Le bien du soignant pour le bien du patient - Clinic n° 10 du 01/11/2014
 

Clinic n° 10 du 01/11/2014

 

ÉQUIPE ET ESPACE

OLIVIER BLANCHARD  

Guidé par un parcours professionnel atypique, David Blanc vient d’ouvrir un cabinet à Toulouse où il met en pratique son expérience en ergonomie de soins, notamment en repensant entièrement le positionnement du patient par rapport au praticien. Son objectif est de diminuer considérablement les tensions dorsales du praticien… pour faire une longue carrière.

Quand on entre dans le cabinet de David Blanc à Toulouse, situé pourtant à quelques pas du Capitole et même juste devant un des centres commerciaux les plus vivants de la ville, on se sent immédiatement ailleurs. L’ambiance est blanche, transparente, tamisée, calme, apaisante, moderne sans être frigorifiante ou design à l’excès. Peut-être est-ce parce que David Blanc lui aussi « vient d’ailleurs ». En effet, même s’il a eu un grand-père professeur à la faculté dentaire à Paris qu’il n’a pas connu, son choix pour la chirurgie-dentaire a suivi un parcours plus original.

Un parcours atypique

Après un bac économique et des études de sciences suivies sans enthousiasme particulier, il attend la deuxième année de DEUG pour comprendre que c’est le soin qui l’attire. Il s’inscrit alors à l’école de kinésithérapie « Dolto ». Pendant ses études, il se passionne pour l’aspect théorique et pratique, intellectuel et manuel, des soins en kinésithérapie. Mais en 1999, diplôme en poche, la vie professionnelle se présente sous le signe de la désillusion : « Dans la kinésithérapie, la part psychologique pure des pathologies est énorme. Or, même avec les meilleurs outils du monde, on ne peut pas guérir quelqu’un qui ne le veut pas, j’avais donc l’impression de ne servir à rien. » Il travaille pendant 1 an dans la région parisienne puis pendant une autre année sur l’île de la Réunion, mais le soleil des îles ne change rien et le problème reste entier. À son retour en métropole, il s’inscrit à un diplôme universitaire d’ergonomie pendant 1 an puis, en 2002, il décide de s’installer à Toulouse avec sa femme où ils montent chacun un cabinet de kinésithérapie. Deux ans plus tard, toujours dans le but de diversifier sa pratique, il entame une formation d’ostéopathe de 5 ans (à raison de 4 jours par mois le week-end) suivant la méthode Medstone : « Là aussi ça a été passionnant au début mais, rapidement, j’ai trouvé de nouvelles chapelles presque ésotériques… Je n’ai pas fait toutes ces études pour travailler par imposition des mains. »

En 2007 finalement, ses études touchent à leur fin, il devient père de famille et tout semble s’installer dans sa vie mais rien ne se passe comme prévu : « Ça a été comme un trou noir, une chape de plomb. J’étais parti comme ça jusqu’à la retraite ? J’allais vivre comme ça toute ma vie ? Ça m’a paru impossible, tout simplement. » Il doit alors revoir tous ses choix et la révélation apparaît : depuis toujours il a voulu être chirurgien-dentiste et faire du soin « objectif » : « Quand le patient a mal, je veux savoir pourquoi et quand je le soigne, il va mieux et je veux savoir pourquoi. » Reste à financer 5 ans d’études, ce qu’il fera en conservant une activité de kinésithérapeute le week-end puis en vendant définitivement son cabinet pour vivre sur son pécule « comme un étudiant » pendant 3 ans. Il ne regrettera jamais son choix : « Quand j’ai eu le concours, ce fut comme de passer une porte, ouvrir un portail, une sensation incroyable. » En juin 2013, il obtient enfin son diplôme de chirurgien-dentiste.

Une rencontre

Pendant l’un de ses stages d’étudiant en dentaire, David Blanc fait la rencontre de Pierre Farré, un praticien qui donne des cours à la faculté de Toulouse et qui est passionné depuis 30 ans par l’ergonomie des soins. Entre eux, l’entente est immédiate et les connaissances de David Blanc en ergonomie et en kinésithérapie font sens. David Blanc écrit alors sa thèse sur l’« astreinte musculo-squelettique chez le chirurgien-dentiste : étude électromyographique et goniométrique » puis les deux praticiens décident de travailler ensemble à améliorer leur pratique en cabinet et faire connaître cette approche. Mais qui dit ergonomie dit nouvelle façon de penser l’organisation d’un cabinet et David Blanc est maintenant trop avancé pour se contenter de collaborer dans le cabinet d’un autre qui ne serait pas formé à ses méthodes, alors il rachète le cabinet d’un praticien qui part à la retraite… et le fait refaire entièrement.

Un cabinet « ergonomique » mais classique

Pour réaliser ce nouveau projet, David Blanc fait appel à une architecte d’intérieur, Sophie Malric à Toulouse, qu’il choisit parce qu’elle… n’a jamais fait de cabinet dentaire et n’a donc « ni auto?matisme, ni a priori ». Sur une surface de 81 m2, ils dessinent un espace « moderne mais pas ostentatoire pour induire une relation de confiance avec le patient ». Au premier regard, il se répartit donc classiquement entre deux salles de soins, une salle de panoramique, une salle de chirurgie et une salle de repos. La seule différence notable est que l’espace de stérilisation est entièrement visible depuis la salle d’attente : « Je crois qu’il est important que les patients voient qu’on fait ça sérieusement. Encore une fois c’est une question de confiance. »

Une salle de soins entièrement repensée

La salle de soins n’a rien de classique. Pour l’appréhender, il faut comprendre qu’elle a été construite autour d’un point fixe : la tête du patient. Quand celui-ci s’allonge sur la table, sa tête, dans l’alignement naturel du reste du corps, est le centre de toute la pièce. Autour de lui s’installe ensuite l’assistante, à gauche, avec un tabouret sur une estrade pour être au-dessus du praticien et bien voir le geste en cours. Devant elle, ses instruments sont reliés directement à la table. Le praticien s’installe exactement à la tête du patient avec tous ses instruments à droite pour laisser la main gauche entièrement libre pour le miroir. Derrière lui, à portée de main, les instruments sont rangés dans des tiroirs par pathologies (et pas par types de matériel) afin de n’en ouvrir qu’un seul à chaque fois. Il résulte de cette organisation une impression de netteté et de fluidité presque organiques et, surtout, même en action, le praticien garde en permanence le dos droit sans effort et ne lève jamais les bras. L’éclairage est aussi travaillé avec deux petites lampes d’examen qui éclairent chacune une mandibule (ou le miroir) et, fixée au plafond au-dessus du patient, une lumière avec un IRC à 95 % pour travailler les colorations dentaires. À côté de ce carré lumineux, il y a aussi un écran pour que le patient voie, sans bouger la tête, ses radios ou les vidéos lorsque le praticien lui explique ses soins. Cet écran est relié à un ordinateur situé dans le dos du praticien dont le clavier est virtuel pour éviter toute contamination sur un matériel posé à quelques centimètres du patient.

Approfondir et partager

Même s’il n’a ouvert son cabinet qu’en août 2014, David Blanc déborde encore de projets et d’envies. Il souhaite faire partager ses connaissances à d’autres praticiens mais aussi rencontrer un designer pour commercialiser un modèle complet de cabinet ergonomique. En attendant la fabrication de meubles, il a déjà construit un site internet (http://www.ergonomie-dentaire.com) sur lequel les praticiens intéressés peuvent le retrouver pour participer à des formations et pour partager ses expériences quotidiennes en ergonomie de soins sur un forum. Mais au final, David Blanc a-t-il trouvé son équilibre ? « Tout à fait ! Cette fois je me vois vraiment dans mon cabinet jusqu’à la retraite ! Et si mes filles veulent faire dentaire, je les encouragerai autant que je pourrai ! » Alors qui sait, peut-être qu’un jour, un de ses petits-enfants…

ON AIME

L’impression d’isolement et de calme qui règne dans le cabinet. Une bulle apaisante pour le patient. Le clavier d’ordinateur virtuel qui supprime un matériel difficile à nettoyer.

Les erreurs de posture fréquentes

• Trop se pencher en avant au-dessus des patients, ce qui induit des douleurs dorsales

• Avoir des instruments trop éloignés, ce qui oblige à tendre le bras et à crisper les dorsaux

Les solutions en ergonomie

• La vision indirecte (avec les miroirs plus petits) qui garde le dos droit

• Allonger le patient

• Avoir les instruments directement sous la main