La profession partagée - Clinic n° 01 du 01/01/2013
 

Clinic n° 01 du 01/01/2013

 

RÉSEAUX MUTUALISTES

ACTU

Une proposition de loi autorisant les réseaux de soins mutualistes, mais excluant les médecins, a été votée en seconde lecture le 29 novembre dernier à l’Assemblée nationale. La profession est partagée sur ce sujet.

Une proposition de loi déposée en octobre dernier par Bruno Leroux (Seine-Saint-Denis, PS) avec l’appui du gouvernement a prévu deux évolutions pour les réseaux mutualistes. Si ce texte est définitivement voté, la loi permettra aux mutuelles de mieux rembourser leurs adhérents lorsqu’ils s’adressent à un professionnel de santé qui a contracté avec elles. Et les mutuelles auront en outre la possibilité d’instaurer des réseaux de soins fermés, c’est-à-dire qu’elles pourront contracter directement avec des professionnels de santé.

Sous la pression des médecins et des internes mobilisés en partie sur ce thème au lendemain du débat sur les dépassements d’honoraires, les médecins ont été exclus de l’application de ce texte, au grand dam des mutuelles. Le Centre national des professions de santé (CNPS) s’oppose au texte, d’une part parce qu’il « introduit une discrimination injustifiée » entre les professionnels de santé et, d’autre part, parce qu’il « exclut toute négociation préalable » à la mise en œuvre de réseaux entre les complémentaires et les syndicats des libéraux de santé. Au sein de la profession, la Fédération des syndicats dentaires libéraux (FSDL) et l’Union des jeunes chirurgiens-dentistes (UJCD) rejettent en bloc le texte tandis que l’opposition de la Confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD), en phase avec l’analyse du CNPS, est plus nuancée.

CNSD : pour des réseaux ouverts

De fait, pour Catherine Mojaïsky, présidente de la CNSD, exclure les complémentaires – organismes payeurs majoritaires dans le domaine dentaire – de toute possibilité de conventionnement est « une aberration et prive la profession d’une source de financement importante ». La CNSD a signé il y a 16 ans, avec la Mutuelle générale de l’Éducation nationale (MGEN) puis la Mutualité fonction publique (MFP), un protocole auquel tout chirurgien-dentiste peut adhérer librement. Aujourd’hui, 60 % de la profession adhère librement à ce réseau ouvert. « La seule contrainte est le respect d’un plafond d’honoraires, d’ailleurs très supérieur aux moyennes pratiquées. Quasi aucun chirurgien-dentiste n’atteint ce plafond », explique la présidente de la CNSD. Les patients qui cotisent à ces mutuelles sont mieux remboursés s’ils se rendent chez un praticien appartenant au réseau. Le protocole (tarifs et plafonds, et autres domaines d’intervention comme la prévention, la parodontie ou l’ODF) est négocié nationalement avec la CNSD qui peut aussi être un recours pour le praticien.

La justice s’en mêle

Tout autre est le fonctionnement des réseaux fermés organisés aujourd’hui par des sociétés d’assurances. « Le contrat est alors imposé au chirurgien-dentiste qui adhère. Il peut être modifié à tout moment par l’assureur. L’objectif des assureurs est d’avoir un nombre limité de praticiens dans chaque territoire. En cas de problème, ces derniers n’ont aucun recours », explique la présidente de la CNSD qui s’oppose à ce type de contrat individuel.

Le protocole MGEN a fonctionné pendant de nombreuses années. Mais le 18 mars 2010, la Cour de cassation a donné gain de cause à un cotisant à la mutuelle qui l’avait attaqué en arguant du fait que le Code de la mutualité ne permet pas de remboursements différenciés pour une même cotisation. Depuis, la MGEN souhaite être sur un pied d’égalité avec les assureurs qui ne sont pas soumis à cette disposition.

Pour en revenir à la proposition de loi, « une annulation ne serait pas une bonne chose », explique Catherine Mojaïsky. « Nous voulons une modification du Code de la mutualité de manière à donner le droit de contractualiser mais nous ne voulons pas la rédaction qui a été faite qui laisse la porte ouverte aux réseaux fermés et qui ne formalise pas une contractualisation collective. »

Opposition totale de la FSDL…

La FSDL, qui est à l’origine de la plainte de l’adhérent à la mutuelle qui a permis la condamnation de la MGEN, s’oppose totalement à la proposition Leroux. Pour le syndicat, la mise en place de réseaux de soins fait perdre au patient la liberté de choix de son praticien et de ses traitements et installe une discrimination entre les patients. De son côté, le praticien perd la liberté de choix de son traitement et des patients ainsi que la liberté de ses honoraires. Et pour manifester son opposition, le syndicat est descendu dans la rue avec les médecins le 2 décembre dernier.

… et de l’UJCD

Pour l’UJCD, les remboursements différenciés sont inégalitaires pour les patients. Mais « le plus gênant, c’est que l’on stigmatise les populations : la partie de la population CMU, la partie ACS (aide à la complémentaire de santé), la partie qui a une mutuelle à 100 %, à 200 %.… On marche sur la tête. Il faudrait au contraire que les assurances maladie obligatoires et complémentaires prennent en charge un panier de biens essentiels au même tarif pour l’ensemble de la population. Et que le chirurgien-dentiste ne se pose pas la question de la facturation de son acte à chaque patient », explique Philippe Denoyelle, président de l’UJCD. Pour marquer symboliquement le décès de la liberté de choisir son praticien, l’UJCD a déposé une couronne de fleurs au pied de la statue de la Liberté (pont de Grenelle à Paris) et sur son stand au congrès de l’ADF.

CCAM : PAS DE REVALORISATIONS SUPPLÉMENTAIRES

Le passage de la NGAP à la CCAM prévu par l’avenant 2 était sur le point d’être finalisé à la mi-décembre dans le cadre d’un troisième avenant. Restaient encore quelques points de discussion. Mais selon la CNSD, le cadre fixé par l’assurance maladie était clair : aucun apport supplémentaire ne serait débloqué par rapport à l’avenant 2 et aucun déremboursement d’acte actuellement remboursable ne serait politiquement acceptable. La FSDL, présente aux négociations, a prévenu qu’elle ne signerait pas l’avenant. L’UJCD, qui avait dénoncé le principe d’un avenant, assiste en « auditeur muet » sauf lorsque des sujets défendus dans la convention de 2006 sont abordés comme la prévention des femmes enceintes et la revalorisation du C.

APPLICATION DU NOUVEAU DEVIS ?

Le nouveau devis ne sera applicable dans les cabinets libéraux que lorsqu’il le sera aussi dans les centres de santé. La CNSD et la FSDL sont formelles. Il ne devrait donc pas y avoir de visite de la Direction de la concurrence dans les cabinets sur ce point, tant que le devis ne s’applique pas à tous – et non pas dès 2013.

Dans le cas des cabinets libéraux, le texte acté dans l’avenant 2 sera celui applicable, indique la CNSD. Des ajustements sont encore nécessaires dans le cas de sociétés d’exercice, d’exercice salarié ou lorsque le laboratoire de prothèses fait partie intégrante du cabinet. Mais pour le syndicat, ces modalités particulières, de même que des aménagements proposés par les autres syndicats, peuvent être introduits dans le cadre de la Commission paritaire nationale (CPN).