Dépister sans systématiser - Clinic n° 04 du 01/04/2014
 

Clinic n° 04 du 01/04/2014

 

PRÉSOMPTION D’INNOCENCE EN PARODONTIE

À la page

Marc DANAN  

Comment expliquer la prévalence des parodontites aujourd’hui ? Comment initier les omnipraticiens à la parodontie ? Comment tenter d’éviter les atteintes sévères, en particulier dues aux parodontites agressives ? Peut-on proposer un protocole systématique de dépistage de sujets à risque ?

Il suffit de jeter un œil en dehors de nos cabinets pour constater que la prise en charge parodontale des patients par les omnipraticiens est souvent insuffisante. Si les données scientifiques en parodontologie ont considérablement progressé ces 15 dernières années, il convient aujourd’hui de sensibiliser de plus en plus les omnipraticiens à réaliser des soins dentaires sur un terrain parodontalement assaini, garantissant ainsi une pérennité plus importante des traitements entrepris. La meilleure façon d’aiguiser ce regard clinique est de publier un ouvrage synthétique, accessible et pédagogique « en encourageant les praticiens à évoluer vers le haut », comme l’écrivent Jacques Charon et Pierre-Hubert Dupas dans l’avant-propos. L’approche est intéressante car, sans chercher à entrer dans les méandres du traitement parodontal, Jacques Charon propose de s’atteler à la prévention de la maladie parodontale, c’est-à-dire de donner quelques clés de dépistage et de diagnostic des sujets dits « à risque ».

Interroger, observer et diagnostiquer

Le diagnostic parodontal passe avant tout par une approche globale des patients, tout en considérant une synergie entre les facteurs liés à la santé générale, les facteurs locaux et la présence de bactéries pathogènes. Cependant, ne définissant pas clairement la classification des maladies parodontales, cet ouvrage peut prêter à quelques confusions pour un public de non-spécialistes : un sujet à risque est pour l’auteur défini uniquement comme un patient apte à développer une parodontite agressive, oubliant quelque peu qu’une parodontie chronique non dépistée peut révéler une destruction osseuse sévère au bout de plusieurs années.

Cherchant de plus à systématiser le dépistage, Jacques Charon recommande de réaliser avant tout plan de traitement prothétique ou orthodontique un test fondé sur la génétique, le test PST. Des examens complémentaires de type microbiologique sont ensuite systématiquement prescrits. Attention cependant à ne pas tomber dans les vices d’une pratique trop protocolaire pouvant aboutir à un surtraitement. Si cela peut certes nous orienter quelque peu, le praticien ne doit pas oublier que l’essentiel des informations réside dans l’anamnèse du patient, comprenant les méthodes d’hygiène bucco-dentaire, l’historique dentaire et la présence ou non de prédispositions familiales, ainsi que dans les données de l’examen clinique et radiographique.

Interactions entre parodontite et maladies générales

Un consensus de plus en plus large se fait aujourd’hui sur les liens entre maladies cardio-vasculaires, diabète non équilibré, accouchements prématurés, entre autres, et maladie parodontale. Il est essentiel de les mentionner, comme le fait bien Jacques Charon dans son ouvrage. En effet, la susceptibilité d’un patient à la maladie parodontale, maladie inflammatoire d’origine infectieuse, est logiquement augmentée dans un contexte de maladie systémique altérant les fonctions immunitaires ; à l’inverse, une maladie parodontale non traitée peut empêcher l’équilibration d’un diabète du fait de la persistance d’une inflammation chronique parodontale.

Éveiller la conscience

D’un point de vue théorique, cet ouvrage est intéressant car il éveille la conscience des omnipraticiens. Cependant, d’un point de vue clinique, il est nécessaire de nuancer la démarche : évoquer la notion de risque parodontal avec les patients est obligatoire ; les inclure dans des protocoles de dépistage systématique à titre préventif me semble utopique, surtout aujourd’hui dans le contexte général de difficultés économiques.