Bruxisme du sommeil De nouvelles façons de voir le bruxisme
 

Clinic n° 10 du 01/10/2016

 

PRESSE INTERNATIONALE

NOTRE SÉLECTION

Contexte

Selon les dernières recherches faites sur le sujet, le bruxisme du sommeil n’est plus considéré comme une parasomnie et sa cause n’est plus vue comme le résultat de facteurs purement mécaniques ou de problèmes psychologiques. Les études l’ont d’abord identifié comme un désordre du mouvement lié au sommeil, présentant une étiologie multifactorielle complexe à laquelle plusieurs systèmes et processus contribueraient. Les chirurgiens-dentistes ont besoin...


Contexte

Selon les dernières recherches faites sur le sujet, le bruxisme du sommeil n’est plus considéré comme une parasomnie et sa cause n’est plus vue comme le résultat de facteurs purement mécaniques ou de problèmes psychologiques. Les études l’ont d’abord identifié comme un désordre du mouvement lié au sommeil, présentant une étiologie multifactorielle complexe à laquelle plusieurs systèmes et processus contribueraient. Les chirurgiens-dentistes ont besoin de comprendre les modifications de sa définition, de sa classification, de son étiologie et de son traitement afin de proposer la meilleure approche possible à leurs patients.

Définitions et classification

Trois définitions du bruxisme du sommeil ont été élaborées par l’Académie américaine de la médecine du sommeil (AASM). La plus récente l’identifie à une activité musculaire répétée de la mâchoire qui s’exprime par un serrement ou un grincement des dents et/ou des avancées mandibulaires.

Classé par étiologies, le bruxisme du sommeil peut être divisé en un type primaire ou idiopathique sans cause identifiable ou problème associé et en un type secondaire qui est relié à des problèmes socio-psychologiques ou médicaux. Une classification plus récente, établie par un groupe international d’experts, et fondée sur un système de notation diagnostique a trouvé son utilité pour des raisons cliniques et de recherche. Les termes « possible, probable, déterminé » sont utilisés pour catégoriser le bruxisme diurne ou nocturne. La classification internationale des troubles du sommeil (ICSD, international classification of sleep disorders) a mis en place des critères de classification diagnostique de ce désordre en le qualifiant de « bruxisme lié au sommeil » (encadré).

À la suite des modifications apportées à la définition et à la classification du bruxisme du sommeil, ce désordre s’est clarifié et homogénéisé aux yeux des chercheurs et des cliniciens. Grâce à une meilleure compréhension des facteurs étiologiques et des processus physiologiques liés au bruxisme du sommeil, les chercheurs devraient être capables de découvrir de nouvelles données qui aideront les cliniciens à comprendre et à traiter ce désordre.

Étiologie

Au début, la profession dentaire était persuadée que le bruxisme résultait d’une cause mécanique unique reliée à l’occlusion ou à d’autres forces produisant une usure dentaire. Cependant, la dysharmonie occlusale et les contacts dentaires prématurés n’étaient pas retrouvés de façon constante chez les patients et la thérapie occlusale ne réduisait pas le bruxisme du sommeil. Les patients avec et sans interférences occlusales développaient un bruxisme du sommeil et il n’y avait pas de distinction claire entre les deux groupes. La morphologie dentaire ne pouvait pas être utilisée pour prédire les activités de bruxisme du sommeil chez les adultes. L’usure dentaire pouvait être le résultat de plusieurs autres facteurs, comme les habitudes orales, la consistance de la nourriture et le reflux acide. De plus, l’usure dentaire apparaissait chez 40 % des individus asymptomatiques de même que chez ceux diagnostiqués avec un bruxisme du sommeil. Les facteurs psychologiques et le stress étaient considérés comme des facteurs majeurs dans le bruxisme du sommeil, mais les études ont indiqué qu’il n’y avait aucune corrélation entre le désordre et l’anxiété ou la dépression.

Une insomnie a été associée au bruxisme du sommeil mais la relation était insuffisante pour la confirmer comme un facteur étiologique.

À cause de ces incohérences parmi les signes et symptômes de ce désordre, on pense actuellement que les systèmes nerveux central et autonome jouent un rôle dans la genèse de l’activité oro-mandibulaire pendant le sommeil.

En particulier, les mécanismes liés au sommeil influencés par les processus neurochimiques du cerveau et le maintien de la perméabilité des voies respiratoires pendant le sommeil pourraient augmenter l’activité motrice reliée au bruxisme du sommeil et l’activité rythmique des muscles masticateurs (ARMM), qui précèdent les activités de grincement pendant le sommeil. Les éléments neurochimiques potentiellement liés au grincement incluent la L-3,4-dihydroxyphénylalanine (L-DOPA), qui est un précurseur de catécholamine. La L-DOPA aurait significativement réduit la fréquence du bruxisme de sommeil-ARMM par rapport au placebo. Les études avec du propranolol et de la clonidine ont montré que le premier n’avait aucun effet significatif sur l’indice de bruxisme du sommeil-ARMM mais que la seconde, qui est un agoniste alpha agissant sur le système nerveux central, était capable de réduire significativement cet indice par rapport au placebo. L’hypothèse faite a été que l’effet pouvait résulter en partie de la réduction concomitante de la dominance sympathique autonome cardiaque qui précède l’ARMM. Parce que la clonidine est associée à une hypotension sévère le matin, son utilisation pour traiter le bruxisme du sommeil doit être considérée avec précaution.

La plupart des épisodes de bruxisme du sommeil-ARMM apparaissent pendant l’éveil transitoire lié à l’activité du cerveau et à l’activité cardiaque. Il y a une augmentation rapide du rythme cardiaque au début de l’ARMM pendant ces épisodes de micro-éveil, qui se produisent naturellement 8 à 15 fois par heure de sommeil. De 3 à 5 mouvements oculaires non rapides (non-REM, non rapid eye movements) et des périodes de REM de 90 à 110 minutes constituent le schéma typique du sommeil. Les périodes REM peuvent être légères (stades 1 et 2) ou profondes (stades 3 et 4). Le bruxisme du sommeil apparaît typiquement pendant le sommeil léger non-REM, avec environ 10 % pendant le sommeil REM et associé avec un micro-éveil. Le schéma alternatif cyclique de récurrence se répète toutes les 20 à 60 secondes pendant le sommeil non-REM.

Des preuves récentes indiquent que la respiration peut aussi jouer un rôle dans le bruxisme du sommeil pour certains patients. L’ARMM apparaît plus fréquemment avec des respirations profondes. Les appareils oraux pour améliorer la perméabilité des voies respiratoires aident à réduire la fréquence du bruxisme du sommeil-ARMM. Cependant, aucun rôle direct de la respiration ni aucune relation de cause à effet entre les problèmes respiratoires et le bruxisme du sommeil n’a encore été confirmé par des preuves irréfutables.

Gestion

Aucune thérapie efficace n’a été mise au point contre le bruxisme du sommeil mais des niveaux variés d’efficacité ont été obtenus par différentes approches. Les stratégies comportementales, qui incluent d’éviter les facteurs déclenchant les épisodes, les techniques de relaxation, l’hygiène de sommeil, l’hypnothérapie, le biofeedback et la thérapie comportementale cognitive ont été utilisés. L’application de pulsions électriques pour inhiber l’activité électromyographique (EMG) dans les muscles temporaux réduit l’activité EMG pendant le sommeil sans compromettre la qualité de celui-ci, mais l’efficacité dans la réduction du bruxisme du sommeil ne diffère pas significativement de celle obtenue par l’utilisation d’un dispositif occlusal.

Les gouttières occlusales empêchent l’interférence occlusale, protègent les surfaces dentaires et détendent les muscles masticatoires. Leur action sur le bruxisme du sommeil n’est pas encore claire et leur utilisation n’est étayée par aucune preuve. Elles tendent à diminuer l’activité du bruxisme du sommeil dans les deux premières semaines d’utilisation quelle que soit leur forme, mais l’effet peut être transitoire et diffère d’un patient à un autre. Environ 20 % des patients développent une activité EMG augmentée pendant le sommeil lorsqu’ils portent une gouttière, surtout si celle-ci est de type souple.

Les traitements médicamenteux utilisés pour gérer le bruxisme du sommeil tendent à étayer la probabilité que les mécanismes centraux sont impliqués dans la genèse du bruxisme du sommeil. Les systèmes dopaminergique, sérotoninergique et adrénergique seraient impliqués dans les activités motrices oro-faciales. L’efficacité et la sûreté des médicaments pour gérer le bruxisme du sommeil restent à confirmer. De ce fait, ils ne devraient être utilisés qu’en traitements brefs chez les patients sévèrement atteints et symptomatiques. Aucune donnée couvrant le traitement à long terme et les effets secondaires potentiels n’est disponible. Les patients devraient aussi être contrôlés pour des problèmes médicaux avant de savoir s’ils peuvent bénéficier d’une pharmacothérapie pour identifier toute cause potentielle d’une activité motrice compromise pendant le sommeil.

ENCADRÉ

Critères de diagnostic du bruxisme du sommeil (d’après la 3e édition de la classification internationale des troubles du sommeil)

• Présence de grincements des dents réguliers ou fréquents pendant le sommeil.

• Présence de l’un ou plusieurs des signes cliniques suivants :

– usure anormale des dents en corrélation avec les grincements des dents pendant le sommeil ;

– douleur ou fatigue musculaire matinale transitoire ;

– et/ou maux de tête ;

– et/ou blocage des mâchoires au réveil en corrélation avec les grincements des dents pendant le sommeil.

APPLICATION CLINIQUE

Les chirurgiens-dentistes doivent être conscients des modifications significatives dans la compréhension de la classification, de l’étiologie et des approches de traitement actuelles du bruxisme du sommeil. Avec cette nouvelle approche, les dentistes peuvent analyser ce qui convient à chaque patient et ajuster la thérapie selon leurs besoins. Il est à espérer que de plus amples recherches fondées sur les nouvelles découvertes amélioreront la compréhension du bruxisme du sommeil.