L’ultrapréservation tissulaire - Clinic n° 02 du 01/02/2016
 

Clinic n° 02 du 01/02/2016

 

Odontologie restauratrice

Comme nous l’avons déjà fait, nous ouvrons nos colonnes aux initiatives professionnelles de formation continue qui nous semblent pertinentes et susceptibles de faire avancer la profession. Ici, il s’agit d’associer une conférencière mondialement reconnue pour ses innovations cliniques (Dr Francesca Vailati) et un conférencier reconnu pour son implication scientifique dans les procédures cliniques (Dr Jean-Pierre Attal). Un même thème : l’ultrapréservation tissulaire. Interview des deux conférenciers.

Bernard Lapostolle, responsable de l’ADFOC* des Savoie, vous a proposé d’animer une formation un peu spéciale. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Jean-Pierre ATTAL : D’abord, j’ai toujours accepté les propositions de Bernard Lapostolle car il a l’habitude de faire bouger les lignes de la formation continue. En effet, je rappelle que c’est lui, le premier, qui a organisé les premiers travaux pratiques, « Les batailles de l’adhésion », conçus par le Pr Michel Degrange. Puis, l’an dernier, il avait organisé un serious game avec les Dr Sandrine Dahan, Christine Muller, David Nisand, Florent Trevelo, Martin Brient et moi-même. Cette fois-ci, c’est après avoir assisté à la conférence du CIDAE 2013, sur une idée de mon ami Alain Perceval, qu’il m’a demandé de faire un duo clinique/scientifique avec Francesca Vailati. Notre sujet est un peu provocateur : peut-on atteindre ses objectifs en dentisterie restauratrice sans toucher les dents ? L’exigence médicale de préservation tissulaire est de plus en plus forte non seulement dans la profession mais aussi chez les patients ; le sujet est donc bien d’actualité. Mon mentor, le Pr Michel Degrange, disait « qu’il ne fallait pas détruire en quelques secondes avec la fraise plus de tissu que la carie n’en a détruit en plusieurs années ».

Francesca VAILATI : Après une formation de prothèse très traditionnelle aux États-Unis, j’ai vite compris que la prothèse conventionnelle était trop mutilante et devait évoluer vers plus de respect du tissu sain. Avec l’aide de mes mentors (Pascal Magne, Robert Kelly et Urs Belser), j’ai commencé à faire de moins en moins de couronnes périphériques, qui sont très mutilantes. Je décrirai en début de matinée ce parcours et des cas réalisés aux États-Unis que je ne ferai plus jamais de la même manière. Je propose depuis maintenant plus de 10 ans des traitements sans aucune mutilation dentaire pour les patients aux dents très sévèrement usées, ce qui a donné lieu à la description méthodique de la three steps technique que j’ai eu la chance de pouvoir mettre au point à l’université de Genève, d’abord avec le Pr Urs Belser puis maintenant dans le service du Pr Irena Saïler.

Mais n’est-ce pas un peu excessif, le dentiste ayant toujours besoin de sa turbine et de fraises ?

JPA : Évidemment. Mais c’est en poussant un peu le trait que l’on arrive à faire passer le message d’ultra-préservation tissulaire dont notre profession a besoin aujourd’hui. Durant la matinée de cette journée, je vais décrire le gradient thérapeutique en insistant sur les thérapeutiques « qui ne touchent pas les dents ». Je vais commencer par insister sur le rôle très important de l’orthodontie de l’adulte dans les plans de traitement. Je montrerai notamment que l’association orthodontie/éclaircissement aboutit à des résultats spectaculaires. Le dentiste actuel doit travailler avec un orthodontiste de l’adulte car ce temps orthodontique permet parfois d’éviter le traitement prothétique, en tout cas au minimum de le simplifier. Et lorsqu’on associe ces deux thérapeutiques à la stratification de composites, les résultats sont vraiment très intéressants. Je dirai aussi un mot sur les bridges collés cantilever en céramique, qui rendent des services considérables en cas d’édentement unitaire antérieur.

FV : On verra que, dans les situations d’érosion sévère par vomissements ou par reflux importants, les préparations des facettes palatines nécessaires sont quasiment déjà faites par l’attaque acide et que le dentiste n’a presque pas à toucher les dents…

Parmi les traitements préservateurs actuels, il y a aussi le nouveau traitement des taches de l’émail.

JPA : Oui, avec mon ami Gil Tirlet nous travaillons sur ce sujet depuis bientôt 7 années et je montrerai que cette technique entre dans sa phase de maturité. Les figures 1 et 2 montrent un cas de tache sur une incisive centrale traitée en une seule séance par infiltration en profondeur.

Les techniques en trois temps sont très coûteuses. N’y a-t-il pas d’autres possibilités de traitement plus accessibles ?

FV : Justement si, j’ai considérablement simplifié la technique en trois temps afin de la rendre accessible financièrement. Par exemple, dans les cas où la dimension verticale d’occlusion doit être augmentée et où le patient présente des restaurations directes ou même périphériques, je décrirai une méthode qui consiste à coller du composite en méthode directe, à l’aide de gouttières spécialement conçues à cet effet (fig. 3 et 4). Le fait de ne pas déposer des couronnes et de pouvoir réaliser des composites permet de considérablement simplifier le traitement et… diminuer le coût. D’ailleurs, j’ai aussi un exercice privé à Genève où je pratique quotidiennement la three steps, ce qui prouve bien que cela peut être compatible avec l’exercice libéral. Attention ! Cela nécessite encore une extrême rigueur et une très bonne connaissance des protocoles de collage.

Cette technique en trois temps est-elle efficace sur les patients atteints de bruxisme ?

FV : C’est une excellente question. La three steps a été décrite pour restaurer les pertes de substance importantes liées à l’érosion. Dans le cas de troubles fonctionnels associés entraînant des pertes de substance liées à l’attrition, une prise en charge fonctionnelle est impérative. Je commencerai mon exposé en montrant les cas où la three steps est indiquée et les cas où elle doit être employée avec grande prudence. En fin de journée, je donnerai quelques éléments sur les pistes que je suis en train d’explorer dans le cas de troubles fonctionnels initiaux.

* Association dentaire de formation odontologique continue

Renseignements et inscriptions : ADFOC des Savoie

04 50 66 40 28 ou 04 79 62 71 30

www.maisondentaire74.fr

Articles de la même rubrique d'un même numéro