La privatisation de l’enseignement, avenir de la médecine ? - Clinic n° 02 du 01/02/2013
 

Clinic n° 02 du 01/02/2013

 

DE BOUCHE À OREILLE

Frédéric BESSE  

« À vendre diplôme chir. dent. État neuf. Prix élevé mais rendement exceptionnel. Valable dans toute l’UE. Possibilité de faire les trois dernières années au Brésil. Contact : Univ. Fernando Pessoa, Port. »

Ainsi pourrait s’intituler l’annonce de recrutement de cette université privée ayant ouvert des locaux à Toulon et proposant des diplômes de chirurgien-dentiste et de pharmacien (dans le domaine médical). Évidemment, la profession se retrouve, unie pour une...


« À vendre diplôme chir. dent. État neuf. Prix élevé mais rendement exceptionnel. Valable dans toute l’UE. Possibilité de faire les trois dernières années au Brésil. Contact : Univ. Fernando Pessoa, Port. »

Ainsi pourrait s’intituler l’annonce de recrutement de cette université privée ayant ouvert des locaux à Toulon et proposant des diplômes de chirurgien-dentiste et de pharmacien (dans le domaine médical). Évidemment, la profession se retrouve, unie pour une fois, vent debout afin de dénoncer un état de fait inadmissible qui… que… dont… etc.

Or, si l’Ordre national, nos syndicats, le ministère de la Santé et celui de l’Enseignement hurlent et gesticulent dans tous les médias, c’est pour une raison simple : personne n’avait prévu l’arrivée de ces sociétés d’enseignement sur notre sol et, surtout, personne ne sait comment les neutraliser !

En effet, tous les arguments des détracteurs de cette initiative peuvent être contrés les uns après les autres : l’université Fernando Pessoa (UFP) n’a pas les accréditations pour délivrer des diplômes en France ? Les trois dernières années sont prévues au Portugal. L’UFP ne délivre pas de diplôme de chirurgien-dentiste ? Elle a pris soin de s’a(coquiner ?) dosser à l’université de Porto qui, elle, délivre des diplômes parfaitement valables de « medicina dentaria ». Les études sont payantes et (relativement) chères ? La belle affaire. Les chanceux se feront payer leurs études par leurs parents, les autres pourront emprunter, d’autant plus facilement qu’il n’y a pas l’obstacle… du concours de PCEM (premier cycle d’études médicales). Et le retour sur investissement sera rapide et garanti : un jeune bosseur qui viendra s’installer dans le Périgord, où dans n’importe quelle zone sous-dotée, aura la certitude de rembourser sa dette en deux années maximum.

L’État va peut-être taper du pied, menacer et faire les gros yeux, mais cela serait étonnant que sa réaction aboutisse à autre chose qu’à une… norme pour l’installation des futures universités privées. En effet, regardons les choses en face, ce processus de privatisation, qu’il n’aurait pas osé enclencher, est tout bénéfice pour lui : plus besoin d’investir dans des formations coûteuses, la possibilité d’exiger des conditions d’enseignement dignes du XXIe siècle sans se tirer une balle dans le pied et un remède à la désertification médicale. Le seul vrai problème vient du contournement du numerus clausus, effectivement inadmissible et inacceptable vis-à-vis de tous ceux qui ont sacrifié une ou deux années pour préparer le concours.

Le ballon d’essai (à Toulon, ville de notre confrère Jérôme Gallion, l’expression s’imposait) de l’UFP ne sera peut-être pas transformé, mais d’autres suivront.

Parions que toutes les formations privées qui s’installeront sur notre sol dans les années à venir auront trouvé un moyen légal de se justifier. Car après tout, quelle différence entre commencer des études en France et les terminer au Portugal ou en Espagne, ou les faire entièrement dans ces pays, où elles sont privées depuis longtemps ?