(4-META/MMA -TBB) aux protocoles chirurgicaux parodontaux (1re partie) - Clinic n° 02 du 01/02/2014
 

Clinic n° 02 du 01/02/2014

 

Apports d’une résine

PARODONTOLOGIE

Gérard AOUATE  

Docteur en Chirurgie Dentaire
Docteur en Sciences Odontologiques
Expert près la Cour d’Appel de Paris
41 rue Étienne Marcel 75001 Paris

Cet article est le premier d’une série de deux. Il est consacré à l’utilisation de la résine 4-META/MMA-TBB en parodontologie. Le second traitera de son application en implantologie.

Le but de cette première partie est de montrer, au travers de quatre applications cliniques, l’apport de cette résine adhésive sur les substrats parodontaux et dentaires dans un environnement contaminé et humide. Cette résine, très faiblement cytotoxique et produisant un haut degré de polymérisation, est dotée d’une biocompatibilité élevée après prise complète.

Les modes opératoires et l’attitude du clinicien vis-à-vis des tissus dentaires ont foncièrement changé les fondements de la dentisterie qui est passée de l’âge de la dentisterie mécanique à celui de la dentisterie adhésive.

Cette nouvelle dentisterie a permis une pratique plus respectueuse de l’environnement tissulaire, plus génératrice de succès dans l’esthétique dentaire par la connaissance plus éclairée et plus fine de la compréhension des mécanismes impliqués dans l’adhésion aux tissus (émail et dentine), aux métaux ou aux porcelaines.

Parmi ces produits dits de collage, une résine adhésive, le 4-META/MMA-TBB (4-methacryloxyethyl trimellitate anhydride/methyl methacrylate-tri-n-butyl borane) est, depuis près de 30 ans en situation clinique, un matériau polyvalent. Plusieurs études ont mis en évidence ses propriétés hautement adhésives à l’émail [1], à la dentine [1], au cément [2, 3] et à l’os [4, 5] ainsi que sa relative biocompatibilité avec le complexe dentino-pulpaire [6, 7] et les tissus parodontaux [8].

Le Super-Bond C & B (Sun Médical, distribué par Generique International) est classé parmi les résines adhésives. Cette résine adhésive est pourvue d’un comportement viscoélastique offrant ainsi une capacité de relaxation des contraintes. À partir de ces résultats, le 4-META/MMA-TBB a montré certaines capacités lors de la cicatrisation muqueuse [9] ou en tant que pansement à la suite de chirurgies parodontales ou d’autotransplantations dentaires [10]. Les propriétés de ce matériau se sont avérées être des avantages dans des applications telles que le coiffage pulpaire direct [11], le traitement des racines dentaires fracturées [12] et la chirurgie parodontale, là où des résines dépourvues de ces attributs n’ont pas produit les effets attendus dans des conditions opératoires où la contamination et la difficulté à maintenir un état de siccité sont la règle. A contrario, le 4-META/MMA-TBB voit la valeur de sa force d’adhésion rester intacte sur de la dentine imprégnée de sang et augmenter sur ce même tissu s’il est contaminé [13].

La capacité de cette résine adhésive de produire une liaison efficace et durable dans des situations difficiles a incité cliniciens et auteurs à l’utiliser pour la chirurgie parodontale.

Vis-à-vis du tissu osseux, l’évaluation de l’adhésion a produit sur l’os in vitro des résultats remarquables avec une couche hybride, véritable manifestation du phénomène de collage de la résine adhésive à l’os, les ciments conventionnels n’ayant mis en évidence qu’une liaison de type fibreux [14].

Le matériau idéal considéré d’un point de vue chirurgical parodontal doit être doté des qualités suivantes : présenter une bonne tolérance dans un environnement humide, avoir des caractéristiques cytotoxiques très réduites, être non résorbable, bactériostatique, stable d’un point de vue dimensionnel, biocompatible, de manipulation aisée et rendre possible la réattache conjonctive.

Dégagement chirurgical d’une incisive centrale incluse et collage d’une attache orthodontique (fig. 1 à 6)

Un jeune patient âgé de 9 ans a engagé un traitement orthodontique s’adressant à l’éruption en position ectopique de la 21 (incisive centrale supérieure gauche). La téléradiographie de profil indique une orientation horizontale de l’incisive en position haute dans le vestibule. D’autres problèmes coexistent et seront pris en charge par l’orthodontiste pour aboutir à une normoposition.

Le film radiographique occlusal permet d’objectiver les tissus durs parodontaux et l’amplitude de la malposition. La 21 subira une traction orthodontique orientée vers le bas et vers l’arrière. Après anesthésie, un lambeau d’épaisseur totale permet d’accéder à la 21 et d’exposer totalement sa face vestibulaire. Le bouton de collage prendra place sur la face vestibulaire. Cette attache, qui se présente comme une petite grille ronde munie d’une boucle, est collée en respectant le protocole de collage du Super-Bond C & B.

Le collage au milieu des fluides sanguins ne peut se faire aisément que grâce aux propriétés particulières de la résine 4-META/MMA-TBB vis-à-vis des substrats dentaires [14].

La qualité du collage est testée au bout de 6 minutes, durée qui correspond au temps de prise de la résine. La permanence de la fixation de l’attache est appréciée et confirmée au moment des soins postopératoires et de la dépose des fils. La poudre choisie est radio-opaque.

À 1 an postopératoire, l’examen clinique du jeune patient montre le parfait positionnement de l’incisive sur l’arcade. Les tissus parodontaux ont suivi la traction de la dent lors de son déplacement. L’absence d’harmonie du feston gingival entre les deux incisives centrales nécessitera une correction par une chirurgie plastique à visée esthétique proposée aux parents du jeune patient.

Dégagement chirurgical d’une canine incluse et collage d’une attache orthodontique

Cette procédure, c’est-à-dire la mise en place chirurgico-orthodontique, s’applique également lors d’un abord plus difficile qui est celui de l’abord palatin et qui correspond à la situation de la canine incluse dans près de 9 cas sur 10. Cette intervention est d’autant plus délicate que la dent incluse est en position haute, ce qui est souvent le cas des canines incluses en situation horizontale et apicale par rapport aux apex des dents adjacentes.

La résine 4-META/MMA-TBB permet, dans un site opératoire où l’hémostase est difficile à pratiquer, de coller une attache avec une grande sécurité, ce qui facilite aussi bien pour le praticien que pour le patient l’acte opératoire par rapport à une séquence d’actes comprenant un collage différé obligeant le patient à revenir pour une seconde séance.

Lorsque la visibilité devient faible en rapport avec la situation intratissulaire profonde de la canine, la résine 4-META/MMA-TBB est une option de choix du fait de sa teinte (ici poudre opaque) et, surtout, du fait de ses propriétés viscoélastiques où le risque de fuite d’une de ses parties dans les tissus environnants est quasiment inexistant.

Ce jeune patient, âgé de 12 ans, présente une 23 incluse avec persistance de la 63. L’extraction de la 63 se fait au moment de l’accès chirurgical (fig. 7 à 14).

Protection et couverture de sites donneurs de greffons gingivaux

Les pansements parodontaux ont été introduits pour la première fois en 1923 quand Ward recommanda l’utilisation d’une pâte dérivée de l’eugénate. Depuis, nombreuses sont les propositions faites de pansements parodontaux, qui vont des plaques en résine en passant par les colles cyanoacrylates jusqu’aux ciments chirurgicaux (pack parodontal) seuls ou éventuellement en association avec des ligatures métalliques.

Les indications du pansement parodontal restent limitées actuellement aux chirurgies à lambeaux avec repositionnement apical [16] où ils permettent de s’opposer initialement au déplacement des tissus mous en direction coronaire. Les greffes gingivales libres bénéficient éventuellement de l’utilisation de ces pansements parodontaux [17].

Ainsi, malgré les avancées remarquables produites en chirurgie parodontale, les pansements parodontaux gardent toutes leurs indications. Il ne faut jamais oublier que ces produits seront en contact direct avec des tissus vivants et qu’ils ne devront pas en empêcher la cicatrisation normale.

La cytocompatibilté de divers pansements parodontaux couramment utilisés en chirurgie parodontale, étudiée en termes de réponses de cultures cellulaires sur une durée d’étude de 24 à 48 heures, a montré soit une biocompatibilité totale pour l’un d’eux soit, pour les autres, des réactions cytotoxiques modérées à sévères [18].

Différentes propositions ont été faites, dont des sutures associées ou non à une colle tissulaire (Histoacryl®, B. Braun Medical SAS) ou des plaques palatines amovibles thermoformées ou en résine rose, les packs chirurgicaux ayant un pronostic de maintien faible dans le temps.

Une proposition consiste à utiliser de la résine 4- META/MMA-TBB qui, par son adhésion aux tissus durs dentaires et par son absence de nocivité sur les tissus mous, se maintiendra jusqu’à la séance des soins postopératoires dans des indications de protection de sites donneurs palatins.

La résine 4-META/MMA-TBB employée dans les procédures de régénération tissulaire guidée [19] a montré qu’elle pouvait apporter simplicité et fiabilité dans des procédures réputées difficiles et exigeantes. Dans ce protocole, la résine adhésive remplace les sutures suspendues en permettant l’adhésion de la membrane non résorbable ou de la membrane résorbable à l’émail dentaire, réalisant ainsi un véritable scellement, hermétique aux cellules épithéliales et favorisant l’action des cellules du ligament parodontal.

Tsuchiya et al. [20] ont étudié le comportement de l’attache épithéliale et de l’épithélium gingival chez le rat au contact direct de la résine 4-META/MMA-TBB après une gingivectomie. Leurs résultats indiquent que la résine ne semble ni affecter le rythme de la régénération ni la cicatrisation des tissus opérés. De plus, une adhésion semble exister entre la résine et l’épithélium en régénération, au moyen d’une membrane basale et d’hémidesmosomes.

Dans le cas présenté ici, un patient âgé de 45 ans consulte pour un traitement de chirurgie plastique parodontale de ses dents atteintes de récessions gingivales. Pour ce traitement, le site donneur est classiquement la gencive palatine dont le prélèvement en épaisseur totale laisse un os palatin dépériosté dont la protection représente une des difficultés (fig. 15 à 21).

Sutures en chirurgie parodontale (fig. 22 et 23)

Dans le cas de lambeaux déplacés apicalement, l’emploi de Super-Bond C & B peut trouver une justification, par collage sur l’émail, la dentine ou le cément tout en maintenant dans sa position le lambeau, empêchant son déplacement en direction coronaire.

Tomita et al. [19] utilisent la résine 4-META/MMA-TBB en remplacement de sutures suspendues dans la fixation d’une membrane de régénération et la considèrent comme une solution de remplacement valable permettant de diminuer les risques d’échec de la régénération tissulaire guidée.

Discussion

Depuis plus de 30 ans la résine adhésive 4-META/ MMA-TBB n’a pas changé de formule et est largement utilisée en dentisterie adhésive.

Il est fondamental de retenir que les composants essentiels du Super-Bond C & B sont ceux-là mêmes que l’on retrouve dans la résine acrylique autopolymérisable, résine la plus utilisée au monde. Une de ses propriétés physiques fondamentales est qu’elle est pourvue d’un point de rupture élevé et que sous une charge, plutôt que de se fracturer, elle déploie une déformation plastique importante qui s’accompagne d’un changement de forme.

À côté de cette propriété dite de résilience, pertinente et rassurante pour le clinicien, et en plus de l’adhésion de cette résine aux tissus durs dentaires et parodontaux (émail, dentine, cément, os, tissu pulpaire et tissus parodontaux), à la céramique et aux métaux, des particularités biologiques ont été mises en évidence, lui ouvrant la voie à des utilisations que peu de matériaux pouvaient satisfaire du fait de son haut degré de polymérisation en milieu humide et de sa biocompatibilité.

La mise en œuvre de ce matériau dans les diverses chirurgies parodontales a permis de mener à bien ces actes sans effets indésirables ni complications mais cet emploi a été possible grâce à l’appui très important de la littérature scientifique dont il fait l’objet depuis son apparition sur le marché. Ces études sont, pour les cliniciens que nous sommes, un solide gage de la cohérence et de la logique à sa mise en œuvre.

Ce matériau, originellement conçu pour coller « ce qui se trouvait au-dessus de la gencive », s’est vu couronné d’une polyvalence le rendant propre à des applications chirurgicales où le sang et les fluides sont difficilement contrôlables.

Conclusion

La résine adhésive 4-META/MMA-TBB a montré qu’elle pouvait avantageusement être mise en situation clinique vis-à-vis des tissus parodontaux dans le cadre d’interventions décrites dans cet article.

Cette résine adhésive, au travers des études, déploie ses nombreuses qualités faisant d’elle un atout en raison de sa relative absence de toxicité et de ses capacités au collage sur des substrats à la fois biologiques et non biologiques.

L’étroite proximité des tissus dentaires et parodontaux représente souvent un défi pour le clinicien compte tenu de leur hétérogénéité histologique lorsque la situation nécessite le recours à des techniques d’adhésion.

Si la parodontologie, en raison de la diversité tissulaire, a pu profiter avantageusement de l’utilisation de cette résine adhésive, la mise en jeu en implantologie d’autres substrats tels que les membranes de régénération, des surfaces métalliques ou en ­céramique a constitué un argument adéquat à l’introduction et à l’emploi du Super-Bond C & B dans cette discipline.

La seconde partie de cet article sera dévolue à ses applications en implantologie.

Des études restent toutefois nécessaires pour confirmer ces constatations prometteuses sur le long terme.

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