Les bénéfices de l’hypnose - Clinic n° 01 du 01/01/2016
 

Clinic n° 01 du 01/01/2016

 

L’ENTRETIEN

Catherine FAYE  

Claude PARODI Omnipraticien, diplômé de la faculté odontologique de Bordeaux

À quel moment vous êtes-vous intéressé à l’hypnose ?

C’est en cherchant, il y a une trentaine d’années, à trouver une solution pour soulager les symptômes invalidants de la grossesse d’une de mes proches que je me suis tourné, dans un premier temps, vers la sophrologie avec une technique de relaxation : le training autogène de Schultz (relaxation et autodécontraction...


Claude PARODI Omnipraticien, diplômé de la faculté odontologique de Bordeaux

À quel moment vous êtes-vous intéressé à l’hypnose ?

C’est en cherchant, il y a une trentaine d’années, à trouver une solution pour soulager les symptômes invalidants de la grossesse d’une de mes proches que je me suis tourné, dans un premier temps, vers la sophrologie avec une technique de relaxation : le training autogène de Schultz (relaxation et autodécontraction concentrative). Le travail remarquable et les résultats constatés m’ont immédiatement convaincu de l’intérêt que cela représenterait pour mes patients. Restait à trouver comment mettre en place une telle pratique dans mon cabinet dentaire.

Comment vous êtes-vous lancé dans cette pratique ?

J’ai commencé par me former, notamment à l’hypnose ericksonienne, caractérisée par une approche souple, indirecte (métaphores) et non dirigiste. Elle a pour but d’amener conscient et inconscient à travailler ensemble, de solliciter les ressources que chacun a en soi pour déclencher les changements utiles à la résolution d’un problème, comme la sensation de douleur.

Et vous l’avez appliquée…

Sans attendre ! La dentisterie est un métier difficile. L’hypnose permet de juguler les inquiétudes que ressentent nos patients, leurs phobies, voire l’agressivité que cela induit parfois. Sa pratique est d’un grand apport dans la gestion de la peur de l’anesthésie, de l’analgésie, de la douleur aiguë, du saignement, des nausées, de la salivation, du trismus… Elle améliore l’efficacité des anesthésies et les suites opératoires, elle facilite les soins dentaires des enfants et de certaines personnes en situation de handicap.

Sa mise en place est-elle chronophage ?

Bien au contraire, cet outil thérapeutique, rapide, facile à mettre en œuvre et efficace, non seulement valorise le patient qui aborde et gère le soin avec plus de sérénité mais permet également au praticien de gagner du temps et de le consacrer à autre chose.

D’un point de vue pragmatique, comment cela se passe-t-il au fauteuil ?

Je pratique l’hypnose quasiment toute la journée. En utilisant, avant tout, un mode de communication fondé sur des suggestions bienveillantes indirectes, des métaphores positivantes. C’est ce qu’on appelle l’hypnose conversationnelle, informelle. Mon objectif est de créer une relation agréable, dans un cadre apaisé. Dans un second temps, si la situation le requiert et que le patient le souhaite, je lui propose une technique d’hypnose formelle qui le plonge dans un état de conscience particulier, différent du sommeil, lui permettant de faire abstraction de la réalité environnante, de se dissocier de la douleur ou de la peur, tout en restant en relation avec moi.

Comment vos patients savent-ils que vous pratiquez l’hypnose ?

Ce n’est pas inscrit sur ma plaque ni sur mes ordonnances. Mais beaucoup le savent, sont adressés par des confrères pour cela, entendent parler de prises en charge difficiles qui, grâce à l’hypnose, se sont déroulées paisiblement.

Par exemple ?

La veille d’une extraction de dent prévue sous anesthésie générale, une mère est venue me voir avec son enfant autiste. La technique hypnotique a permis d’extraire la dent sans anesthésie générale. Même chose pour un jeune patient qui souffrait d’une sténose des cordes vocales et qui refusait que l’on fasse appel à l’utilisation du MEOPA pour le soigner. Par ailleurs, je préconise aussi l’auto-hypnose, technique très simple qui permet de se mettre soi-même dans un état hypnotique. Cela fonctionne très bien, notamment dans les cas d’occlusodontie. Je l’utilise également pour moi-même en cas de difficulté. Néanmoins, il convient toujours de faire preuve d’une grande humilité et d’accepter que l’hypnose ne fonctionne pas si le patient la refuse.

Avez-vous recours à des techniques linguistiques particulières ?

Raconter une histoire, dès l’accueil, en salle d’attente, est déjà l’un des aspects de l’hypnose. Je fais des jeux de mots, j’utilise des formes à double sens, j’essaie modestement d’appliquer le style de l’humoriste Raymond Devos, l’un des plus subtils manipulateurs de la langue française. Je propose mon imaginaire et réveille celui du patient en mettant au point des histoires métaphoriques à visée thérapeutique. Il arrive que mes assistantes s’associent à mes histoires, autour du fauteuil. Le tout étant de garder une âme de soignant, sans trop se prendre au sérieux.

Vous avez cofondé, en 2010, l’Association francophone d’hypnose médicale et dentaire, Hypnoteeth*

En effet, transmettre est essentiel. Initialement conçue dans le but d’apprendre l’hypnose aux chirurgiens-dentistes, l’association s’adresse aujourd’hui à tous les professionnels de santé spécialisés dans les gestes invasifs et la douleur aiguë, grâce à des formations en hypnose médicale ou en hypnose clinique. Hypnoteeth propose également des formations aux différentes techniques hypnotiques pour les assistantes dentaires.

Les chirurgiens-dentistes sont-ils nombreux à être intéressés ?

Il y a 5 ans, 17 praticiens sont venus se former. Cette année, nous comptons environ 350 inscrits et en touchons un millier par an. Les bénéfices de l’hypnose sont aujourd’hui évidents, notamment ses propriétés anxiolytiques et analgésiques, et nous proposons des formations aussi bien à Paris qu’à Marseille, Lyon ou Bordeaux. Par ailleurs, je suis également intervenant dans différentes facultés de chirurgie dentaire (Paris V, Bordeaux, Rennes).

Qu’est-ce qui sous-tend cette pratique et cette posture ?

La bienveillance et l’optimisme. L’objectif étant d’amener de l’humain dans le soin, d’apporter des solutions non invasives à la prise en charge de la douleur et de retrouver du plaisir à exercer un métier difficile.