Exclusivement féminin - Clinic n° 03 du 01/03/2013
 

Clinic n° 03 du 01/03/2013

 

ÉQUIPE ET ESPACE

CATHERINE FAYE  

S’il pleut beaucoup à Brest, il existe un cabinet dentaire où luminosité, couleur et gaieté dominent. Un espace où trois omnipraticiennes et autant d’assistantes reçoivent leurs patients dans un esprit de bien-être, d’ouverture et de bienveillance.

Rose indien, vert anis, bleu indigo, mandarine. Dès que l’on pousse la porte du cabinet des trois praticiennes bretonnes, la couleur des murs et l’atmosphère vivante et chaleureuse contrastent franchement avec la météo extérieure. L’accueil n’y est pas un vain mot. « Notre cabinet est à la disposition de nos patients, ouvert non-stop toute la journée du lundi au vendredi, le samedi matin, et ce toute l’année. Une urgence dentaire ne doit pas être un problème et chacun doit pouvoir se faire soigner quand il en a besoin et quand il le peut », affirme Véronique Cochet, chirurgien-dentiste, celle par qui tout est arrivé…

C’était il y a 20 ans. Avec sa meilleure amie, Pascale Cloastre, les jeunes diplômées décident de partager une salle de soins, avec un fauteuil pour deux, au sein d’un cabinet médical où exercent des médecins généralistes et une infirmière. L’idée ? Travailler ensemble, chacune à mi-temps (3 jours par semaine). « C’était très intéressant de soigner nos patients à côté d’autres professionnels de santé, raconte-t-elle. Cette organisation nous permettait de rester indépendantes, d’élever nos jeunes enfants, de partager les frais. » Mais au bout de 2 ans, la patientèle augmentant, un fauteuil ne suffisait plus. Les deux associées se mettent alors en quête d’un nouveau local, plus grand.

C’est dans la même rue, non sans difficultés, qu’elles trouvent un appartement à réagencer. « Nous ne voulions pas nous éloigner pour ne pas perdre notre patientèle. À Brest, il y a beaucoup de chirurgiens-dentistes… » Les 145 m2 les séduisent, mais il va falloir casser et entreprendre d’importants travaux. C’est un maître d’œuvre qui s’en charge, de A à Z. Au final, trois salles de soins pour qu’une troisième collaboratrice puisse les rejoindre : deux grandes salles de soins calmes, orientées au sud « pour les frileuses » et dont les fenêtres plongent sur un jardin arboré, et une troisième, occupée aujourd’hui par Véronique, côté rue. Une rue où, depuis peu, passe le nouveau tramway de Brest. « Depuis, le quartier a rajeuni. Soixante-dix pour cent de nos patients ont entre 35 et 60 ans alors qu’autrefois ils étaient beaucoup plus âgés. »

Toujours ensemble

Le choix de ce nouveau cabinet permet donc aux deux praticiennes de s’agrandir, mais également d’en intégrer une troisième. Constitué dans un premier temps en société civile de moyens (SCM), en 2003, le cabinet devient une société d’exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL). « Dans notre profession, nous pouvons être remplacé pendant 3 mois au maximum avec l’accord du Conseil de l’Ordre, mais Pascale, ma première associée, voulait prendre un congé sabbatique. On a profité de l’arrivée d’Emmanuelle Thierry, la troisième associée, pour effectuer ce changement. »

En effet, c’est après un remplacement d’été, en 2002, que la nouvelle association s’amorce. « J’ai accepté sans réfléchir, ça se passait bien », se souvient Emmanuelle. « Il y a dans ce cabinet une grande qualité de travail. » Quelques années plus tard, Pascale part s’installer en Suisse. Pour la remplacer, Élisabeth Lacroix­Le Meur rejoint l’équipe. Une équipe où les assistantes, Nathalie, Carole et Anne, ont des rôles déterminants. Toutes sont polyvalentes et peuvent travailler avec les trois praticiennes, sur n’importe quel fauteuil. « Elles sont toujours deux au cabinet, se répartissent les tâches, ça tourne. Et puis, elles mettent de l’ambiance », assurent les praticiennes. C’est grâce à la Maison dentaire de Brest que les rencontres se font : « Tout y est centralisé, notamment les offres et les demandes, c’est très confortable. »

Si chaque praticienne a sa patientèle, chacune est interchangeable, si nécessaire. « C’est un avantage. De plus, nos confrères nous adressent leurs patients, notamment pendant leurs congés. On gère les urgences et les patients retournent chez leur chirurgien-dentiste à qui nous adressons un fax avec un récapitulatif des soins prodigués. » Toutes les salles de soins sont organisées de la même façon, cela permet aux praticiennes de soigner un patient dans n’importe laquelle, avec un système informatique en réseau. Étant toutes diplômées de la faculté d’odontologie de Brest, elles ont suivi la même formation et ont la même gestuelle. Seuls les fauteuils diffèrent : Planmeca, Adec et Fimett. Et les couleurs bien sûr. Vert pour Élisabeth, lilas pour Véronique, rose fuchsia et vert anis pour Emmanuelle.

« Notre souhait était que notre cabinet soit coloré, au même titre que nos blouses, mais au début on n’imaginait pas que les couleurs seraient aussi vives », se souvient Emmanuelle. Les murs sont repeints en 2005, le blanc cassé est remplacé par des couleurs flashy, inspirées des pigments indiens, sur les conseils d’une coloriste belge, Véronique Van Achter ; le sol en lino moucheté est remplacé par du sol en PVC stratifié, plus chaud. « Quand les premiers patients ont vu ces couleurs, ils se sont tout de suite exclamés : ça fait du bien, on n’a pas l’impression de rentrer dans un cabinet médical » raconte Carole, l’assistante.

Cap sur les autres

Les trois gérantes à parts égales ont chacune un rôle attribué : comptabilité pour Véronique, commandes pour Élisabeth, gestion du personnel pour Emmanuelle. « On est dans la même optique d’un cabinet ouvert pendant les heures de fermeture habituelles et pendant les vacances, et puis, nous sommes toutes des mamans qui peuvent se remplacer mutuellement en cas de besoin. » Le cabinet ne fonctionne pas dans un esprit de business : la vie privée peut y entrer quand cela est important.

Pour Véronique, tout comme pour Elisabeth, transmettre est essentiel. « Beaucoup de gens sont dans l’angoisse, là, il y a un manque, » développe-t-elle. « Avec l’UFSBD, Élisabeth fait des séances d’éducation dans les écoles du finistère nord, en classe de CP. Peu d’hommes se déplacent pour faire de l’éducation ; les femmes ne sont pas plus disponibles, mais se rendent disponibles… », dit-elle. Véronique a donné des cours pendant dix ans à l’école de formation des assistantes dentaires. Enfin, toute l’équipe est syndiquée, suit des formations régulièrement et se tient informée de l’évolution de la profession. « C’est important de ne pas se scléroser, de rester ouvertes, de sortir, d’aller vers les autres et de ne pas rester axées sur le cabinet », soutient Véronique. Et puis, surtout, changer l’idée que se font les gens du chirurgien-dentiste et de cette image qui lui colle à la peau.

Il y a, dans le cabinet, un esprit ouvert sur une approche plus humaniste. « Nous ne tenons pas à être dans du professionnel pur, il faut faire entrer dans notre métier quelque chose qui fasse sortir du cabinet dentaire stricto sensu. Nous travaillons dans un petit espace avec des patients qui appréhendent souvent les soins », explique Emmanuelle qui suit une formation d’hypnose dans le cadre de la chirurgie dentaire et une autre, en médecine japonaise. Son objectif ? Comprendre, accompagner et aider les patients à être plus détendus. « La façon de parler, d’aborder un sujet, d’attirer l’attention d’un patient sur une image, une idée qui le détend, est essentielle. Si le patient se dit d’emblée : “Elle va me faire mal”, une mise en sommeil par rapport à l’idée qu’il se fait de l’acte permet d’éloigner l’idée de la douleur. »

Voir plus loin que les dents

Intégrer le plaisir des gens en les accompagnant dans un souvenir, un échange, c’est parfois la clé. Il y a aussi un certain langage à ne pas utiliser. Si le patient a peur, le praticien a le pouvoir pour neutraliser cela, par des mots, une façon de se mouvoir, d’être avec l’autre. « Ce n’est pas naturel de se faire soigner les dents », reconnaît Véronique. « Et il arrive que nous aussi dégagions quelque chose de stressant : tout le monde peut transmettre de mauvais messages. À nous d’agir là-dessus. C’est un bénéfice pour les deux et au quotidien. »

Cette ambiance détendue attire beaucoup de patientes avec leurs enfants. « J’aime que les patients viennent avec plaisir. Ce n’est pas le soin qui est intéressant avec l’enfant, c’est le rapport humain », insiste Emmanuelle. La bonne solidarité féminine confère au cabinet une atmosphère particulière, douce. L’attitude dans la vie de chacune aussi… De fait, Véronique est également bénévole en soins palliatifs : « On y apprend d’abord à gérer nos émotions avant de gérer l’autre. Ainsi, pour soigner un enfant énervé, il faut prendre le temps avant d’entrer dans sa sphère buccale. Soigner dans une bouche peut demander beaucoup de patience. » Une approche globale de la personne qui donne du sens au soin, au comportement, à la gestuelle. « On fait la patientèle à notre image », conclut-elle.

ON AIME

Le dépouillement de la salle de soins d’Emmanuelle avec des meubles vert anis faits sur mesure par un menuisier-cuisiniste, avec des plateaux coulissants. Des surfaces vides, épurées, et, aux murs, deux affiches dynamisantes de tableaux de Wallasse Ting avec fleurs et éléphants.