Ne cédons pas aux pressions des patients ! - Clinic n° 04 du 01/04/2014
 

Clinic n° 04 du 01/04/2014

 

Chronique d’expert

Jean-Louis PLAFORET  

Nommé médecin expert pour donner un avis sapiteur dans le dossier de l’accident de M. T., notre mission consistait à examiner le dossier de ce dernier, antérieur et postérieur au fait accidentel, à indiquer les lésions en lien direct et certain avec cet accident et à déterminer le montant acceptable des réparations imputables à ce seul fait accidentel.

M. T. explique avoir eu un accident de la circulation à Paris le 2 janvier 2013 au petit matin. Il n’y a pas de traces d’intervention des pompiers, pas de constat de police et, dans son certificat établi le 3 janvier, le médecin traitant ne fait allusion qu’à des problèmes cervicaux et dorsaux. Il n’évoque aucune lésion dentaire.

Le 1er février suivant, le Dr L., chirurgien-dentiste traitant du patient, rédige un certificat initial. Il précise, au sujet de son patient, que : « Suite à l’accident déclaré le 3 janvier 2013, il présente ce jour à l’examen clinique : 34 face occluso-vestibulaire a disparu ; 25 inter de bridge céramique cassé. Je suis ce patient depuis plusieurs années, et ce, régulièrement. Ces “dégâts” ne peuvent être imputés qu’à un choc. Le patient n’a pu venir en consultation avant à mon cabinet, il était dans l’impossibilité de se déplacer. Son état nécessite une restauration en prothèse fixe. Aussi, pour remplacer ces dents, il faut réaliser : 2 bridges 24 à 26 et 34 à 36 dont le montant s’élève à 7 000 euros. »

Notre examen clinique montre, au niveau du bridge 24-25-26, un petit éclat de céramique sur la cuspide palatine de la 25 et, au niveau de la 34, un petit éclat d’émail, probablement en rapport avec une abrasion de la face occlusale de cette dent. Cet éclat ne mérite qu’un polissage de l’arête vive. Par ailleurs, la 36 est intacte et l’absence de la 35 est antérieure à l’accident, comme le montre une radiographie panoramique vieille de 2 ans qui a permis d’évaluer l’état antérieur. Sur la fiche clinique du Dr L., nous découvrons que celui-ci avait noté, près de 1 an avant l’accident, le 19 mars 2012 : « Petite fracture palatine de la céramique sur le pont du bridge 24-25-26 : expliqué que ce n’est pas réparable. »

Pas de lien direct

Nous en avons conclu que les lésions évoquées n’avaient pas de lien direct et certain avec l’accident du 3 janvier 2013. Et nous avons par conséquent rejeté l’imputabilité des lésions et donc la prise en charge des restaurations. Le patient auquel nous avons expliqué que nous manquions d’éléments pour répondre favorablement à sa demande n’a pas contesté nos explications. Il était sans doute conscient du fait que sa demande était injustifiée et abusive.

Au téléphone, le Dr L., à qui nous expliquons notre désaccord avec son certificat initial et avec l’origine de la fracture qui n’avait pas de lien avec l’accident évoqué, nous répond malicieusement qu’il n’a pas écrit que la fracture était imputable à l’accident du 3 janvier mais à un traumatisme. Il ajoute qu’il a rédigé le certificat pour « faire plaisir à son patient ».

Complaisance…

Pour conclure, nous rappellerons simplement l’article R. 4127-213 du Code de déontologie qui dit qu’il est interdit d’établir un rapport tendancieux ou de délivrer un certificat de complaisance. Cet article du Code de déontologie nous impose d’être clairs et précis dans la rédaction des certificats initiaux et de ne pas céder aux pressions des patients qui nous rendraient complices d’une tentative d’escroquerie à l’assurance.