Pourquoi choisir l’internat en médecine bucco-dentaire ? - Clinic n° 09 du 01/10/2015
 

Clinic n° 09 du 01/10/2015

 

QU’EN DITES-VOUS ?

ANNE-CHANTAL DE DIVONNE  

L’internat de spécialité en odontologie a 4 ans. À côté de l’orthodontie et la chirurgie orale, la spécialité en médecine bucco-dentaire suscite des interrogations. Cette spécialité serait mal définie pour certains. Le président de l’Ordre confiait à Clinic peu avant de quitter ses fonctions qu’il faudrait « recadrer » cette spécialité car elle ne répondait pas à sa vocation de former des praticiens hospitaliers et des praticiens qui interviennent sur des personnes ayant des pathologies multiples ou qui se trouvent en situation de handicap. Clinic donne la parole à 5 étudiants de cette filière.

TROIS DIRECTIONS POSSIBLES

Notre première année est à vocation omnipratique. Nous effectuons des vacations de ?polyclinique, de gérodontologie, d’encadrement clinique d’étudiants de deuxième cycle en unité d’urgence. Selon les centres, nous pouvons aussi effectuer des consultations spécialisées, des interventions spécifiques (MEOPA, anesthésie générale), etc. Cette formation clinique est complétée par une formation théorique médicale et dentaire approfondie au travers de séminaires nationaux et locaux (propres à chaque faculté).

La maquette de l’internat prévoit que les étudiants puissent orienter leur exercice dès la deuxième année dans une de ces trois directions : activité pluridisciplinaire, activité orientée (autre qu’orthopédie dento-faciale et chirurgie orale) ou encore prise en charge de patients polypathologiques ou à pathologie lourde. Généralement, à partir de la deuxième année les étudiants peuvent intégrer des diplômes universitaires (DU). L’accès à ces cursus postuniversitaires est de façon générale facilité pour les internes.

Afin d’obtenir le diplôme d’études spécialisées (DES) de médecine bucco-dentaire, il faudra valider les semestres cliniques, les 12 unités d’enseignement (UE), soutenir une thèse d’exercice, rédiger un mémoire d’internat et présenter un cas clinique devant un jury.

À l’issue du diplôme, libre à nous d’orienter notre exercice à notre convenance : pratique hospitalière, hospitalo-universitaire ou libérale. L’internat est certes la voie royale pour accéder aux carrières hospitalo-universitaires, mais nous avons le choix. La médecine bucco-dentaire n’est pas exclusivement consacrée aux soins de patients aux antécédents médico-chirurgicaux lourds, même si cela fait partie de nos compétences. Elle concerne également, et surtout, la prise en charge de situations bucco-dentaires particulières nécessitant des compétences approfondies dans une ou plusieurs disciplines odontologiques.

UNE MÉTHODE POUR LES CAS DIFFICILES

J’ai choisi l’internat en médecine bucco-dentaire, estimant que c’était le moyen idéal pour m’améliorer dans tous les domaines de la dentisterie, faire des recherches et ne pas m’enfermer tout de suite dans un cabinet. Je voulais aussi pouvoir prendre le temps nécessaire pour faire des soins de qualité à des patients à besoins spécifiques sans avoir la pression du rendement. J’aime soigner les enfants, les handicapés, les personnes âgées… Je fais des rencontres géniales avec les patients, les équipes soignantes, les enseignants. Cet internat permet de dédramatiser les situations difficiles auxquelles on peut être confronté. Je ne crains plus les longues ordonnances des patients, ceux qui ont des bouches pour lesquelles on ne sait plus par où commencer. J’ai toujours beaucoup à apprendre mais j’acquiers progressivement une méthode pour prendre en charge les cas difficiles, tant sur un plan général que purement dentaire. Je ne vois pas à ce jour l’utilité de me lancer dans un DU de dentisterie pendant l’internat mais je n’exclus pas d’en faire un d’une autre filière.

Aujourd’hui, mon souhait n’est pas de travailler plus tard à 100 % à l’hôpital. J’aimerais éventuellement devenir assistant et exercer en libéral. Le temps plein obligatoire avec beaucoup d’activité de recherche et peu de pratique constitue pour moi un frein à une carrière hospitalière car j’aime soigner et échanger avec les patients. Enfin, je ne sais pas si à ce jour l’internat est la voie la plus courte pour une carrière hospitalo-universitaire, mais elle m’apparaît comme la voie la plus formatrice.

APPRENDRE À TOUT FAIRE

Quand j’ai du choisir ma spécialité d’interne, l’orthopédie dento-faciale ne m’attirait pas, je trouvais la chirurgie trop restrictive et j’avais de mauvais échos de la spécialité en médecine bucco-dentaire que l’on me décrivait comme étant une spécialité « poubelle ». Des internes en médecine bucco-dentaire m’ont pourtant convaincue du contraire. Et aujourd’hui, en deuxième année, je suis certaine d’avoir fait le bon choix. Le tiers de ma patientèle se compose de patients à besoins spécifiques et les deux autres tiers de personnes en bonne santé générale mais qui ont besoin d’une prise en charge bucco-dentaire globale. Ainsi, tout en me perfectionnant en omnipratique, cette filière permet de travailler sur des cas très atypiques et, finalement, de savoir tout faire. Un autre avantage est de consolider ma formation médicale.

Cet internat passionnant permet aussi de s’orienter en fonction de ses propres tropismes à partir de la deuxième année. On peut aussi se spécialiser en sélectionnant certains patients et en suivant un ou deux DU. L’internat en facilite l’accès. J’ai choisi un DU de dermatologie buccale et un autre de parodontologie. Il est vrai que ces choix dépendent de la liberté que nous laisse notre chef de service. Je sais que certains internes d’autres services ont des difficultés pour suivre un DU et ont peu de possibilités de voir des patients choisis parce qu’ils sont contraints par des consultations d’urgences, des consultations de patients sous bisphosphonates ou encore des consultations d’hygiène qui occupent tout leur temps. Bien sûr, nous devons faire ce type de consultation mais ceux qui ne font que cela peuvent le vivre mal et avoir l’impression de régresser.

Je pense prolonger mon internat par un master, faire de la recherche et être assistante. Puis je m’orienterai vers le libéral tout en gardant un pied à l’hôpital en tant qu’assistante ou praticien hospitalier. Mais je ne veux pas être hospitalier exclusif. Aujourd’hui, je ne souhaite pas m’investir dans la recherche autant que l’exige ce type de carrière. Et puis j’ai envie de l’indépendance et du confort de travail que permet le libéral.

PLUS D’AISANCE ET DE RIGUEUR

La médecine bucco-dentaire répond à un besoin de santé publique par sa population cible, ses patients dits « à besoins spécifiques ». Les relations tissées avec ces patients sont fortes et souvent gratifiantes, une vraie impression de service rendu. Les situations sont complexes et stimulantes, et le cadre hospitalo-universitaire permet de les appréhender avec moins de stress qu’en pratique libérale. L’humilité est de mise et la remise en question fait partie du processus, mais l’internat m’a permis de me confronter à des tableaux cliniques d’approche difficile avec plus d’aisance et plus de rigueur.

Après une année d’internat en médecine bucco-dentaire couplée avec un master 1 de biologie, j’entame avec enthousiasme ma deuxième année parallèlement à un DU de parodontie clinique. Comme je m’y attendais, l’université a su valoriser mon internat et ouvrir l’accès à des formations parallèles qui viennent approvisionner nos compétences et, en quelque sorte, donner du sens à ce que l’on fait.

Si je dois trouver un point noir au tableau, je dirais que tous les patients « à besoins spécifiques » ne peuvent pas toujours venir à nous. Nous sommes alors amenés à aller dans les différents établissements (hôpitaux psychiatriques, EHPAD…) où l’on se confronte à un manque de moyens qui nous empêche de pleinement prendre en charge ces patients. C’est frustrant et c’est pour moi le prochain défi de la médecine bucco-dentaire.

Enfin, il me semble que malgré des plaquettes bien définies concernant les compétences à acquérir, c’est surtout l’interne qui fait son internat, c’est une responsabilité.

Mon projet dans 5 ou 10 ans sera probablement de m’ouvrir à la vie hospitalo-universitaire.

ME SENTIR PLUS APTE À L’EXERCICE FUTUR

En cinquième année d’études dentaires à Strasbourg, j’ai voulu passer l’internat pour me perfectionner, améliorer mon savoir-faire et, ainsi, me sentir plus apte à l’exercice de ma future profession. J’ai beaucoup apprécié ma première année d’internat en médecine bucco-dentaire qui a été très enrichissante. J’ai approfondi mes connaissances et les ai mises en application à l’hôpital Charles-Foix d’Ivry-sur-Seine. J’ai pu avoir recours à des techniques diversifiées et travailler sur des cas cliniques complexes grâce au soutien et à l’effort de transmission du corps enseignant. Après cette première année, j’ai pu intégrer un programme (« année de recherche ») me permettant d’effectuer un stage de 1 an dans un laboratoire de recherche fondamentale de l’université Columbia à New York. Il me restera encore 2 ans à effectuer en France. Pour la suite, je suis assez partagé entre l’option de l’exercice privé, une attirance pour la carrière hospitalo-universitaire et le monde de la recherche.