Optimiser l’état de surface et le rendu esthétique des résines composites - Clinic n° 04 du 01/04/2013
 

Clinic n° 04 du 01/04/2013

 

DENTISTERIE RESTAURATRICE

Vincent JEANNIN  

DCD
Clinique les Dentelles
24, allée Ambroise-Croizat
84100 Orange

Les restaurations antérieures directes en résine composite font appel aujourd’hui au concept de biomimétisme. En effet, elles doivent reproduire les caractéristiques optiques, physiques et structurelles de la dent naturelle.

Le but de cet article est d’illustrer les différentes étapes nécessaires afin d’obtenir un résultat esthétique optimal, tout en utilisant une technique opératoire simple.

Définitions

Avant tout, il convient de clarifier quelques termes concernant l’anatomie dentaire au niveau de sa surface.

• Angles de transition : convexités situées en mésial et en distal délimitant la face vestibulaire et proximale d’une dent. C’est la ligne où la réflexion de la lumière est la plus forte.

• Macrogéographie : elle représente toute variation de surface de grande taille et facilement visible à l’œil nu. Elle comprend la forme globale de la dent, le contour du bord incisif, les convexités (lobes vestibulaires, angles de transition) et les concavités. Elle correspond en fait à l’anatomie de la dent dans le sens vertical. Elle est constituée de lobes, de sillons et de fosses présents à la surface, résidus de la fusion embryonnaire des lobes.

• Microgéographie : elle représente les lignes horizontales et/ou verticales (périkymaties, vestiges des stries de croissance) ainsi que les rayures et différents microdéfauts (dépressions, rainures, imperfections) de la surface de la dent. Elle correspond à la texture de surface de la dent.

Analyse préliminaire

Il convient :

• de poser l’indication du matériau (volume à restaurer, restauration directe ou indirecte, résine composite ou céramique) ;

• d’analyser l’occlusion (statique et dynamique) et les parafonctions éventuelles (fig. 1) ;

• de prendre des photographies numériques, indispensables pour analyser la couleur, la profondeur, les volumes et les caractéristiques de surface des dents. Le protocole est le suivant :

– 3 incidences de face (haute, moyenne, basse),

– trois quarts profil droit et gauche,

– vue palatine,

– noir et blanc ;

• de déterminer la luminosité de la dent ;

• de déterminer la couleur par l’établissement de la carte chromatique de la dent en parcourant, dans l’ordre, les 3 régions suivantes :

– cervicale (dentine et teinte de base A, B, C, D, saturation décroissante du centre de la dent vers la surface),

– médiane (émail, degré de saturation dentine, luminosité – en fonction de l’âge),

– incisale (translucidité, opalescence, effets, lobes) ;

• de réaliser une clé en silicone. Elle est faite sur un wax-up issu d’une empreinte préliminaire ou directement en bouche sur la dent naturelle (si la forme est correcte) ou sur un mock-up composite monté sur la dent à restaurer, mais non collé. L’intérêt de cette clé en silicone est d’obtenir une restauration d’emblée satisfaisante quant à sa forme, son contour et son intégration fonctionnelle (fig.4 et 5).

Étude des volumes

Cette méthode rationnelle est utilisée depuis longtemps par nos céramistes. Elle peut tout à fait être appliquée au composite. Elle est réalisée en bouche ou sur modèle. Nous savons que la forme et l’état de surface influencent encore plus le rendu esthétique que la couleur elle-même. Il convient donc d’attacher beaucoup d’attention à cette étape (fig. 2 et 3).

La méthode consiste, à l’aide de crayons de couleur, à mettre en évidence :

• la ligne de plus grand contour de la dent ;

• le profil d’émergence et le bombé cervical ;

• l’axe de la dent ;

• les angles de transition +++ ;

• l’anatomie palatine et vestibulaire des lobes, des cuspides et des fosses.

Son intérêt réside dans le fait de monter le composite avec un volume et une forme corrects d’emblée. De cette manière, on minimise les retouches à faire à la fraise.

Préparation

La forme de la préparation est très importante pour l’intégration biomécanique et esthétique de la restauration.

Différentes techniques ont été proposées pour masquer le trait de fracture :

• un biseau long (1,5-2 mm) à 45° ;

• un chanfrein court ;

• un congé périphérique à angle interne arrondi +++.

Procédure d’adhésion

Après la mise en place du champ opératoire (digue), un adhésif de type MR2 est à privilégier pour ce genre de restauration (fig. 6 et 7) :

• mordancer sélectivement l’émail (30 secondes) et la dentine (15 secondes) ;

• rincer et sécher ;

• sécher sans déshydrater la dentine ;

• appliquer une fine couche d’adhésif ;

• polymériser pendant 10 secondes.

Stratification

Le but de la stratification est de :

• reproduire le naturel (mimétisme) ;

• privilégier la circulation de la lumière ;

• utiliser une méthodologie opératoire qui permette d’obtenir des résultats prévisibles et reproductibles.

Pour obtenir ce mimétisme, il est nécessaire d’utiliser deux masses :

• l’une avec les caractéristiques de translucidité de l’émail ;

• l’autre plus opaque et saturée comme la dentine.

Les deux masses sont montées en couches successives, d’où le concept de stratification. Celle-ci reproduit l’architecture intérieure d’une dent. Ce concept est spécifique à chaque système composite et variable en fonction du nombre de masses disponibles. Nous ne détaillerons, dans cet article, que le concept moderne à 3 couches ou de reconstitution 3D, soit :

émail palatin → dentine (masse d’effet) → émail vestibulaire

Les étapes en sont les suivantes :

• réalisation du mur palatin avec du composite émail translucide en fine épaisseur (fig. 8) ;

• réalisation de la face proximale (fig. 9) :

– elle fixe les lignes de transition et régule la diffusion de la lumière,

– avec une bandelette transparente et un coin ? interdentaire, appliquer du composite émail contre le point de contact (+ opalescent si nécessaire),

– son orientation donne la forme de la dent (triangulaire, ronde ou carrée) ;

• réalisation de la couche de haute diffusion (avec une résine faiblement chargée blanche) : elle sert à recréer la jonction amélo-dentinaire (couche riche en protéines) qui permet la circulation périphérique de la lumière à l’intérieur de la dent ;

• stratification de la dentine (fig. 10) en reproduisant l’architecture interne de la dent (lobes). Une classification du bord libre a été faite par Vanini afin de faciliter son analyse et sa reproduction. La saturation doit être décroissante du collet vers le bord libre : A3,5 ; A3 ; A2… ;

• application de la masse émail vestibulaire de translucidité équivalente à celle utilisée en palatin et de luminosité adaptée, en faible épaisseur pour éviter trop de corrections.

Dégrossissage, finition, polissage, lustrage

Le but est :

• de créer le microrelief et la granulométrie de surface ;

• d’obtenir la brillance de la dent.

Analyse de la dent : forme et géographie

C’est une étape essentielle car elle conditionne l’intégration de la restauration dans le sourire. Les dents voisines peuvent servir de modèle. Les dents antagonistes également.

L’état de surface influence la luminosité. En effet, la réflexion de la lumière sur une surface rugueuse est moins importante que sur une surface lisse. Sur une dent, les brillances maximales correspondent aux zones les plus exposées à l’usure (bombés + angles de transition). Sur une surface rugueuse, le rayon lumineux éclate et se réfléchit moins, donnant un aspect plus mat. Cela concerne les concavités et les dépressions plus protégées par rapport à l’usure et, donc, plus striées.

Il faut appliquer du papier d’occlusion ou la pointe d’un crayon gris sur la face vestibulaire : seules les zones convexes seront colorées, l’état de surface sera ainsi mis en évidence.

Dégrossissage

On crée tout d’abord le relief primaire (macrogéographie), en reproduisant l’anatomie verticale de la surface du composite (convexités, concavités, rainures, méplats, dépressions, lignes de transition). On ajuste ensuite le profil d’émergence (fig. 11).

On utilise :

• des fraises diamantées de granulométrie décroissante (rouge, jaune, blanche) ;

• des disques abrasifs (plus ou moins) ;

• des fraises multilames (Q-Finishers(r), Komet).

Création de la texture de surface (microgéographie)

La microgéographie est plus ou moins marquée en fonction :

• du degré d’usure de la dent ;

• de l’âge du patient ;

• de la croissance dent ;

• des zones convexes et concaves.

(Les stries de croissance disparaissent plus vite au niveau des zones convexes que dans les dépressions et les zones proximales.)

On utilise :

• une fraise flamme diamantée bague jaune appliquée tangentiellement à la surface, et on fait des traits d’une face proximale à l’autre.

• des disques abrasifs (idem).

Finition

On peut ajouter à ce moment-là d’éventuelles imperfections de surface pour reproduire les dents adjacentes.

On retouche enfin le bord incisif, les contre-dépouilles ainsi que la face palatine (fraise flamme et olive).

Polissage, lustrage, glaçage

Le polissage est réalisé avec des meulettes en silicone (Optrapol Next Generation(r), Ivoclar Vivadent) d’une ou deux granulométries différentes. Elles permettent de préserver l’état surface (fig. 12 et 13).

Le glaçage est réalisé avec des brossettes (Astrobrush(r), Ivoclar Vivadent) imprégnées de pâte à polir avec du carbure de silicium (dans le sens horizontal) (fig. 14).

Le lustrage et le brillantage sont réalisés à l’aide d’une feutrine (fig. 15).

Remarque : la pression et le temps d’application de ces instruments donneront une texture brillante, mate ou satinée selon le résultat souhaité.

Conclusion

La reconstruction de l’architecture interne et externe d’une dent à l’aide de matériaux ayant des propriétés optiques et physiques similaires permet à la lumière de circuler dans la restauration comme dans la dent naturelle. Cela conditionne son intégration esthétique. L’extrapolation des techniques de montage de la céramique aux résines composites, notamment le recours à plusieurs masses sur plusieurs couches pour l’obtention d’une seule couleur, permet de réaliser des restaurations biomimétiques en 3 dimensions (fig. 16 à 18).

ATTENTION

Ne pas rabattre le strip transparent pour ne pas écraser la ligne de transition.

ATTENTION

Ne pas surpolir pour ne pas effacer les caractéristiques de surface préalablement faites (notamment avec les disques).

ATTENTION

Il se fait toujours du composite vers la dent. Les faces proximales sont polies à l’aide de bandes abrasives métalliques de granulométrie décroissante (Dia-Strips(r) et Visio-Strips(r), Komet).

ÉVALUEZ-VOUS !

TESTEZ VOS CONNAISSANCES SUITE ¿ LA LECTURE DE CET ARTICLE EN R…PONDANT AUX QUESTIONS SUIVANTES :

1 La réflexion de la lumière sur une surface lisse est-elle :

a. moins importante que sur une surface rugueuse ;

b. plus importante que sur une surface rugueuse.

2 Les bandelettes transparentes interdentaires doivent-elles être rabattues sur le composite au moment de la polymérisation ?

a. oui ;

b. non.

3 Le polissage doit-il se faire :

a. du composite vers la dent ;

b. de la dent vers le composite.

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