Apports d’une résine adhésive (4-META/MMA-TBB) aux protocoles chirurgicaux implantaires (2e partie) - Clinic n° 03 du 01/03/2014
 

Clinic n° 03 du 01/03/2014

 

CHIRURGIE – IMPLANTOLOGIE

Gérard AOUATE  

Docteur en Chirurgie Dentaire
Docteur en Sciences Odontologiques
Expert près la Cour d’Appel de Paris
41 rue Étienne Marcel
75001 Paris

Cet article, second d’une série de deux, est la suite des applications cliniques décrites dans notre article précédent intitulé Apports d’une résine adhésive (4 META/MMA-TBB) aux protocoles chirurgicaux parodontaux, 1re partie (Clinic 2014;35:87-93). Cette seconde partie met en œuvre des techniques et des modes opératoires issus de ceux décrits dans le premier article mais pour des indications de traitements différentes et spécifiques se rapportant à l’implantologie, si dissemblable et distincte de la parodontologie. Et c’est dans ce sens que la résine adhésive (4 META/MMA-TBB) peut faire valoir et prévaloir ses qualités étendues.

Les protocoles chirurgicaux implantaires ont fortement bénéficié des modes opératoires élaborés pour les tissus dentaires et les tissus mous et, en quelque sorte, dérivés de la parodontologie. Nous avons ainsi une discipline, la discipline parodontale, qui a cédé certains de ses acquis à un ­domaine voisin mais distinct, la dentisterie implantaire. Pour mémoire, citons parmi eux la chirurgie muco-gingivale, la régé­nération osseuse guidée ou les facteurs de croissance, chacun ayant participé à l’essor que l’on connaît de la science implantaire.

Ces modes opératoires ont été appliqués aux techniques implantaires où l’attitude exercée du clinicien vis-à-vis des tissus dentaires a connu un tournant majeur lorsque des entités histologiques comme le tissu osseux ou l’épithélium deviennent des hôtes logiques de la résine adhésive 4-META/MMA-TBB (4-methacryloxyethyl trimellitate anhydride/methyl methacrylate-tri-n-butyl borane), biologiquement compatible. À partir de là, coller une surface métallique à de l’os grâce à une résine adhésive est devenu possible.

Cette nouvelle dentisterie a permis une pratique respectant mieux qu’avant l’environnement tissulaire, avec un meilleur taux de succès en matière d’esthétique dentaire grâce à la compréhension plus éclairée et plus fine des mécanismes impliqués dans l’adhésion aux tissus.

Une résine adhésive, produit de collage, le 4-META/MMA-TBB, est devenue depuis près de 30 ans en situation clinique un matériau polyvalent. Pour la bonne compréhension de ce qui va suivre, et pour une meilleure clarté des phénomènes et interactions impliqués, rappelons que nombreuses sont les études ayant mis en évidence les propriétés spécifiques de cette résine hautement adhésive à l’émail [1], à la dentine [1], au cément [2, 3] et à l’os [4, 5] et sa relative biocompatibilité avec le complexe dentino-pulpaire [6, 7] ainsi qu’avec les tissus parodontaux [8].

À partir de ces résultats, le 4-META/ MMA-TBB a montré certaines capacités lors de la cicatrisation muqueuse [9] ou en tant que pansement à la suite de chirurgies parodontales ou d’autotransplantations dentaires [10].

Les caractéristiques de ce matériau produisent des propriétés au sein du complexe dento-parodontal lui conférant une qualité de continuum. Cette harmonie – ou cette possibilité d’union – entre substrats voisins ou très différents avait fait son entrée de manière spectaculaire et improbable en 1973 lorsque, pour la première fois, des substrats dentaires pouvaient être collés à des substrats non dentaires [11] (fig. 1).

Les propriétés de ce matériau se sont avérées être des avantages dans des applications telles que le coiffage pulpaire direct, le traitement des racines dentaires fracturées [12] ou la chirurgie parodontale là où des résines dépourvues de ses attributs n’ont pas produit les effets attendus dans des conditions opératoires où la contamination et la difficulté à maintenir un état de siccité sont la règle.

Plutôt, le 4-META/MMA-TBB voit la valeur de sa force d’adhésion rester intacte sur de la dentine ­imprégnée de sang et augmenter sur ce même tissu s’il est contaminé [13].

La capacité de cette résine adhésive à produire une liaison efficace et durable dans des situations difficiles a incité cliniciens et auteurs à l’utiliser pour la chirurgie parodontale et pour la chirurgie implantaire.

Vis-à-vis du tissu osseux, l’évaluation de l’adhésion a produit sur l’os in vitro des résultats remarquables avec une couche hybride, véritable manifestation du phénomène de collage de la résine adhésive à l’os, les ciments conventionnels n’ayant mis en évidence qu’une liaison de type fibreux [14].

Le matériau idéal considéré d’un point de vue ­chirurgical parodontal doit être doté des qualités suivantes : présenter une bonne tolérance dans un environnement humide, avoir des caractéristiques cytotoxiques très réduites, être non résorbable, bactériostatique, stable d’un point de vue dimensionnel, biocompatible, de manipulation aisée et rendre possible la réattache conjonctive.

Le but de cet article (second d’une série de deux dont le premier est consacré aux applications de la résine 4-META/MMA-TBB en parodontologie) est de montrer, à travers plusieurs applications cliniques, l’apport de cette résine adhésive très faiblement cytotoxique, produisant un haut degré de polymérisation sur les substrats parodontaux et dentaires dans un environnement contaminé et humide et doté d’une biocompatibilité élevée après prise complète.

Temporisation préchirurgicale implantaire d’une racine fracturée (fig. 2 à 20)

Une jeune femme âgée de 21 ans se présente à la consultation à la suite du descellement répété de la coiffe céramo-métallique sur la racine de l’incisive centrale supérieure droite dont le diagnostic (fracture radiculaire verticale) a été fait lors d’un collage précédent de sa prothèse unitaire. Le pronostic de cette dent est sombre et, en attendant la mise en œuvre du traitement implantaire choisi par la patiente, une solution d’attente doit être envisagée.

La fracture radiculaire s’accompagne d’une inflammation des tissus parodontaux, d’un saignement et de l’exsudation de fluide gingival qui vont rendre difficile la fixation même provisoire de sa prothèse unitaire.

Dans ces conditions, défavorables, la résine 4-META/ MMA-TBB va permettre la mise en œuvre de cette fonction d’union de la coiffe céramo-métallique sur des tissus dentinaires amoindris grâce à ses propriétés de valeur d’adhésion aux substrats dentaires, sa biocompatibilité et sa relative absence de toxicité [15].

L’activateur rouge est appliqué préalablement sur la racine nettoyée avec une boulette de mousse ainsi que sur l’ancrage radiculaire de la coiffe céramo-métallique. La résine est ensuite déposée dans sa phase liquide sur la racine et dans l’intrados de la prothèse.

La polyvalence de cette résine lui permet d’assurer ce premier collage par un second collage de contention de la coiffe céramo-métallique (dent 11) à la coiffe de céramique voisine (dent 21) par le biais d’un agent de couplage, le Porcelain Liner M (Sun Medical, distribué par Generique International). La fixité prothétique obtenue, associée à l’étanchéité procurée par l’infiltration dans la couche d’hybridation de la dentine, induit une réduction des phénomènes inflammatoires parodontaux redonnant un aspect et une consistance plus fermes à la gencive, proche des caractères de normalité.

Deux techniques de préparation du Super-Bond C & B sont décrites : la technique du mélange classique et la technique du pinceau.

Technique du mélange classique

La technique du mélange classique consiste à dépo­ser dans un godet réfrigéré le monomère à raison de 4 gouttes pour ensuite 1 goutte de catalyseur S auxquelles il faut ajouter une petite dose de la cuillère mesure (ou alors, en cas de besoin d’une plus grande quantité de produit, 8 gouttes pour 2 gouttes de catalyseur S auxquelles il faut ajouter une grande dose de la cuillère mesure).

Après l’apport de poudre dans le godet, remuer ­légèrement avec un pinceau. Immédiatement après le mélange, appliquer le Super-Bond C & B sur les surfaces à l’aide du pinceau. Positionner sans délai la restauration sur la préparation dentaire. Presser et maintenir jusqu’à polymérisation totale.

Le temps de prise total est de 8 à 10 minutes à 37 °C pour un rapport poudre/polymère sur monomère standard. Puis retirer les excès de ciment.

Astuces :

• pour augmenter le temps de travail, utiliser une poudre L-Type et/ou réduire le rapport entre la poudre et le monomère en utilisant la petite cuillère ­mesure dosée à 0,75 ;

• pour obtenir un temps de prise plus court avec un temps de travail raisonnable, utiliser une poudre L-Type et augmenter le rapport entre la poudre et le monomère en utilisant la grande cuillère mesure dosée à 1,2.

Technique du pinceau

La technique du mélange classique est dite universelle et a la préférence de l’auteur mais la technique du pinceau a également ses adeptes qui justifient leur choix en ce qu’elle produit un apport de produit très homogène minimisant le risque d’inclusion de bulles d’air et autorisant, dans un cas clinique comme la contention de dents mobiles par exemple, un travail en continu plus approprié à des ajouts de Super-Bond C & B par petits volumes plutôt qu’en masse.

Ainsi, pour cette technique dite du pinceau, déposer la quantité de poudre polymère souhaitée dans l’emplacement marqué « P » du godet de mélange et le monomère dans l’emplacement marqué « L ». Activer le monomère en apportant le nombre de gouttes nécessaires de catalyseur puis remuer doucement avec un pinceau. Appliquer le monomère activé au pinceau sur la surface à coller.

Tremper la brossette dans le monomère activé dans l’emplacement marqué « L » du godet. Éliminer l’excès de liquide sur les bords du godet. Placer la pointe du pinceau dans la poudre polymère dans l’emplacement marqué « P » du godet. Une petite boule de poudre va se fixer sur la pointe mouillée du pinceau. Appliquer la boule sur la surface à coller. Positionner immédiatement la restauration en bouche et maintenir fortement jusqu’à la totale ­polymérisation (le temps de prise total est de 5 à 6 minutes à 37 °C). Retirer les excès de ciment.

Le traitement d’urgence de fixation de sa coiffe prothétique a procuré à la patiente un sentiment de sécurité et a créé, pour le praticien, un environnement tissulaire plus favorable au traitement implantaire programmé.

Cette étape, appelée intermédiaire, utilisant la résine 4-META/MMA-TBB, entre la réception de la patiente en urgence et le traitement implantaire, a permis de créer des conditions psychologiques et tissulaires favorisant la bonne conduite du traitement global.

La phase implantaire va consister à extraire la racine renforcée par la résine adhésive et à poser un ­implant endo-osseux en un seul temps chirurgical.

Contention de dents mobiles en peropératoire chirurgical

Cette technique est illustrée par les figures 21 à 26.

Contention de dents mobiles en préopératoire permettant de réaliser une empreinte

Cette technique est illustrée par les figures 27 à 29.

Contention d’une dent mobile en préopératoire avant la pose d’un implant (fig. 30 à 39)

La contention de dents mobiles est un des domaines ou le Super-Bond C & B trouve son indication majeure là où, généralement, les forces de cisaillement nécessitent un matériau de collage particulier. L’efficacité de ce protocole est telle qu’il est ­aujourd’hui le matériau de choix en raison de son adhésion aux substrats dentaires ; c’est un matériau autoadhésif qui s’utilise sans primer d’adhésion. Précédée d’acide phosphorique, la colle adhésive permet d’obtenir de meilleurs résultats qu’en l’absence d’acide phosphorique grâce à la couche hybride développée sur la dentine.

La résine 4-META/MMA-TBB, qui présente de hautes valeurs d’adhésion aux structures dentaires saines, semblerait en dispenser également aux structures dentaires cariées mais de manière significativement inférieure malgré une couche hybride épaisse (selon le résumé du rapport présenté à la 83e séance générale de l’IADR à Baltimore, mars 2005). C’est un matériau qui n’est pas cassant comme le sont les composites mais qui est nanti de propriétés viscoélastiques absorbant les contraintes, ce qui le rend souvent difficile à éliminer à la surface des dents à la fin du traitement.

Discussion

Depuis plus de 30 ans, la résine adhésive 4-META/ MMA-TBB fait l’objet d’études mettant en évidence ses qualités d’adhésion à différents tissus et matériaux qui prouvent qu’elle possédait dès le début des capacités la rendant propre à produire d’excellents résultats pour une formule inchangée.

Sa polyvalence a permis d’autres applications ­insoupçonnées à l’origine, notamment chirurgicales, où la résine adhère à l’épithélium en cours de régénération chez le rat expérimental [16] et où une couche d’hybridation au cément sur des dents de bovins extraites est décrite [13].

Le tissu pulpaire, le périapex et les tissus parodontaux font l’objet d’études montrant que les limites d’utilisation de cette résine sont repoussées, la rendant originale dans sa catégorie surtout du fait de ses propriétés spécifiques en milieu humide.

Ces propriétés la rendent adaptée aux actes chirur­gicaux où le sang et les fluides sont difficilement contrôlables dans la mesure des indications que nous avons mises en œuvre dans les cas cliniques présentés.

Takefu et al. [17] montrent que si une contamination sanguine se produit sur la surface dentinaire, le fait de rincer la dentine du sang avant l’application de l’activateur vert réduit l’effet de cette contamination alors que la rincer après cette application réduit de manière significative la quantité d’adhésion.

Ce matériau n’est cependant pas dépourvu de toxicité vis-à-vis des tissus vivants mais à un niveau considéré comme faible. En revanche, sa haute biocompatibilité après prise complète est confirmée au rythme des publications successives.

Conclusion

La résine adhésive 4-META/MMA-TBB a montré de par ses propriétés qu’elle pouvait avantageusement être mise en situation vis-à-vis des tissus dentaires dont le tissu pulpaire. Plus récemment la résine adhésive 4-META/MMA-TBB a connu des développements (issus de manière probante et convaincante de son utilisation en science parodontale) suscitant son emploi en science implantaire.

Ce matériau possède une haute aptitude quand il est mis en contact avec les tissus biologiques et il agit comme une interface précieuse lors des actes prothétiques et chirurgicaux au quotidien.

Des études sont nécessaires pour confirmer à long terme ces constatations prometteuses.

Bibliographie

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