Infections nosocomiales : le professionnel n’est responsable que de ses fautes - Clinic n° 06 du 01/06/2016
 

Clinic n° 06 du 01/06/2016

 

Juridique

Audrey UZEL  

Avocat au barreau de Paris

Le Conseil constitutionnel a validé le régime de responsabilité dérogatoire dont bénéficient les professionnels de santé libéraux en matière d’infections nosocomiales. La preuve d’une faute est requise.

Rappel

Par l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique le législateur a entendu fixer un régime de réparation des préjudices résultant des infections nosocomiales contractées tant chez les professionnels de santé exerçant en ville que dans les établissements, services ou organismes de santé à l’occasion d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins. Chez les professionnels, la responsabilité n’est engagée qu’en cas de faute.

Le litige

Un patient pris en charge par un professionnel de santé de ville a contracté une infection nosocomiale. Pour engager sa responsabilité, le patient était tenu de démontrer la faute commise par le professionnel. Il s’est dit que si l’infection avait été contractée à l’hôpital, il aurait bénéficié d’un régime de responsabilité plus favorable. C’est pourquoi, estimant que l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique créait une inégalité pour les patients, en fonction du lieu où est contractée l’infection, il a posé au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité. Ce recours vise à définir si une loi est conforme ou non à la constitution. Si elle ne l’est pas, son application doit être écartée. L’objectif recherché par le patient était d’écarter le régime de responsabilité propre aux professionnels de santé et de se voir appliquer un régime de responsabilité sans faute, à l’instar des infections contractées dans des établissements de santé.

La solution

Pour apprécier la conformité à la constitution de l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique, il se réfère à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui dispose : « La loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Il rappelle néanmoins « que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit ». Le Conseil constitutionnel a estimé que l’article litigieux n’était pas contraire à la constitution. Le régime de responsabilité sans faute des établissements vise à compléter le mécanisme d’indemnisation au titre de la solidarité nationale instaurée par la loi dans les cas des infections aux conséquences graves. Ensuite, il souligne que le taux d’infections nosocomiales est nettement plus important dans les établissements de santé que dans des cabinets de ville « en raison des caractéristiques des patients accueillis et de la durée de leur séjour », « de la nature des actes pratiqués et de la spécificité des agents pathogènes de ces infections ». Enfin, il rappelle que professionnels de santé et établissements de santé ne sont pas soumis à la même obligation vis-à-vis des infections puisque les établissements sont tenus de mettre en œuvre une politique d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins et d’organiser la lutte contre les évènements indésirables, les infections associées aux soins et l’iatrogénie. La lutte contre les infections nosocomiales constitue une véritable mission des établissements de santé. Il en déduit que « la différence de traitement qui découle des conditions d’engagement de la responsabilité pour les dommages résultant d’infections nosocomiales repose sur une différence de situation ; qu’elle est en rapport avec l’objet de la loi ».

À RETENIR

Les professionnels de santé n’engagent leur responsabilité en cas d’infections nosocomiales qu’en cas de faute. Ce régime dérogatoire est dû à la faible présence de telles infections en cabinet de ville, mais surtout au fait que les professionnels ne sont pas soumis aux mêmes obligations que les établissements en la matière.