Loi et propagande
 

Clinic n° 03 du 01/03/2013

 

ÉTHIQUE

Guillaume SAVARD  

Chirurgien-dentiste, titulaire d’une maîtrise de philosophie
et d’un master d’éthique médicale et biologique

Dans la proposition de loi concernant l’article L. 112­1 du Code de la mutualité, il ne faut pas moins de 7 paragraphes d’introduction pour justifier ces 2 lignes : « Les mutuelles ou unions peuvent toutefois instaurer des différences dans le niveau des prestations lorsque l’assuré choisit de recourir à un professionnel de santé, un établissement de santé ou un service de santé membre d’un réseau de soins ou avec lequel les mutuelles, unions ou fédérations...


Dans la proposition de loi concernant l’article L. 112­1 du Code de la mutualité, il ne faut pas moins de 7 paragraphes d’introduction pour justifier ces 2 lignes : « Les mutuelles ou unions peuvent toutefois instaurer des différences dans le niveau des prestations lorsque l’assuré choisit de recourir à un professionnel de santé, un établissement de santé ou un service de santé membre d’un réseau de soins ou avec lequel les mutuelles, unions ou fédérations ont conclu un contrat comportant des obligations en matière d’offre de soins. »

En voici le condensé : « Les difficultés d’accès aux soins constituent l’une des inégalités les plus insupportables. […] Elles génèrent des situations dramatiques pour les personnes, mais également, […] des coûts pour la collectivité. […] Ces renoncements concernent en premier lieu les soins dentaires et optiques […]. Car si le système de santé français repose sur l’Assurance maladie obligatoire garante de la solidarité nationale, les organismes complémentaires y jouent un rôle majeur et croissant. […] La présente proposition de loi a pour objet de permettre aux mutuelles de jouer pleinement leur rôle de régulateur du secteur en leur donnant la possibilité d’être des acteurs de la négociation entre l’offre et la demande de soins. […] D’autre part, ce dispositif a pour objectif d’améliorer la qualité de l’offre à travers les engagements pris par les professionnels de santé au sein des réseaux ainsi constitués. L’enjeu de cette proposition de loi est donc de faciliter l’accès à des soins de qualité pour le plus grand nombre. »

Le privé : unique financeur ?

MGEN en tête, dont on se souvient qu’elle avait finalement perdu son procès contre un patient qui demandait à percevoir la même somme bien qu’il ne soit pas allé voir un chirurgien-dentiste signataire, les mutuelles reviennent à la charge. Si les termes sont grandioses et les mots valises tous présents, la profession n’a pas tardé à réagir. D’autant qu’en matière d’opacité, lesdites mutuelles n’ont toujours pas obligation de publier leurs frais de gestion (la date a été repoussée par l’actuel gouvernement). L’enjeu réel : faire pression sur le montant des honoraires en devenant l’unique financeur. Jusqu’à il y a peu, les soins dentaires étaient financés pour un tiers par l’Assurance maladie, un tiers par les mutuelles et un tiers directement par les patients. Le pouvoir est encore partagé. L’objectif est de laisser la part obligatoire aux régimes complémentaires, en en faisant ainsi l’unique interlocuteur.

Il ne restera que deux solutions. Et il convient d’y sensibiliser les principaux intéressés : les patients. Car nous nous dirigeons vers un système « à l’américaine » avec des chirurgiens-dentistes sous contrat (ne parlons pas de réseau, le terme est trop beau pour une basse opération financière), approvisionnés en patientèle seulement soucieuse du moins cher, et des chirurgiens-dentistes libres qui devront se démarquer par la qualité de leurs soins et de leur structure. À chacun sa morale, mais l’éthique oblige à ne pas rogner sur la qualité de soins. Une seule conclusion s’impose : aimez votre métier, ne signez aucun accord, expliquez pourquoi aux patients et améliorez votre pratique chaque jour.

Vous savez quoi ? Toutes ces idées sont absurdes. Nous avons plus de chirurgiens-dentistes par habitant en France que dans beaucoup d’autres pays européens comparables. Ce dont nous avons vraiment besoin, c’est de nous libérer de toute cette charge de travail qui revient normalement aux hygiénistes. Ce dont nous avons besoin, également, c’est d’une authentique révision de la nomenclature : nos soins conservateurs sont les moins chers d’Europe pour ainsi dire. Eh non ! nous ne surfacturons pas notre prothèse car elle est d’un montant comparable à ce qui se pratique en Angleterre ou en Allemagne. Finalement tout ça est peut-être une chance.