La technique existe mais n’est pas utilisée - Clinic n° 10 du 01/11/2015
 

Clinic n° 10 du 01/11/2015

 

De bouche à oreille

Frédéric BESSE  

frbesse@hotmail.fr

Cette période pluvieuse qui voit les jours raccourcir et les feuilles rougir annonce un événement important : l’ADF. Pendant cette grand-messe de la consommation, des milliers de chirurgiens-dentistes croiseront des centaines de vendeurs qui leur proposeront des matériels… mais quels matériels ? Car ces 30 dernières années n’ont vu que deux sauts technologiques majeurs : la rotation continue et le collage.

Nous utilisons en effet en 2015 les mêmes techniques que celles...


Cette période pluvieuse qui voit les jours raccourcir et les feuilles rougir annonce un événement important : l’ADF. Pendant cette grand-messe de la consommation, des milliers de chirurgiens-dentistes croiseront des centaines de vendeurs qui leur proposeront des matériels… mais quels matériels ? Car ces 30 dernières années n’ont vu que deux sauts technologiques majeurs : la rotation continue et le collage.

Nous utilisons en effet en 2015 les mêmes techniques que celles des années 1970 : depuis 30 ans, je réalise toujours les obturations endodontiques à l’aide d’un ciment eugénol et oxyde de zinc, puis j’y condense des cônes de gutta-percha en espérant avoir une obturation qui s’arrête bien à l’apex, qui ne dépasse pas et qui soit bien étanche. En 2015, on devrait disposer d’un ciment biocompatible qui obture seul les canaux, étanche et suffisamment tendre pour que les reprises de traitement soient faciles. La technique existe (MTA ?), sans doute reste-t-il à l’appliquer.

Pour des raisons liées à une nomenclature obsolète, je réalise des inlay-cores et des couronnes pour traiter, je n’ose dire soigner, des dents fortement délabrées et dévitalisées. En 2015, on devrait pouvoir réaliser des onlays, des couronnes inlays, des couronnes trois quarts en céramique pure usinée, permettant la plus grande préservation de tissu dentaire… et la meilleure intégration parodontale. La technique existe, il suffirait juste que notre nomenclature nous autorise à nous en servir.

Sur une dent vitale très délabrée, je réalise des inlays ou des onlays. J’enregistre alors une empreinte à l’aide d’un produit violet, amer et visqueux que j’utilisais à l’université il y a… tant d’années déjà. En 2015, on devrait pouvoir prendre une photo de la préparation, fabriquer la pièce dans le cabinet par une technique 3D et la poser. La technique existe, mais les perspectives commerciales sont tellement alléchantes, la foire d’empoigne entre les fabricants tellement stérile et contre-productive que nous ne savons pas quel matériel choisir.

Tous les dentistes du monde se sont cassé le dos, abîmé la vue, détruit les oreilles à exercer ce métier. En 2015, on devrait pouvoir travailler assis à côté du patient, confortablement installé dans un siège anatomique, en regardant sa bouche sur un écran géant et en manipulant des joysticks commandant les instruments de soin au bout d’un bras robotique. La technique existe, il suffirait que les fabricants veuillent bien se pencher sur ce problème pour nous aider.

Et d’autres lacunes, en vrac : des implants esthétiques, une prévention fiable et rapide, des protocoles de parodontologie rapides, simples, efficaces, etc.

Alors, messieurs les fournisseurs qui nous proposez des améliorations cosmétiques sur des produits et des instruments que nous utilisons déjà, imaginez plutôt des innovations qui nous fassent gagner du temps, améliorent le service rendu aux patients et diminuent nos coûts de production !