Savoir diagnostiquer l’état de santé des tissus péri-implantaires (partie 1) - Clinic n° 01 du 01/01/2016
 

Clinic n° 01 du 01/01/2016

 

Guide pratique de la maintenance péri-implantaire

PARODONTIE

Marin POMPERSKI*   Mikhaïl NOSSYREV**  


*Exercice privé Paris
marinpom@gmail.com
**Exercice privé Paris
m.nossyrev@gmail.com

Après une quarantaine d’années d’utilisation des implants dentaires, l’ostéo-intégration est aujourd’hui un concept validé. Avec des taux de survie s’élevant entre 95 et 98 %, de plus en plus d’implants sont posés à travers le monde. Mais survie ne signifie pas succès et les complications biologiques autour des implants sont aujourd’hui une des premières causes d’échec de ces derniers. Elles peuvent en effet conduire de l’exposition inesthétique des spires...


Après une quarantaine d’années d’utilisation des implants dentaires, l’ostéo-intégration est aujourd’hui un concept validé. Avec des taux de survie s’élevant entre 95 et 98 %, de plus en plus d’implants sont posés à travers le monde. Mais survie ne signifie pas succès et les complications biologiques autour des implants sont aujourd’hui une des premières causes d’échec de ces derniers. Elles peuvent en effet conduire de l’exposition inesthétique des spires implantaires à une désostéo-intégration terminale de l’implant.

La mucosite péri-implantaire est définie comme une inflammation réversible des tissus mous autour des implants en fonction. Elle se distingue de la péri-implantite, processus inflammatoire affectant l’ensemble des tissus autour des implants (muqueuse et os) et aboutissant à une destruction osseuse irréversible (fig. 1). Une revue récente de la littérature scientifique indique que la prévalence des mucosites et des péri-implantites serait respectivement de 43 et 22 % des implants [1].

En 2015, Renvert et Quirynen dénombrent plusieurs facteurs de risque associés à la péri-implantite [2]. Il peut s’agir de facteurs locaux favorisant l’accumulation de biofilm (fig. 2), tels les excès de ciment dans les cas de prothèse scellée [3] ou un profil d’émergence délétère. Il peut aussi s’agir de facteurs généraux et caractérisés de la réponse inflammatoire de l’hôte. Ainsi, les patients ayant des antécédents de maladie parodontale sont plus sujets à ce type de complications que les autres. Cela est particulièrement vrai pour les patients atteints de parodontite agressive [4]. Tout comme dans les maladies parodontales, le diabète non équilibré [5] et le tabac semblent être des facteurs de risque (fig. 3). Enfin, il est connu que les patients adhérant à un programme de maintenance péri-implantaire ont moins de risque de développer une péri-implantite que les autres [2]. Ces protocoles de maintenance péri-implantaire sont bien codifiés (fig. 4). Ils seront détaillés dans la seconde partie de cet article (à paraître en 2016).

Pour diagnostiquer la santé péri-implantaire, de nombreux critères doivent être évalués, dès la pause de la prothèse implanto-portée et dans le temps, afin de garantir un suivi efficace et un diagnostic précoce des complications biologiques. Pour cela, des outils diagnostiques proches de ceux utilisés en parodontie sont employés. Ces différents critères vont être passés en revue et s’accompagneront d’une fiche pratique de suivi de la santé implantaire.

Comment évaluer la santé péri-implantaire ?

Actualisation du questionnaire médical

Avant chaque examen clinique, il faut systématiquement réévaluer l’état de santé du patient. De nombreux éléments comme le tabac, l’état d’équilibre du diabète ou la prise d’anti-inflammatoires au long cours peuvent influencer la réponse des tissus aux agressions mécaniques ou bactériennes [4]. Ces informations s’intègrent dans la compréhension de l’histoire parodontale et péri-implantaire du patient et permettent d’adapter le traitement (incitation au sevrage tabagique par exemple) [6].

Inflammation

L’observation minutieuse des muqueuses est primordiale pour diagnostiquer une maladie péri-implantaire. Contrairement à un tissu sain, une muqueuse inflammatoire apparaît œdématiée, rouge, lisse et molle (fig. 56 à 7). Cette inflammation est soit limitée à la muqueuse (mucosite), soit étendue jusqu’à l’os péri-implantaire (péri-implantite). À l’instar de la gingivite et la parodontite, toute mucosite n’évolue pas en péri-implantite mais toute péri-implantite a été précédée d’une mucosite. Ainsi, évaluer les caractéristiques (couleur, contours, consistance, texture et volume) de la muqueuse est indispensable pour évaluer une guérison ou suivre l’évolution de la maladie [7]. La réalisation de photographies et leur archivage constituent un outil intéressant pour assurer ce suivi.

Contrôle de plaque

Le biofilm bactérien est le facteur étiologique de la maladie péri-implantaire. Tout comme dans les maladies parodontales, une mauvaise hygiène orale et l’accumulation de plaque conduisent inévitablement à des complications biologiques. La présence de plaque se fait par observation clinique après avoir bien séché les tissus : un aspect mat, opalescent, voire un dépôt blanc plus ou moins épais seront retrouvés. Le passage systématique de la sonde au collet permet également de relever la plaque. Pour bien objectiver la qualité du brossage du patient et évaluer son évolution dans le temps, on peut avoir recours à l’indice de plaque tel que l’indice modifié de Mombelli (fig. 8) [8]. Fastidieux à relever dans la pratique courante, il reste néanmoins un bon témoin du brossage et un outil de motivation pour le patient.

Profondeur de sondage

Les valeurs de sondage doivent être enregistrées dès la mise en place de la prothèse implanto-portée. En effet, la profondeur de sondage dépend de l’enfouissement de l’implant et du profil d’émergence de la prothèse implanto-portée. L’augmentation de la profondeur de sondage est le témoin de l’évolution de la maladie péri-implantaire. L’enregistrement de ces valeurs à chaque séance permettra le diagnostic précoce et l’observation de l’évolution de la pathologie.

L’accès au sondage à l’aide de sondes parodontales métalliques est rendu difficile, notamment en raison du différentiel de volume entre les implants et la prothèse (fig. 9). Il convient donc d’utiliser des instruments adaptés (sondes parodontales en plastique flexible par exemple) pour réaliser ces mesures avec une pression douce (fig. 10).

Saignement au sondage

L’absence de saignement provoqué est un signe de bonne santé péri-implantaire. Un saignement au sondage doux est le signe d’une inflammation des tissus mous péri-implantaires. Il peut être observé dans les 20 secondes qui suivent le sondage. Cette inflammation, si elle est prolongée, peut entraîner une perte de l’os sous-jacent. Il est important de garder en tête que les tissus péri-implantaires sont plus fragiles que les tissus parodontaux. En effet, il n’existe pas d’attache conjonctive « fonctionnelle » dans les tissus péri-implantaires, c’est-à-dire pas d’ancrage des fibres parodontales sur la surface implantaire. Ainsi, lors du sondage, l’attache péri-implantaire est facilement lésée par l’opérateur, entraînant un sondage jusqu’à l’os. Le saignement au sondage n’est donc pas un critère suffisant pour poser un diagnostic, il doit être associé aux autres critères.

Suppuration

La présence d’une suppuration à la palpation ou lors du sondage témoigne de l’existence d’une infection péri-implantaire. Cependant, la littérature scientifique montre que ce critère n’est pas suffisamment sensible et spécifique du déclenchement ou de la progression de la maladie péri-implantaire [9]. La suppuration n’est donc pas le seul critère diagnostique ou de suivi de l’évolution de la maladie mais témoigne d’une inflammation sévère et délétère.

Mobilité implantaire

Lorsqu’une mobilité est observée, il faut déterminer si elle est liée à un descellement ou à un dévissage de la prothèse, à la fracture d’une pièce prothétique ou à un défaut d’ostéo-intégration de l’implant. L’utilisation du sondage et de la radiographie permet de constater l’existence d’un liseré radio-clair régulier péri-implantaire, caractéristique d’une désostéo-intégration liée à une surcharge occlusale, ou de lésions osseuses cratériformes caractéristiques de la péri-implantite (fig. 11 à 13). Dans ce cadre, toute mobilité implantaire témoigne d’une désostéo-intégration quasi totale. C’est un signe d’échec et tout implant mobile doit être déposé (fig. 14).

Occlusion

Lors de la pose de la prothèse implanto-portée et lors des premières séances de maintenance, il faudra être extrêmement attentif à l’occlusion. En effet, une surcharge occlusale peut entraîner des échecs d’ostéo-intégration. L’examen clinique doit donc comporter une analyse fine de l’occlusion avec du papier à articuler fin. Il est nécessaire de mettre en évidence les contacts occlusaux en statique et en dynamique et de vérifier l’adaptation et le serrage des pièces prothétiques (pilier, couronne). Il faudra également être attentif aux excès de ciment résiduel dans les cas de prothèse scellée, qui sont extrêmement fréquents. L’utilisation de fils rétracteurs lors de la pose de la prothèse implanto-portée scellée, l’exploration à la sonde après le scellement et la prise d’un cliché radiographique postopératoire sont très utiles pour prévenir et corriger des excès de ciment de scellement.

Examen radiographique

Afin de définir une valeur initiale du niveau osseux, un cliché radiographique doit être pris le jour de la mise en place de la restauration prothétique. Cet examen sera la référence pour le suivi osseux. Rappelons qu’une perte osseuse crestale de 1,5 mm la première année puis de 0,2 mm les années suivantes est « physiologique » et compatible avec la santé péri-implantaire. Le type d’examen sera choisi en fonction des besoins diagnostiques ou de suivi. La radiographie rétroalvéolaire avec un angulateur reste l’examen de choix pour évaluer le niveau osseux péri-implantaire. On mesurera la distance entre un point de référence, tel que la jonction pilier-implant, et le niveau de crête osseuse, mesure de référence pour comparaison avec les clichés ultérieurs. La radiographie panoramique dentaire offre une vue d’ensemble des structures mais n’est pas toujours suffisante pour apprécier le degré d’atteinte ou le nombre de spires exposées. L’utilisation d’un examen tridimensionnel du type cone beam permet d’observer les structures osseuses résiduelles en prévision, par exemple, du fraisage permettant la dépose d’un implant. La fréquence des examens radiographiques doit être adaptée à chaque situation en fonction des paramètres cliniques précédents. Le suivi radiologique et la comparaison des clichés sont nécessaires à l’établissement d’un diagnostic et à l’observation de l’évolution de la maladie (fig. 15 à 17).

Conclusion

Le relevé de l’ensemble de ces critères est à systématiser au cours des séances de maintenance parodontale, en prenant pour référence la situation du jour de pose de la prothèse. Cette rigueur permet d’objectiver rapidement l’apparition de toute maladie péri-implantaire ou de suivre son évolution. Le tableau 1 est proposé pour aider au relevé de ces paramètres dans un seul document.

Outre le recueil de ces données, la séance de maintenance doit comporter l’élimination de la plaque bactérienne et du tartre péri-implantaires ainsi qu’une réévaluation du programme de maintenance et de l’espacement des séances. Ces points seront détaillés dans la seconde partie de cet article à paraître courant 2016.

Suivre régulièrement et de façon standardisée la santé des tissus péri-implantaires est indispensable pour garantir le succès à long terme de la prothèse implanto-portée. Cet examen rapide est à effectuer annuellement, à chaque visite de contrôle du patient.

Bibliographie

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