Le maquillage des restaurations indirectes - Clinic n° 09 du 01/09/2016
 

Clinic n° 09 du 01/09/2016

 

ODONTOLOGIE RESTAURATRICE

Romain CEINOS*   Imad GHANDOUR**   Éric LEFORESTIER***  


*Docteur en chirurgie dentaire, assistant
hospitalier universitaire en odontologie
conservatrice et endodontie
Université de Nice Sophia-Antipolis,
UFR d’odontologie
24, avenue des Diables-Bleus
06 357 Nice cedex 04
CHU de Nice
Pôle d’odontologie
5, rue Pierre-Dévoluy
06 000 Nice
**Prothésiste dentaire
110, boulevard Sadi-Carnot
06 110 Le Cannet
***Docteur en chirurgie-dentaire, MCU-PH
sciences anatomiques et physiologiques
Université de Nice Sophia-Antipolis,
UFR d’odontologie
24, avenue des Diables-Bleus
06 357 Nice cedex 04
CHU de Nice
Pôle d’odontologie
5, rue Pierre-Dévoluy
06 000 Nice

Les nouveaux systèmes de restauration par CFAO permettent aux cabinets équipés de façonner des couronnes tout céramique sans procéder à une stratification individuelle avec une céramique cosmétique. Si ce type de couronnes tout céramique n’atteint pas le niveau esthétique élevé des céramiques stratifiées, elles conviennent néanmoins parfaitement dans le cadre de nombreuses indications. Pour améliorer le mimétisme de ces restaurations, le maquillage offre une solution intéressante aux praticiens soucieux de personnaliser leurs couronnes par quelques corrections chromatiques. Il existe désormais des coffrets de produits de maquillages pour céramique simplifiés qui ne s’adressent pas uniquement aux techniciens de laboratoire mais aussi aux chirurgiens-dentistes.

Par ailleurs, pour remplir l’objectif esthétique des restaurations temporaires et renforcer psychologiquement le patient dans le plan de traitement (prévisualisation des restaurations définitives, augmentation de l’estime de soi dès la phase de temporisation), l’usage des modificateurs de couleur peut se révéler là encore d’une grande aide.

Afin d’obtenir un rendu optique le plus naturel possible, le praticien peut être amené à utiliser, pour maquiller ses restaurations, des « modificateurs de couleur ».

Les techniques de maquillage dévolues au chirurgien-dentiste vont concerner les réalisations prothétiques issues de la conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO), la phase de temporisation prothétique et, dans une moindre mesure, la caractérisation des prothèses amovibles. L’objectif de cet article est d’exposer l’éventail de méthodes et produits mis à la disposition du praticien et du technicien laboratoire et qui permettent d’améliorer les propriétés esthétiques d’intégration des travaux prothétiques dentaires.

Biomatériaux utilisés dans le maquillage des prothèses

Les modificateurs de couleur font tous appel à des pigments, substances insolubles colorant une surface lorsqu’elles sont mélangées à un liant. Les pigments sont principalement des oxydes métalliques et de terres rares (agents fluorescents). Les produits de maquillage pour céramique vont nécessiter une cuisson et s’adresser aux biomatériaux en céramique de CFAO. En revanche, les produits de maquillage à base résine méthacrylate ne nécessitent pas de cuisson mais viendront être figés par photopolymérisation. Ces derniers vont s’adresser aux biomatériaux compatibles tels les céramiques hybrides usinables, les résines composites ou méthacrylate utilisées de manière conventionnelle dans la composition des restaurations provisoires, les fausses gencives ou bien encore les dents du commerce.

Produits de maquillage pour céramique (tableau 1)

Les pigments en poudre pour les produits de maquillage pour les céramiques sont mélangés à une poudre de verre. Ils peuvent être conditionnés en poudre dans des flacons qui doit être mélangée à des liquides gras comme de la glycérine liquide ou du liquide de glaçure ou présentés sous forme de pâte utilisant des composants organiques. Après cuisson, les pigments pour céramique ne font plus qu’une seule particule (d’environ 1 à 10 µm) au sein de la matrice de verre fritté/fondu (phase vitreuse). La concentration en poids total de ces pigments est comprise dans l’intervalle de 4 à 25 % [1, 2].

Produits de maquillage vernis résineux (tableau 2)

Ce type de produits de maquillage, destinés aux modifications chromatiques de la surface des restaurations temporaires en résine ou des prothèses amovibles, repose sur un principe de mélange poudre/liquide ou est prémélangé. Les poudres colorées, constituées de pigments (principalement des oxydes métalliques mélangés à des ions silicate), vont être incorporées à un liquide résineux (majoritairement de base méthacrylate de méthyle) présentant un photo-initiateur permettant un durcissement du mélange lorsque celui-ci est exposé à la bonne longueur d’onde (350-500 nm) ou à la chaleur.

Le méthacrylate de méthyle présente des propriétés intéressantes comme une très grande transparence, un aspect brillant et une bonne transmission lumineuse (indice optique = 1,49). Une fois l’apport de couleur souhaité atteint, l’ensemble de la surface maquillée peut être protégé par une seconde résine à base méthacrylate de méthyle (renforcée aux polyacrylates ter et oligomères de polyuréthane acrylique) qui va venir « laquer » l’ensemble et lui conférer sa résistance (dureté de la surface selon Vickers [10 Kp] : 20).

Principes fondamentaux

Les principes fondamentaux du maquillage des restaurations indirectes sont étroitement liés à ceux utilisés dans la caractérisation des restaurations directes (cas clinique n° 1, fig. 1 à 20). En effet, l’instrumentation reste la même et fait appel aux pinceaux, aux instruments applicateurs de produits de maquillage (limes endodontiques de petit calibre, lames de scalpel…) et aux supports de travail adaptés (plaques en verre, supports à mélanger alvéolés en céramique).

Les zones cibles sont :

• la zone cervicale. Elle représente une zone plus saturée, elle est reproduite avec des colorants marron, orange ou jaune miel ;

• les régions interproximales. Comme elles sont plus saturées, les colorants ambrés leur donnent la « profondeur » de la restauration ;

• le bord incisif. Sa translucidité est obtenue grâce à des colorants violets, gris, blancs, bleus et transparents ;

• le tiers moyen de la dent et le bord incisif. Ce dernier reste la zone de haute animation dentaire et peut par conséquent être marqué de diverses caractérisations, majoritairement de légères taches blanches de fluorose reproduites à l’aide de produits de maquillage intensifs blancs. Il peut en être de même pour le tiers moyen de la dent qui peut être marqué de diverses caractérisations blanches (taches, bandes…) ou marron et ocre (fêlures) ;

• faîtes des cuspides et bombés des crêtes marginales. Ces régions peuvent être finement marquées de colorants blancs, gris ;

• sillons et fonds de sillons. Une teinte ocre et marron est appliquée dans les régions prédéterminées. En général, leur couleur est similaire à celle de la dentine mais certains dépôts chromatophores rendent le sillon brun rouge ou marron par endroits telles les fosses profondes, difficiles à nettoyer.

Maquillage des restaurations en céramique réalisées par CFAO

L’essor des nouvelles technologies au service de la dentisterie a permis aux praticiens d’accéder à la réalisation de leurs restaurations prothétiques par le procédé CFAO. Le chirurgien-dentiste s’équipant du matériel adéquat devient ainsi le maître d’œuvre de l’intégralité de la chaîne de réalisation prothétique.

Pour le système de CFAO au cabinet dentaire, les possibilités d’usinage sont limitées principalement aux céramiques de type feldspathique ou aux vitrocéramiques (renforcées à la leucite ou au disilicate ou au silicate de lithium) ou aux céramiques hybrides [3]. Pour les systèmes de laboratoire, le choix est beaucoup plus large.

Les propriétés esthétiques des céramiques proposées à l’usinage au cabinet sont bonnes mais, pour reproduire l’effet de stratification naturelle de la dent ainsi que ses diverses caractérisations, des maquillages peuvent être nécessaires. En effet, les progrès actuels en matière de blocs de céramique commercialisés (multicouches à effet dentine/émail, différents niveaux de translucidité…) facilitent le mimétisme des restaurations (effet caméléon). Pour une illusion de réalisme optimale, les produits de maquillage viennent parachever ce type de restaurations.

Afin d’améliorer l’esthétique des éléments en céramique, plusieurs options sont à la disposition de l’opérateur :

• caractérisation interne ;

• caractérisation externe, c’est-à-dire maquillage et glaçage avant cuisson ;

• stratification du tiers incisal des « restaurations réduites » (facettes, couronnes antérieures) par méthode de cut-back.

Cette dernière méthode sera volontairement non détaillée dans cet article car son niveau de technicité et la durée chronophage de ses diverses étapes relèvent plus du cadre de compétences d’un technicien de laboratoire que d’un chirurgien-dentiste.

Caractérisation interne

Les produits de maquillage composites photopolymérisables peuvent être utilisés pour la caractérisation interne (côté collage) des restaurations en céramique fines telles les facettes. Après le mordançage acide et la silanisation de la pièce prothétique, les produits de maquillage sont appliqués avec parcimonie. La photopolymérisation est alors effectuée. Après la « caractérisation interne », aucune cuisson de la céramique ne devra être réalisée.

Les caractérisations que l’on peut obtenir sont toutefois très limitées et « hasardeuses ». Le maquillage externe offre bien plus de possibilités.

Caractérisation externe

Les caractérisations individuelles externes sont rendues possibles par les produits de maquillage intensifs (stains). Par ailleurs, pour parfaire la zone incisale, des produits de maquillage spécifiques sont disponibles pour apporter à cette zone une translucidité et un effet de profondeur. Une fois les produits de maquillage appliqués, le glaçage réalisé à l’aide d’une pâte de glaçage lisse à grains fins est suivi d’une cuisson finale [4, 5].

Afin de simplifier cette technique, longtemps réservée aux prothésistes dentaires, diverses sociétés commercialisent des coffrets « simplifiés » avec des produits de maquillage pour céramique composés de pâtes « prêtes à l’emploi » pour le chirurgien-dentiste désireux d’améliorer le rendu esthétique de ses restaurations réalisées par CFAO.

La dilution des produits de maquillage pour céramique avec leur liquide spécifique (équivalent à des glaçures) permet d’obtenir la consistance souhaitée pour l’application des caractérisations à la surface de la pièce prothétique usinée. La thixotropie de certains systèmes, comme l’Initial™ IQ Lustre Pastes NF (GC), autorise même à une caractérisation en bouche avant cuisson avec le mélange obtenu (le produit de maquillage pour céramique adhère correctement sur la restauration sans couler). Pour simplifier au maximum l’utilisation de ces produits, la couleur désirée sera sensiblement identique avant et après cuisson. La cuisson finale après le maquillage et le glaçage a lieu dans un four à céramique compatible selon les paramètres de cuisson de la céramique utilisée.

Maquillage des dents antérieures

Si l’on désire des ajustages de teinte plus précis et/ou plus importants, il est recommandé de les réaliser en plusieurs étapes. Les produits de maquillage pour céramique seront appliqués puis cuits. Le résultat de la teinte pourra être contrôlé après la cuisson puis intensifié par une nouvelle application de produits de maquillage si la situation individuelle du patient le nécessite. Lorsque la teinte et toutes les caractérisations individuelles sont satisfaisantes, on procède alors à la cuisson de glaçage :

• préparation au maquillage. La restauration doit être exempte d’impuretés et de graisse. Le nettoyage de la pièce peut s’effectuer par jet de vapeur ou grâce à un sablage fin non abrasif d’alumine (maximum 0,5 bar), puis la pièce doit être soufflée. Après le nettoyage, il faut éviter toute contamination (éviter de nettoyer à l’alcool).

• maquillage. Le produit de maquillage pour céramique est dilué avec un peu de liquide de glaçure jusqu’à obtenir la consistance désirée. Le mélange est appliqué sur la surface externe de la prothèse. Pour un meilleur mouillage des produits de maquillage, la surface peut être légèrement imprégnée de liquide de glaçure. La restauration antérieure peut ainsi être maquillée au pinceau sur différentes zones : les régions cervicales, proximales, incisales et les effets individuels doivent être ajustés en très faibles couches. En effet, il faut éviter les applications trop épaisses ou trop fluides. Le résultat du maquillage est contrôlé après cuisson ;

• cuisson finale de glaçage. Une fois la teinte et les caractérisations individuelles définies, la cuisson de glaçage peut être réalisée. La glaçure est répartie sur toute la surface de la restauration à l’exception de l’intrados. La cuisson s’effectue en respectant les paramètres de cuisson de la céramique.

Maquillage des dents postérieures (cas clinique n° 2, fig. 21 à 25)

Pour un glaçage et un maquillage efficaces d’inlays/onlays et des coiffes postérieures, la technique 2 en 1 est appropriée. Elle consiste à effectuer la cuisson de maquillage et de glaçage en une étape. Elle ne permet pas de réaliser de nombreux ajustages de teinte comme une cuisson de maquillage séparée ; toutefois, grâce à la cuisson combinée, la mise en œuvre est efficace et conduit simplement et rapidement à un résultat esthétique [6] :

• préparation au maquillage. Elle est identique à celle du maquillage des dents antérieures (nettoyage de la pièce prothétique) ;

• glaçage + maquillage. Tout d’abord, on applique la pâte de glaçage puis les produits de maquillage sur la couche de glaçure non cuite. La glaçure est régulièrement appliquée sur toute la surface externe de la restauration de façon uniforme. Un pinceau fin permet de déposer les produits de maquillage de manière ciblée directement dans la couche de glaçure non cuite ;

• cuisson finale. La pièce prothétique dont le maquillage a été introduit au sein de la glaçure est cuite en respectant les paramètres de cuisson de la céramique.

Cas particulier : maquillage des « céramiques hybrides » usinables

De nouveaux blocs usinables pour les cabinets dentaires ont récemment fait leur apparition. Ces « céramiques hybrides » sont retrouvées sous forme d’une matrice de céramique frittée dont les pores ont été comblés avec un matériau polymère pour le biomatériau Vita Enamic® et des particules de zircone et de silice intégrées dans une matrice en résine polymère pour la résine nanocéramique Lava Ultimate®. La particularité de ces matériaux est de ne nécessiter aucune cuisson après usinage. À l’inverse des céramiques usinables conventionnelles feldspathiques ou vitrocéramiques, la caractérisation de ces matériaux ne doit pas se faire avec un produit de maquillage pour céramique ni subir de cuisson. Pour cette raison, les produits de maquillage appliqués seront ici des modificateurs de couleur à base de méthacrylate photopolymérisables tels le coffret Vita Enamic Stains Kit® ou le Sinfony™ Magic Shade (3M) :

• préparation au maquillage. Mordançage à l’acide fluorhydrique 5 % pendant 60 secondes ou sablage à l’oxyde d’aluminium (50 µm à 1 bar) suivi d’un rinçage abondant à l’eau. La surface est ensuite silanisée ;

• maquillage + photopolymérisation. Les produits de maquillage sont délicatement appliqués sur les zones stratégiques au pinceau puis sont polymérisés ;

• glaçure composite + photopolymérisation finale. La pièce prothétique est laquée par une résine résistante pour protéger le maquillage superficiel (une seule couche appliquée à la microbrosse) et est photopolymérisée à 350-500 nm pendant 60 secondes.

Maquillage des restaurations temporaires

La réalisation d’une restauration temporaire est indispensable dans tous les cas de restauration, quels que soient le secteur (antérieur ou postérieur) et la solution définitive envisagée (couronne, facette, inlay-onlay). La prothèse provisoire n’a pas pour seule vocation de rétablir la fonction, elle doit préfigurer la restauration définitive et sa couleur a un impact psychologique positif immédiat sur le patient. Afin d’atteindre cet objectif esthétique, le chirurgien-dentiste dispose de plusieurs « outils » [7-10].

Les matériaux utilisés pour caractériser les restaurations temporaires peuvent être les produits de maquillage fluides composites et les produits de maquillage prémélangés ou à mélanger pigments/résine à base de méthacrylate photopolymérisables. Pour ces derniers, des coffrets consacrés spécialement au maquillage des restaurations temporaires sont commercialisés.

Maquillage des dents antérieures (cas clinique n° 3, fig. 26 à 29)

Le maquillage des restaurations temporaires antérieures doit pouvoir être rationnel. Autrement dit, la caractérisation des restaurations provisoires se veut en adéquation avec une pratique de cabinet, de réalisation rapide avec une séquence simple. La « technique brun, ocre, blanc » préconisée par le Dr. Lasserre permet en quelques gestes simples d’obtenir une intégration des prothèses provisoires en bouche. Une fois les modificateurs de couleur appliqués en surface, ceux-ci doivent être protégés par une couche de résine fluide photopolymérisable venant laquer l’ensemble (équivalent à une « glaçure composite ») [11-14].

Le déroulement clinique du maquillage de la pièce prothétique provisoire peut revêtir deux formes :

• en dehors de la bouche. Cela a pour avantage la manipulation aisée de la restauration temporaire lors des différentes phases de caractérisation ;

• en bouche. Cela a pour avantage de vérifier directement si la modification de couleur s’intègre correctement aux tissus environnants.

Quelle que soit la méthode utilisée, les étapes de préparation restent les mêmes : une fois la restauration provisoire ajustée cervicalement et réglée en occlusion, elle est polie à la ponce ou au disque gros grain sans être brillantée. Dès lors, les modificateurs de couleur sont utilisées.

L’application des produits de maquillage est facilitée par la surface légèrement rugueuse. Par ailleurs, les différents aplats de couleurs doivent être estompés au pinceau ou avec un doigt ganté afin d’éviter la sensation de « couleurs en drapeau » (bandes horizontales saturées de teintes franches sans dégradés). Les différentes applications de produits de maquillage peuvent être photopolymérisées ou mélangées selon l’effet souhaité. Une fois la caractérisation terminée, l’ensemble des aplats de produits de maquillage est recouvert par une résine fluide venant protéger les différents pigments et cette dernière sera à son tour photopolymérisée.

Maquillage des dents postérieures

Le maquillage des restaurations temporaires postérieures intervient après l’ébarbage des excès, le réglage de l’occlusion et, enfin, le polissage à la ponce. Les sillons sont légèrement marqués au scalpel (les lames 11 et 12 sont les plus appropriées) ou à la fraise flamme grains fins. On utilise dès lors classiquement des produits de maquillage ocre et bruns pour caractériser les sillons et un intensif blanc pour les cuspides avant de laquer l’ensemble des surfaces à l’identique de la technique décrite pour le maquillage des restaurations provisoires antérieures [15].

Maquillage des prothèses amovibles

L’utilisation de « dents du commerce » produites en série implique nécessairement que l’on retrouve un nombre limité de critères morphologiques et de couleurs par rapport à la dent naturelle et à sa diversité. Afin qu’elles soient adaptées à un maximum de situations, seuls les grands traits des dents naturelles sont reproduits par les dents du commerce.

Le but de la caractérisation est d’obtenir une personnalisation des dents prothétiques standardisées afin de créer l’illusion d’un sourire naturel.

L’objectif peut être de reproduire l’aspect des dents naturelles en cas de prothèse bimaxillaire ou d’harmoniser parfaitement les dents prothétiques avec les dents antagonistes/adjacentes en cas de prothèse unimaxillaire/partielle.

Les dents destinées à la confection des prothèses amovibles, qu’elles soient en résine ou en céramique, peuvent être maquillées. Cependant, les méthodes de caractérisation existantes peuvent s’avérer plus ou moins fastidieuses et nécessiter un niveau de technicité élevé.

Pour cette raison, les méthodes de maquillage retenues par le chirurgien-dentiste concernent uniquement les caractérisations des dents en résine par technique superficielle sur des prothèses amovibles montées et polymérisées.

Seront écartées les caractérisations trop complexes et chronophages des dents en céramique (maquillage interne ou superficiel) ou en résine avant montage. En effet, la modification de la couleur des dents céramiques par maquillage interne associé à un remodelage par addition de volumes est une technique complexe et délicate proche de la prothèse fixée. Par ailleurs, le maquillage superficiel des dents en céramique nécessite une cuisson, celle-ci s’effectuant avant le montage des dents. Ces deux dernières méthodes sont donc éliminées d’emblée dans une pratique de cabinet et sont dévolues exclusivement aux techniciens laboratoires.

Le maquillage des dents en résine consiste en l’apport de colorants de surface. Pour une tenue plus pérenne des produits de maquillage sur l’appareil amovible, le protocole recommandé est le suivant : le traitement de surface préconisé par la majorité des firmes commerciales est un sablage des surfaces (oxyde d’aluminium 100 µm à 1,5 bar) suivi d’un rinçage et d’un dégraissage à l’alcool. Une fois les surfaces sèches, l’application d’un liant résineux (un adhésif pour les produits de maquillage composites) vient optimiser la liaison entre la surface de la dent du commerce et les produits de maquillage [16-20].

Les différentes techniques de maquillage des dents prothétiques, quelle que soit leur composition, permettent de rompre la monotonie d’un montage classique que l’on peut retrouver chez la majorité des porteurs de prothèses amovibles. La réalisation de telles prothèses permet au patient d’avoir un accès complet à une prothèse esthétique faite « sur-mesure ». Aux différents produits de maquillage composites ou à base méthacrylate préalablement évoqués, compatibles avec la caractérisation superficielle des prothèses amovibles, viennent s’ajouter des coffrets spécialement consacrés à cette tâche.

Conclusion

Dans son exercice quotidien, le chirurgien-dentiste peut accéder aux doléances du patient lors de la personnalisation de ses restaurations.

La plupart des méthodes recommandées sont dérivées de celles des techniciens de laboratoire. Cependant, l’utilisation de produits de maquillage n’est désormais plus uniquement l’apanage du prothésiste mais concerne directement la pratique du chirurgien-dentiste au cabinet. Dans cette optique, un certain nombre de coffrets de maquillage « simplifiés » sont maintenant disponibles pour le praticien. L’intégration de tels artifices pour améliorer le mimétisme des restaurations avec la nature doit se faire selon une approche raisonnée. Autrement dit, les techniques avancées de caractérisation, trop complexes ou chronophages (personnalisation prothétique dans la masse, techniques de cut back, réalisation des fausses gencives nuancées des prothèses amovibles…), seront écartées par le dentiste et confiées aux techniciens de laboratoire.

L’évolution constante des matériaux et de leur mise en œuvre en CFAO rend possible la réalisation de prothèses dentaires harmonieusement intégrées. Les nouveaux systèmes de restauration par CFAO permettent aux cabinets équipés de façonner des couronnes tout céramique sans procéder à une stratification individuelle avec une céramique cosmétique. La couronne est usinée selon la géométrie voulue dans un bloc préfabriqué à l’aide de fraises diamantées. Si ces couronnes tout céramique n’atteignent pas le niveau esthétique élevé des céramiques stratifiées, elles conviennent néanmoins parfaitement dans le cadre de nombreuses indications, notamment dans le secteur postérieur. Pour améliorer le mimétisme de ces restaurations, le maquillage offre une possibilité intéressante aux praticiens soucieux de personnaliser leurs couronnes par quelques corrections chromatiques.

Afin de remplir l’objectif esthétique des restaurations temporaires et de renforcer psychologiquement l’adhésion du patient au plan de traitement, les modificateurs de couleur s’avèrent être d’une grande aide.

De même, les prothèses amovibles peuvent être personnalisées par le praticien. Le chirurgien-dentiste désireux de parfaire l’intégration esthétique de la prothèse amovible chez son patient limitera toutefois son approche uniquement au facteur dentaire par maquillage superficiel.

Les auteurs tiennent à remercier le Dr Yves Allard dont l’expérience clinique dans le domaine de la CFAO est une véritable source d’inspiration ainsi que M. Stan Duterlay pour sa participation active dans les cas cliniques ici présentés.

Bibliographie

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À RETENIR

• Les blocs IPS e.max® CAD de disilicate de lithium, tout comme les autres céramiques usinables en CFAO, peuvent avoir les caractérisations individuelles et la glaçure réalisées selon la technique 2 en 1 décrite ci-dessus. De plus, celle-ci s’effectue avant la cuisson de cristallisation sur la restauration encore « bleue ». La cuisson finale correspond donc à une cuisson combinée : cristallisation + glaçage/produits de maquillage.

• Chaque zone stratégique de la dent postérieure peut être caractérisée avec un produit de maquillage adéquat. Tout comme le maquillage des dents antérieures, celui des dents postérieures doit être fait avec tact et mesure : l’application excessive de produits de maquillage aura pour répercussion un aspect saturé caricatural de la restauration.

À RETENIR

• Les masques esthétiques (mock-up), tout comme les provisoires lors de la phase de temporisation des réalisations de facettes collées, peuvent être maquillés selon les mêmes critères qu’une restauration temporaire antérieure conventionnelle.

CAS CLINIQUE N° 1

1 à 20 Quatre blocs Vita Enamic® (céramique hybride au réseau principal de céramique renforcé par un polymère) translucides de couleur Vita 3D-Master® 1M2 ont été conçus sur logiciel CEREC 4.4 et fabriqués par unité d’usinage CEREC MC (Sirona). Le set de modificateurs de couleur utilisé dans le protocole est le GC Optiglaze Color®. La technique de caractérisation comporte 3 temps :

• préparation de la pièce à maquiller : séparation de la couronne de son bloc d’usinage (fig. 1), polissage de la section de la tige (fig. 2), texture de surface microgéographie horizontale (fig. 3), usure du bord libre (fig. 4), fissure vestibulaire (fig. 5), émaillage (fig. 6), brisures amélaires incisales (fig. 7), adoucissement du travail de caractérisation de surface (fig. 8) ;

• nettoyage, primer (Ceramic Primer II) (fig. 9 et 10),

• application des produits de maquillage : zone cervicale miellée (fig. 11), bord libre gris bleuté (fig. 12), tache blanche punctiforme (fig. 13), bord libre avec apparition de plages dentinaires jaunâtres (fig. 14), fissure brune (fig. 15), coloration incisale brun soutenu (fig. 16), fêlure marron incrustée à l’aide d’une lame (fig. 17) et zones d’usure en brun mordoré (fig. 18 et 19), photopolymérisation terminale (40 secondes sur chaque face). La couleur est vérifiée in fine via le spectrophotomètre Vita Easyshade® V.

La couleur initiale 1M2 a pu être déclinée par maquillage en 2M2, 3M2 et 4M2. Le protocole proposé est simple, au nombre d’étapes réduit, compatible avec une pratique « au fauteuil » cohérente en cabinet dentaire. Les « 4 saisons dentaires » et leur cohorte de caractérisations ont ainsi pu être reproduites à l’aide d’un maquillage superficiel (fig. 20).

CAS CLINIQUE N° 2

CAS CLINIQUE N° 3