Retour sur une mise en liquidation - Clinic n° 04 du 01/04/2016
 

Clinic n° 04 du 01/04/2016

 

LOW COST

ACTU

Anne-chantal de Divonne  

Un passif « colossal » de 22 millions d’euros, des patients mécontents, des centres déjà fermés pour manquements à l’hygiène, une organisation mercantile… L’audience du tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence a mis au jour les pratiques des centres dentaires Dentexia. La société a été mise en liquidation.

Le jugement est tombé le 4 mars. L’association Dentexia, créée en 2011 et qui gère 5 centres des prestations dentaires low cost, a été mise en liquidation judiciaire. Cette décision a été estimée « inévitable », quelle que soit l’option choisie.

Une première

C’est la première fois qu’un tel jugement est prononcé. Jusqu’à présent, les centres poursuivis par l’Ordre et la Confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD) ont été condamnés pour divers motifs, dont la publicité et la concurrence déloyale. Récemment toutefois, la condamnation en première instance, le 11 septembre 2013, d’une association low cost pour acte publicitaire de concurrence déloyale n’a pas été confirmée. La cour d’appel de Paris est revenue sur le jugement le 18 février dernier, estimant que l’association poursuivie ne peut « être soumise au Code de déontologie des chirurgiens-dentistes et à l’interdiction de recours à la publicité ». Si la publicité est légalement acceptée pour les centres associatifs, il y a une « rupture d’égalité de facto » entre les praticiens salariés des centres et les autres, constate Marc Sabek dans Le Chirurgien-dentiste de France (10 mars). L’Ordre et la CNSD se sont d’ores et déjà pourvus en cassation dans cette affaire.

Un système mis au jour…

Dans les motivations de sa décision concernant Dentexia, le tribunal a constaté que la situation financière de l’association s’est dégradée du fait d’honoraires facturés à Efficiences – une autre structure appartenant comme Dentexia à Pascal Steichen – au titre de « frais de défense ou de conseils ». Le tribunal établit donc clairement l’adossement de l’association à une société commerciale qui facture ses prestations. Cette pratique permet de faire remonter des fonds issus de l’activité dentaire.

D’autres méthodes des centres low cost sont aussi exposées : les débats et pièces produites ont montré que des salariés dénommés « assistants cliniques » géraient les agendas des praticiens « pour accroître la rentabilité » et faisaient souscrire des contrats de prêt perçus directement par les centres.

… qui fait des émules

Le tribunal montre aussi que le système Dentexia a fait des émules. Sur les 4 offres de reprise déposées par Grand Conseil de la Mutualité, qui possède une vingtaine de centres dentaires dans le sud de la France, Essenza, qui possède un centre dentaire de 4 praticiens salariés à Lille, Doctegestio et Adental, seule restait la proposition d’Adental lors de l’audience du 26 février.

Présidée par un jeune diplômé d’école de commerce, Rafaël Tapiéro, Adental coiffe 2 structures. L’une, Dentego, gère 3 centres de soins (40 salariés) en région parisienne. L’autre, le laboratoire de prothèses Numérident, emploie une trentaine de personnes.

Adental « s’inspire singulièrement du modèle d’organisation » mis en place par le responsable de Dentexia, observe le tribunal. La proposition d’Adental « ne fait pas état de la qualité des soins susceptibles d’être réservés à des patients démunis, ni des soins de premier secours pouvant être prodigués au titre de la CMU ». Et, plus loin, « les grands principes ayant gouverné la loi Bachelot semblent avoir été oubliés au profit d’une organisation mercantile ». Mais le jugement démontre qu’Adental veut mettre en place le même type d’organisation que Dentexia avec une holding et une société commerciale, cette organisation ne correspondant pas à ce qui est attendu d’un centre de santé.

Enfin, dernier argument contre la reprise : Adental ne pourra pas régler tout le passif de Dentexia évalué à 22 millions d’euros.

Et après ?

S’il met un terme à l’activité de Dentexia, ce jugement ne comble cependant pas la faille juridique issue de la loi Bachelot de 2009 qui permet à ce type de centre d’exister. Les démarches effectuées jusqu’à présent par la profession au ministère de la Santé n’ont pas été suivies d’effet. Un amendement soutenu par l’Ordre et la CNSD visant à rétablir un contrôle des ouvertures des centres n’a pas été retenu lors du vote de la loi de santé. Des courriers adressés à la ministre de la santé pour demander une évolution des textes n’ont pas reçu de réponses. Du côté des patients, quelques 300 plaintes ont été déposées chez le Procureur. Et, à la mi-mars, un collectif contre Dentexia réunissait 1 700 inscrits. Débordés par l’afflux des inscriptions, les créateurs de ce site indiquaient qu’il n’existe « pas de solution simple et immédiate à nos problèmes car la situation à laquelle nous avons à faire face est inédite ».