Dentisterie adhésive et esthétique - Clinic n° 01 du 01/01/2016
 

Clinic n° 01 du 01/01/2016

 

CIDAE 2015

Kods MAHDHAOUI*   Élisa WORTHALTER**  


*Chirurgien-dentiste
**Chirurgien-dentiste

Les 11 et 12 décembre 2015, direction le Mont des Arts, à Bruxelles, pour la nouvelle biennale de la CIDAE, la conférence internationale de dentisterie adhésive et esthétique. Après trois éditions couronnées de succès, la formule reste la même. Elle réunit de nouveau les ténors de la dentisterie adhésive et esthétique venus des quatre coins du monde pour présenter leurs travaux. Alain Perceval et son équipe, au cœur de ce rendez-vous international, sont parvenus à réunir plus de 900 participants venus de 14 pays différents. Alternance de didactisme, de pédagogie et avec leur dimension spectaculaire, les présentations de la CIDAE incarnent ce juste équilibre entre la formation et la passion du métier avec, toujours, le souci de l’excellence.

Les compétences fondamentales dans le domaine de la communication digitale dans le cadre d’une dentisterie a minima

Galip GÜREL Galip Gürel est diplômé de l’université d’Istanbul, il est le président de l’Académie de dentisterie esthétique de son pays.

Il présente le visagism (en anglais), ou visagisme, un concept qui, au-delà de l’esthétique, intègre les données psychologiques du patient, ses émotions, son identité. D’abord créé dans le domaine artistique par Philip Hallawell, le visagisme s’enrichit de l’approche morphopsychologie du psychologue et médecin psychiatre Carl Jung qui décrit des archétypes et formes géométriques : le visage est carré, triangulaire, circulaire ou ovale et est perçu de manière inconsciente par l’observateur qui lui attribue une personnalité.

Pour illustrer ce concept, le Dr Gürel prend d’abord l’exemple d’un de ses patients : le chanteur Tarkan. En 1996, il avait pour doléance la fermeture de son diastème antérieur. Après traitement, quelques années plus tard, il n’est plus content de son sourire. Le traitement sera repris à nouveau mais Tarkan consulte en 2006, expliquant : « Mes dents sont bien mais je ne pense pas que cela me ressemble. » Initié deux ans plus tôt au concept du visagisme par le Dr Braulio Paolucci, le Dr Gürel l’applique pour la troisième réalisation. Tarkan déclarera alors, après trois conceptions différentes : « Voilà, c’est comme ça que je veux être. »

Le Dr Gürel comprend alors qu’un patient peut être « content » du traitement qui restitue son sourire, mais que le clinicien peut aller plus loin que la « simple satisfaction du patient ». Lui-même recherche le « wahou effect » chez ses patients. Il explique que l’on peut affiner l’adéquation de la réponse à la doléance du patient : l’aider à se retrouver tel qu’il aurait aimé que la nature lui donne son sourire ou l’aider à retrouver son sourire d’origine.

Le Dr Gürel va plus loin en définissant le visagismile qui n’est autre que l’application du visagisme au concept du sourire. Il est intéressant de conceptualiser le sourire pour restituer au patient celui qui est en harmonie avec son identité propre. Le sourire n’est pas un alignement de conceptions prothétiques dentaires mais bel et bien la retranscription d’une émotion. L’innovation de ce concept vient de la mise en place d’un protocole personnalisé.

La conception du sourire selon le concept du visagisme comporte 3 étapes clés. Un logiciel a été créé pour faciliter l’application du concept. Très simplement, le site Internet www.visagismile.com explique la démarche à suivre. Le Dr Gürel la présente :

• étape 1 – analyse géométrique du visage. Dessiner le contour du visage, des yeux, des sourcils, de la bouche et du menton. Par la forme de ces cinq structures, le patient rentre dans une classification en fonction de certains pourcentages ;

• étape 2 – questionnaire pour le patient. Test psychologique qui détermine la personnalité du patient (sévère, dynamique, sensible ou calme) ;

• étape 3 – choix du patient pour certains détails (forme des embrasures, teinte, etc.).

Ces trois étapes permettent de prévisualiser le sourire digital du patient.

L’analyse du sourire comprend aussi :

• la projection de l’incisive centrale ;

• l’axe des dents.

On peut analyser la dominance des incisives centrales, mais ce troisième point a moins d’influence dans la conceptualisation du sourire par rapport aux deux premiers (suivant les questionnaires qui ont été faits auprès d’autres dentistes).

Ce sourire est transféré sur la photo du patient à l’échelle du sourire. Le mock-up peut être réalisé en technique composite directe grâce aux informations recueillies. Les vidéos réalisées sont montrées au patient qui livrera ses premières réactions sur le traitement. Une fois la conception validée, l’empreinte du mock-up est prise par procédé CFAO. Le Dr Gürel rappelle que lorsqu’il essaiera le mock-up final en bouche, il réalisera une injection anesthésique intra-osseuse palatine permettant de ne pas anesthésier les tissus mous environnants (notamment les lèvres) car cela fausserait la prévisualisation du sourire. Aussi déconseille-t-il fortement les miroirs comme outil de prévisualisation car il rappelle que bien souvent, le patient adoptera des mimiques figées et pourra être déconcentré par un autre élément de son visage.

Sources : Paolucci B, Calamita M, Coachman C, Gürel G, Shayder A, Hallawell P. Visagism : the art of dental composition. Quintessence Dent Technol 2012;35:187-200.

L’optimisation esthétique de l’environnement implantaire

Éric VAN DOOREN Le Dr Éric Van Dooren est diplômé de l’université de Belgique. Il est membre actif de l’Académie européenne de dentisterie esthétique et est spécialisé dans le domaine de l’implantologie et de la chirurgie parodontale esthétique. Il est considéré comme leader d’opinion dans son domaine. Le Dr Éric Van Dooren présente son approche permettant l’optimisation esthétique de l’environnement implantaire.

Il commence en rappelant la définition du PES (pink esthetical score) [1] qui évalue la réussite de l’intégration esthétique d’une prothèse implanto-portée suivant les 7 critères suivants :

• la papille mésiale ;

• la papille distale ;

• la hauteur du contour gingival ;

• la forme du contour gingival ;

• la position du zénith ;

• la texture gingivale ;

• la couleur des tissus mous.

La réussite esthétique d’une prothèse implanto-portée est également liée à la prévisualisation du résultat final via l’utilisation du digital smile design et aux techniques chirurgicales implantaires utilisées. Le Dr Van Dooren rappelle la corrélation entre l’aménagement d’un bord marginal osseux satisfaisant et le maintien d’un bord marginal de tissus mous péri-implantaires. Il présente plusieurs cas cliniques pour illustrer un nouveau design d’implant en accord avec ces principes. Il présente les trois raisons justifiant le choix d’un nouveau design de forme triangulaire :

• gain significatif de volume osseux par rapport à la forme cylindrique ;

• limite de la compression de l’os cortical par rapport à la forme cylindrique ;

• stabilité primaire assurée par les trois points d’ancrage (trois sommets du triangle) sans différence observée par rapport à la forme cylindrique.

La conception implantaire et supra-implantaire ?faciliterait l’intégration esthétique, par :

• la couleur jaune du col de l’implant qui permet d’éviter la coloration grise des tissus mous péri-implantaires ;

• la forme concave qui facilite la gestion esthétique des bords marginaux osseux et gingivaux afin d’optimiser le profil d’émergence.

Le Dr Van Dooren insiste aussi sur les éléments qu’il considère être les bases de la chirurgie implantaire dans le secteur antérieur :

• le recours à une prévisualisation, par exemple l’utilisation du digital smile design avant toute extraction, reste un préalable à la chirurgie implantaire dans le secteur antérieur ;

• la chirurgie guidée est de plus en plus utilisée car elle offre plus de précision par rapport à la chirurgie implantaire conventionnelle d’après l’étude de Vercruyssen [2]. L’analyse préalable du cone beam reste incontournable ;

• l’aménagement des tissus mous parodontaux est facilité par une technique dite flapless ou « sans lambeaux » pour des greffes de tissu conjonctif enfoui dans le secteur antérieur. Il cite l’étude du Dr Nozawa [3] qui montre la corrélation entre la hauteur et la largeur des tissus mous et la stabilité à long terme du profil d’émergence, insistant ainsi sur l’indication des procédures d’augmentation de tissus péri-implantaires ;

• le profil d’émergence peut être enregistré avant l’extraction de la dent. Une empreinte pré-extractionnelle est réalisée puis la dent extraite est repositionnée dans l’empreinte.

La coulée de l’empreinte permettra d’enregistrer le profil d’émergence naturel de la dent et facilitera la réalisation esthétique de la prothèse implanto-portée ;

• le pilier implantaire est un pilier hybride qui comporte une partie en contact avec l’os (la partie concave) et une partie en contact avec les tissus mous (la partie convexe). La prothèse supra-implantaire pourra être scellée à distance de l’os grâce à cette conception hybride. Le pilier est généralement en zircone et peut être stratifié pour obtenir une fluorescence ;

• l’anesthésie intra-osseuse palatine est également préconisée lors des essais prothétiques supra-implantaires afin de visualiser le futur sourire sans anesthésie des structures fonctionnelles environnantes (lèvres).

Digital smile design

Florin COFAR Florin Cofar est diplômé de l’université de Timisoara, en Roumanie, depuis 2007. Spécialisé dans la dentisterie esthétique interdisciplinaire, il est l’auteur de vidéos parmi les plus célèbres dans le domaine de la communication dentaire.

Le Dr Cofar présente la dentisterie contemporaine de manière artistique. Son concept repose sur ceux de la systématisation de la prévisualisation virtuelle digital smile design et des empreintes optiques par procédé CFAO.

L’innovation vient des méthodes de réalisation des vidéos pour l’évaluation de l’intégration du sourire.

Les avantages de la communication par vidéo sont les suivants :

• d’un point de vue quantitatif, la vidéo offre une quantité d’images beaucoup plus importante que la photographie classique ;

• d’un point de vue qualitatif, elle permet de choisir l’image la plus naturelle :

– le Dr Cofar filme ses patients en train de chanter. Cela permet de capter le naturel des mimiques et l’évaluation précise et reproductible de l’intégration du sourire en harmonie avec les expressions émotionnelles du patient,

– la vidéo traduit le mouvement et la sensibilité de la personne alors que sur une photo, le patient pose et ne sourit pas toujours naturellement. La vidéo permet un lâcher prise et une perte de contrôle du sourire. Elle aide aussi le patient à trouver son nouveau sourire.

Le Dr Cofar propose toute une mise en scène filmique autour de son patient : il le filme en train de découvrir son sourire et capte la surprise retranscrite à l’écran. Cet outil semble être en faveur de l’acceptation du nouveau sourire du patient et améliore son adaptation à ses nouvelles dents.

Ainsi, le digital smile design nous donnait déjà une prévisualisation du sourire du patient. Grâce à l’outil filmique, la prévisualisation passe du digital au vivant : au-delà du sourire, on capte le rire du patient.

Pour Florin Cofar, « un patient ne demande pas à être patient ». Il aurait aimé naturellement avoir le sourire qui lui plaît. Lui proposer alors une nouvelle image et la mettre en valeur renforce son estime de soi et l’aide non seulement à apprécier sa nouvelle image mais aussi à l’intégrer. C’est en cela que le dentiste rend sa consultation vivante.

Lorsque le patient se voit en vidéo, il se retransmet sa propre émotion par empathie via les neurones miroirs : ainsi, en se voyant beau, il se sentira beau.

Les bridges collés cantilever en céramique

Gil TIRLET Aujourd’hui, le bridge collé cantilever (ne prenant appui que sur un pilier dentaire) en céramique fait partie intégrante de l’arsenal thérapeutique du chirurgien-dentiste. Son comportement biomécanique et son intégration esthétique font de ce type de bridge une solution thérapeutique à part entière pour le comblement des édentements unitaires du secteur antérieur. Ces édentements sont souvent causés par des agénésies (de 2,5 à 10 %) ou des traumatismes nécessitant l’extraction d’une dent antérieure.

Nés à partir de l’abstention et de la surveillance des bridges conventionnels fracturés, ils présentent une excellente alternative à la solution implantaire selon plusieurs aspects. Premièrement, le phénomène d’éruption continue antérieure est encore mal connu et peut conduire à une infraposition de la prothèse implanto-portée par rapport au plan occlusal au bout de quelques années. Ensuite, l’espace osseux mésio-distal est parfois insuffisant à cause de la convergence des racines des dents adjacentes. Enfin, il est fréquent que la pose d’un implant nécessite une greffe gingivale et osseuse dans cette zone, entraînant une complication du plan de traitement et une approche plus invasive.

Le bridge collé cantilever est ainsi une solution thérapeutique simple, minimalement invasive et qui ne contre-indique pas la pose ultérieure d’un implant.

Une analyse occlusale préalable est nécessaire afin d’optimiser la longévité de la restauration, ainsi qu’une prise en charge orthodontique pour générer un espace suffisant pour le pontic lorsque l’espace mésio-distal est réduit.

À partir des travaux réalisés par ses prédécesseurs et de son expérience clinique, le Dr Tirlet préconise l’utilisation de céramique renforcée au disilicate de lithium pour ses propriétés esthétiques et son aptitude au collage, ou de la zircone pour ses propriétés mécaniques. L’assemblage sera ensuite réalisé par une colle avec potentiel adhésif après traitement de surface de l’intrados (sablage et application de silane) lorsqu’il s’agit d’une céramique polycristalline, ou par un composite de collage pour les vitrocéramiques.

La planification du traitement commence par l’établissement d’un projet esthétique matérialisé par une cire diagnostic (wax-up) et se décline en deux volets : la préparation parodontale (la pink preparation) et la préparation dentaire (la white preparation). La préparation parodontale consiste à créer un logement gingival concave d’environ 2 mm de profondeur permettant de simuler un ancrage dentaire et de reproduire une émergence des papilles mésiales et distales. Le logement est obtenu à l’aide d’un laser de faible puissance (maximum : 2 W) et la cicatrisation du tissu est guidée par une sphère de composite fluide de forme convexe, soutenue par une gouttière thermoformée. La préparation dentaire est ensuite réalisée en répondant aux impératifs de préservation tissulaire (épaisseur palatine de 0,6 mm), aux principes de résistance mécanique (déportation du macropuits en distal, axe d’insertion oblique) et esthétique (corniche coronaire sous le niveau d’opalescence du bord libre). Une clé de collage en composite peut être fabriquée par le prothésiste et jouer le rôle de guide de positionnement du bridge au moment de l’assemblage. Elle permet de contrecarrer l’effet rebond de la digue au niveau du logement parodontal et facilite l’élimination des excès de colle par ses fenestrations.

Réhabilitation du sourire : le skyn concept

Paolo KANO Paolo Kano, initialement prothésiste, puis chirurgien-dentiste spécialisé en implantologie et en esthétique, crée le Paolo Kano Institute pour développer son approche de la réhabilitation du sourire. Aujourd’hui il nous présente le skyn concept.

Ce concept réunit plusieurs techniques actuellement maîtrisées comme les mock-up, le dental smile design et la chirurgie guidée, mais il va plus loin en affinant la personnalisation.

La première étape consiste à mesurer directement en bouche la morphologie dentaire : longueur et largeur des incisives centrales, latérales et des ?canines. À partir de ces mesures, Paolo Kano pioche dans une base de modèles préformés aux dimensions variables. En général, il y trouve 5 ou 6 modèles correspondants et fait participer le patient qui choisira un modèle qui lui va. Il incite le clinicien à laisser le patient choisir par intuition sa préférence pour telle ou telle forme de dents. Grâce aux facettes préformées de chez Violife mises au point avec Violeta Klaus, il réalise un mock-up direct.

Le mock-up initial est ensuite soumis à une analyse dental smile design pour personnaliser la forme dentaire et prévoir l’aménagement parodontal nécessaire, ce qui aboutit à la réalisation d’un mock-up final. Celui-ci peut être imprimé par procédé CFAO et servira également de guide chirurgical pour redéfinir le positionnement des zéniths. Enfin, les préparations dentaires sont réalisées à l’aide des mock-up. Les facettes sur-mesure alors appelées skyns, sont réalisées en technique pressée ou en CFAO.

Approche multidisciplinaire de la minimally invasive dentistry

Victor CLAVIJO Victor Clavijo est diplômé de l’université de São Paulo. Il est l’auteur de plus de 40 articles internationaux et spécialisé dans le domaine de dentisterie restauratrice et implantologie.

Il présente le concept de minimally invasive dentistry en adéquation avec une adaptation esthétique en introduisant les restaurations adhésives en céramique sans préparation. Il rappelle à quel point ce sujet est novateur : peu d’études s’y sont encore penchées. On compte 8 études dans l’équation issue de la recherche « no-prep veneers » sur PubMed. Le Dr Clavijo nous présente alors ses expériences cliniques : réussites ou échecs qui lui ont permis d’améliorer la maîtrise de cette technique encore peu connue.

Rappelons que la difficulté vient du fait que les facettes réalisées ont une épaisseur de 0,3 mm, c’est-à-dire pas plus qu’une lentille de contact. Les difficultés de cette dentisterie à « petite échelle » concernent :

• le collage des facettes ;

• leur axe d’insertion ;

• si besoin les limites de préparation dentaire, alors a minima.

La prévisualisation du sourire via le digital smile design a mis en avant la possibilité d’une conception prepless (sans préparation dentaire) dans une logique de technique additive et conservatrice. Cela est alors mieux pour la dent… mais pas pour le prothésiste : comment réaliser une restauration sans en lire les limites sur la préparation dentaire ? Le Dr Clavijo abord le sujet via plusieurs problématiques cliniques notamment :

• la gestion du joint céramique-dent :

– quels sont les échecs rencontrés en conception prepless ? Au bout de 5 ans, le Dr Clavijo observe sur ses cas cliniques que le défaut se trouve au niveau du joint : coloration, perte d’étanchéité biologique,

– que faire pour éviter ces défauts à moyen et long termes ? Il serait bon de polir le joint tous les ans et de préconiser des restaurations en surcontour plutôt que la préparation d’un chanfrein. La réintervention est plus aisée avec un surcontour (repolissage) alors que le chanfrein engendre à long terme des concavités que l’on a du mal à réparer ;

• la gestion du profil d’émergence :

– elle est abordée, en implantologie et en dentisterie restauratrice dans le secteur antérieur, par la présentation de nouvelles techniques. Trop souvent, les échecs n’incluent pas les critères gingivaux : une limite sous-gingivale peut entraîner une récession gingivale et même si la facette est considérée comme un succès, le parodonte peut contribuer à son échec s’il n’est pas pris en compte dans la conception de la restauration,

– en cas de diastème, le profil d’émergence sera enregistré au moment de l’empreinte avec un cordon rétracteur épais en interproximal, permettant d’éviter le triangle noir.

Protocole de restauration des dents antérieures en méthode directe

Anna SALAT et Jordi MANAUTA La restauration des dents antérieures en méthode directe est souvent perçue comme une technique complexe et praticien dépendante. Jordi Manauta et Anna Salat, tous deux issus de l’équipe italienne Style italiano, tentent de systématiser l’approche de ce type de restauration afin d’optimiser son taux de succès et de la rendre accessible à un plus grand nombre de praticiens. Ils présentent ainsi un protocole simple et reproductible pour les trois étapes clés de ce type de restauration, à savoir :

• la reproduction de la teinte en utilisant un teintier « fait maison » directement par le praticien à partir du système de composite choisi ;

• la reproduction de la morphologie à l’aide de guides de reconstruction divers et variés ;

• l’obtention d’une bonne isolation grâce à des clés en silicone avec un design innovant.

L’usage des clés en silicone est poussé à son paroxysme par les auteurs afin de reproduire la propre morphologie dentaire du patient. Ces clés sont un outil indispensable pour la reconstruction de l’anatomie des dents antérieures, mais pourquoi ne pas étendre leur utilisation aux dents postérieures ? Il est possible d’enregistrer les faces vestibulaires des cuspides postérieures lorsque leur anatomie est convenable par exemple, avant de réaliser le curetage des lésions carieuses. Cela permet d’enregistrer et de reproduire le profil initial des cuspides. Même démarche pour les faces occlusales lorsque la lésion carieuse présente une petite entrée amélaire et que la morphologie extérieure de la dent est quasi intacte. Le réglage occlusal n’en sera que facilité.

Il existe également un moyen personnalisé de reproduire les faces proximales des dents postérieures. Il s’agit de la technique de costum ring qui consiste à enregistrer la zone interproximale avec de la digue liquide avant de la reproduire.

De la même manière, les matrices sectorielles galbées, réservées jusque-là à la reconstruction des faces proximales des dents postérieures, constituent un outil parfaitement adapté pour reconstruire un profil d’émergence et les faces proximales des dents antérieures. Cette technique permet par exemple de combler des diastèmes importants.

L’isolation par une digue dans les cas de traumatisme des dents antérieures peut se révéler complexe dans certaines situations, par exemple en pédodontie lorsque l’éruption dentaire des dents adjacentes n’est pas terminée ou lorsque le patient est peu coopérant. Pour surmonter cette difficulté, l’équipe Style italiano propose de recourir à un type de clé en silicone comme guide de reconstruction, recouvrant tout le secteur antérieur pour une bonne stabilité, et ajouré en regard du rebord des faces vestibulaires à reconstruire. Elle est obtenue à partir d’une cire de diagnostic (wax-up) et comprend un « mordu » avec les dents mandibulaires pour permettre au patient de fermer la bouche et ne pas exiger de lui une grande ouverture buccale pendant le protocole de collage. Par ailleurs, dans les cas de traumatisme des dents antérieures, lorsque le patient se présente en urgence et qu’il est nécessaire de reconstruire une morphologie convenable sans avoir de cire de diagnostic à disposition, le bord incisif peut être dessiné directement sur la clé silicone alors apposée sur les faces palatines des dents antérieures. La clé est ensuite modelée par soustraction à l’aide d’une fraise diamantée de manière à créer un logement pour la face palatine. Ces précieuses astuces permettent de repousser les limites de la restauration en technique directe et de se rapprocher des concepts de biomimétique (soit la simulation de la nature) et de minimally invasive dentistry (soit la préservation des tissus).

Odontologie conservatrice

GianFranco POLITANO GianFranco Politano est cofondateur du groupe Bio-émulation. Professeur à l’université de Modena et de Sienne (Italie), il a une activité privée à Rome.

Il commence par rappeler le principe de la minimally invasive dentistry, un concept fondamental qui guide nos préparations actuelles. La relation entre la quantité de tissu perdu et les propriétés mécaniques de la dent a été largement démontrée. Être conservateur consiste à préserver au maximum les tissus sains de la dent. Or, les règles de préparation, aussi bien pour les restaurations en technique directe qu’indirecte, reposent également sur une bonne connaissance des sollicitations mécaniques subies par l’organe dentaire.

En effet, les propriétés mécaniques de la dent ne sont pas liées uniquement au volume de tissu sain résiduel mais aussi à la géométrie cavitaire réalisée par le praticien.

La dent présente des structures anatomiques capitales pour résister aux contraintes issues de la mastication, qui sont les crêtes marginales et le pont d’émail des molaires maxillaires. Reeh et al. estiment à 46 % la perte de rigidité en cas d’absence d’une crête marginale et à 63 % en cas de cavité MOD. Ces « poutres de résistance » doivent donc être conservées autant que possible pour éviter un phénomène de déflexion cuspidienne, en reliant les cuspides vestibulaires et linguales entre elles.

La minimally invasive dentistry est ainsi une logique qui ne consiste pas simplement à conserver le plus possible de tissus mais aussi à préserver l’organe dentaire dans son ensemble.

Par ailleurs, toujours dans le souci d’imiter la nature aussi bien dans sa fonction que dans son esthétique, le Pr Politano remet en question la technique de stratification conventionnelle des dents postérieures, qui consiste à superposer des incréments obliques. Il rappelle que la forme de la dentine est toujours concave, dans tous les sens de l’espace, et que celle de la dentine est convexe dans tous les sens de l’espace également. Ce constat l’a conduit à proposer une nouvelle technique de stratification qui simule la morphologie naturelle de la dent. C’est la technique trilaminaire qui consiste à réaliser une première couche de dentine concave avec une teinte dentinaire, sur laquelle il appose une fine couche de composite simulant la jonction amélo-dentinaire. Enfin, il réalise une couche d’émail avec la teinte correspondante qu’il insère sous forme de lobes convexes par imitation des cuspides.

Bibliographie

  • [1] Fürhauser R, Florescu D, Benesch T, Haas R, Mailath G, Watzek G. Evaluation of soft tissue around single-tooth implant crowns. Clin Oral Implants Res 2005;16: 639-644.
  • [2] Vercruyssen M, De Laat A, Coucke W, Quirynen M. An RCT comparing patient-centred outcome variables of guided surgery (bone or mucosa supported) with conventional implant placement. J Clin Periodontol 2014;41:724-732.
  • [3] Nozawa T, Enomoto H, Tsurumaki S, Ito K. Biologic height-width ratio of the buccal supra-implant mucosa. Eur J Esthet Dent 2006;1:208-214.