Quand Groupon investit le secteur médical - Clinic n° 09 du 01/10/2015
 

Clinic n° 09 du 01/10/2015

 

Juridique

Audrey UZEL  

Cabinet Houdart et associés – Avocat au barreau de Paris

Le tribunal de grande instance de Paris(1) a fermement condamné cet été le site Groupon, mais aussi les professionnels ayant utilisé ce service pour promouvoir des actes médicaux. Une belle décision de justice totalement transposable au domaine dentaire.

L’histoire : dans le cadre de son activité, la société Groupon a mis en ligne plusieurs offres de prestations médicales à visée esthétique à prix réduit pendant une durée déterminée. Ces annonces bénéficient à des professionnels de santé ou à des sociétés par la présentation d’un lien hypertexte destiné à amener l’internaute vers le site officiel du professionnel ou affichant ses coordonnées. Les annonces sont accompagnées de commentaires particulièrement attractifs destinés à valoriser la prestation vendue. Le Conseil national de l’ordre des médecins a saisi le tribunal en vue de faire sanctionner et interdire ces procédés, qu’il qualifie de publicité sur des actes médicaux, créant une concurrence déloyale à l’égard de la profession de médecin et susceptibles de porter atteinte à l’image de la profession.

L’analyse : le tribunal fait droit à l’action entreprise par le Conseil de l’Ordre. Il constate, d’une part, que les publications réalisées par Groupon concernent des actes dont le caractère médical n’est pas contesté. D’autre part, le procédé utilisé par la société Groupon – qui consiste à proposer, pour une durée limitée, des achats groupés des prestations offertes, avec en contrepartie des bons de réduction substantiels – vise incontestablement à attirer le consommateur et à l’inciter à contracter dans les meilleurs délais. Le tribunal en déduit qu’il s’agit de publications visant à promouvoir les produits et prestations vendus en ligne, au bénéfice direct de professionnels de santé clairement identifiés. Dès lors, « les publications sont constitutives de publicité au bénéfice des médecins et établissements souscripteurs des annonces qui cherchent, par cette opération, à augmenter leur clientèle ». Cela crée « une rupture d’égalité dans les conditions d’exercice des médecins et occasionne un préjudice moral pour l’ensemble de la profession » et porte atteinte « à l’image de la profession en assimilant l’activité médicale à une activité commerciale ». La société Groupon ainsi que les médecins et les sociétés ont été condamnés pour concurrence déloyale et atteinte à l’image de la profession médicale (1 € symbolique). Ils ont été condamnés à faire cesser les publications de la société sous astreinte de 1 000 € par jour de retard et à faire publier dans la presse médicale (Le Quotidien du médecin) et générale (Le Figaro) un encart sur cette condamnation.

Au niveau disciplinaire : bien évidemment, une condamnation civile n’est pas exclusive d’une condamnation disciplinaire. Dans plusieurs affaires récentes(2), la chambre disciplinaire du Conseil de l’ordre des médecins a condamné un professionnel ayant eu recours aux services de la société Groupon pour compérage. En effet, aux termes du contrat conclu entre Groupon et le médecin, les montants versés par les patients pour bénéficier des prestations mentionnées dans l’annonce étaient partagés entre eux. Il a été infligé au médecin la sanction d’interdiction d’exercer la médecine pendant 2 mois dont 1 mois et demi assorti de sursis.

  • (1) TGI Paris 17 juillet 2015, RG n° 14/10157.

  • (2) Voir, par exemple, chambre disciplinaire du CNOM, 9 septembre 2014, n° 11754.

  • (3) Conseil d’État, 21 janvier 2015, n° 362761.

À RETENIR

L’acte de publicité s’analyse au cas par cas(3). En l’espèce, l’annonce constitue indéniablement un acte de publicité prohibée en ce qu’elle vise expressément la vente d’une prestation médicale par un professionnel identifié, dans un délai déterminé, à un prix réduit. Outre que le contrat signé entre le médecin et Groupon permet d’asseoir la participation active du professionnel à cette publication, il constitue également un acte de compérage pour partage des honoraires prohibés.