Au cabinet le jour, sur les planches la nuit - Clinic n° 10 du 01/11/2014
 

Clinic n° 10 du 01/11/2014

 

PASSIONS

ALEXANDRA DURAND  

Groupe Edmond Binhas

Quel parallèle établir entre la dentisterie et le théâtre ? À bien y réfléchir, aucun me direz-vous. Pourtant, Thomas Simet, omnipraticien strasbourgeois, semble y avoir trouvé un parfait équilibre. Une inépuisable curiosité de la vie et de l’humain qu’il tente d’assouvir autour de ses deux passions.

Comment est arrivé le théâtre dans votre vie ?

Un peu comme mon métier de chirurgien-dentiste, par hasard. J’avais déjà la trentaine à ce moment-là. C’est ma belle-mère qui un jour m’a dit : « Thomas, tu devrais aller dans un atelier de théâtre, juste pour essayer. » Comme j’aime écouter les conseils des autres, c’est exactement ce que j’ai fait. J’ai filé à Strasbourg, à l’atelier d’Olivier Chapelet, un homme formidable avec lequel j’ai fait mes classes. Dès que je suis arrivé face à lui dans ce lieu extraordinaire, la magie a opéré tout de suite : d’abord la beauté et l’ambiance qui se dégageaient des lieux, l’odeur des rideaux, des sièges… Puis, dans un second temps, le jeu d’acteur : cette sensation d’auto-hypnose, de perte de contrôle, d’ouverture d’esprit, tout le travail intérieur à entreprendre, la recherche permanente de sincérité… J’aime me nourrir de différentes choses et ça, le théâtre le permet.

Une si grande révélation que vous décidez de devenir metteur en scène…

C’est un peu plus compliqué que ça. Je suis resté 4 ans aux côtés d’Olivier Chapelet. Puis mon mentor est parti. J’ai rejoint une compagnie avec laquelle j’ai notamment joué Le Misanthrope de Molière. Lors des répétitions, j’ai eu une sorte de déclic. À ce moment-là, et je ne saurais l’expliquer, la perte de contrôle que j’appréciais dans le jeu d’acteur a disparu. Je ne ressentais plus les choses de la même façon. Une histoire de sensibilité sans doute. À partir de là, je n’ai plus jamais pu jouer. Mais le théâtre me manquait trop. J’ai décidé de combattre le mal par le mal en me forçant à non pas faire l’acteur mais diriger les acteurs. Ainsi, je continue à jouer au travers d’eux. C’est comme ça que je suis devenu metteur en scène et que j’ai monté ma propre compagnie, Poussière Rouge, en 2008.

Je suppose que cette activité vous prend du temps. Quelle place laissez-vous à la dentisterie dans tout ça ?

Oui, mais j’ai besoin des deux dans ma vie. Je m’ennuierais si je ne devais faire que du théâtre ou vice versa. Ce sont les deux ensemble qui font mon équilibre. J’arrive quand même à organiser mes journées de travail. J’arrête mon activité de dentiste le jeudi soir et là, je me consacre entièrement à la scène.

Et justement, en parlant de projets…

En effet, ce n’est pas ce qui manque. J’ai décidé de passer professionnel et je fais tout mon possible pour y arriver. Je prépare également un DU à la fac pour me spécialiser encore davantage dans mon exercice, et surtout je monte La Dame de la mer d’H. Ibsen en novembre, une pièce magnifique. J’apprends aussi le grec, j’expose des peintures, j’ai écrit un livre… Je suis heureux car je fais tout pour et, grâce à cet ensemble, ma vie est riche…, riche de rencontres et de joie de vivre. Pour l’anecdote, mes assistantes m’appellent « tout en un » car je suis sur tous les fronts !

Y a-t-il un lien entre ces deux activités

Le théâtre est un moment d’échange avec l’autre, un peu comme au cabinet. Pour moi, la vie est comme un jeu permanent.

En quoi le théâtre vous aide-t-il, dans la pratique de votre métier ?

Ça m’aide à relativiser, à mieux comprendre l’autre, à mieux l’écouter. Je suis également plus à l’aise pour parler en public. Le théâtre, ça me rend joyeux et les patients le ressentent. Avec moi, ils se marrent ! Ils connaissent ma deuxième activité et vivent le truc avec moi.

La Compagnie de la Poussière Rouge

La Poussière Rouge est une compagnie théâtrale née à Strasbourg en 2008 sous l’impulsion de son metteur en scène, Thomas Simet. Elle compte 7 comédiens, 1 scénographe/costumière, 1 régisseur et 1 chargée de production. Une des thématiques qui inspire la compagnie est l’altérité. Thomas Simet considère que le théâtre est une bonne source de réflexion sur comment et pourquoi vivre ensemble. Les pièces montées jusqu’à présent mettent en scène des personnages en construction ou destruction, toujours du fait de l’autre. La Dame de la mer d’Henrik Ibsen, dont la création est prévue pour cet automne, est la quatrième de la compagnie.

Pour en savoir plus : http://lapoussiererouge.wix.com/stras