vos coordonnées professionnelles, vous vous engagez dans une commande ferme d’insertion. Très généralement, ces annuaires sont soit inexistants, soit très confidentiels ou non mis à jour. Leur portée est donc extrêmement limitée, voire même chimérique. Pourtant, le montant de l’engagement n’est pas anodin : au minimum 1 000 € par an.

Les suites

Bien évidemment, vous faites par la suite l’objet de demandes de paiement de plus en plus comminatoires. Vous avez beau avoir dénoncé le contrat, rien n’y fait : on vous dit engagé, on vous demande de payer sous peine de poursuites. Cette pratique est assurément une arnaque. Elle est contraire tant au droit de la consommation national qu’européen. En effet, elle doit être qualifiée de pratique commerciale déloyale et trompeuse, au sens des articles L. 120-1 et L. 121-1 du Code de la consommation, en ce que la présentation adoptée crée une confusion dans l’esprit de l’entreprise qui ne perçoit pas qu’il s’agit d’un acte d’engagement. Cette pratique est également condamnée en droit européen par la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant les directives 84/450/CEE, 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE et le règlement (CE) n° 2006/2004 (directive sur les pratiques commerciales déloyales).

Que faire ?

Avant de se laisser intimider, il convient de saisir la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour l’avertir de la diffusion de ce type de document et porter plainte pour publicité mensongère. Toutefois, la DGCCRF dispose d’une compétence limitée : elle ne peut agir efficacement que si l’entreprise éditrice du site Internet réside en France. Or, dans la majorité des cas, l’entreprise se situe en Allemagne ou en Espagne. Doubler la saisine de la DGCCRF d’une plainte auprès du procureur de la République pour escroquerie est nécessaire. Adresser l’ensemble de ces éléments à la société demanderesse suffit souvent à annihiler les poursuites.

À RETENIR

Recevoir une proposition d’insertion dans un annuaire professionnel rime souvent avec méfiance. Alors on prend quelques minutes, on vérifie l’identité de l’expéditeur et, surtout, on lit les petites lignes en corps 8 en bas du document. Cela permettra notamment d’identifier le coût réel de cette prestation.