Dentexia : des premières réponses - Clinic n° 10 du 01/10/2016
 

Clinic n° 10 du 01/10/2016

 

JURIDIQUE

Audrey UZEL  

Cabinet Houdart et
associés - Avocat au
barreau de Paris

Sollicitée par Marisol Touraine, l’Inspection générale des affaires de santé (IGAS) a rendu, en juillet, un rapport concernant l’impact sanitaire de la liquidation judiciaire des centres Dentexia. D’une clarté remarquable, les conclusions confirment le scandale sanitaire « Dentexia » et préconisent des solutions pour une prise en charge rapide des patients. Quelles sont-elles ?

L’État n’apparaît pas responsable

La priorité du gouvernement était de garantir une prise en charge rapide des patients. Cependant, faute de disposer des moyens financiers nécessaires, les patients ne pouvaient se faire soigner. La question de la prise en charge des frais de reprise de soins par l’État a été posée. Le rapport de l’IGAS préconise la mise en place d’un fonds spécial. Marisol Touraine l’a annoncé. Il sera donc effectif. Le rapport a favorisé son émergence. Il met en avant les éléments permettant de considérer que la responsabilité de l’État dans ce scandale sanitaire ne saurait être engagée. Sous réserve de l’analyse d’un juge, le rapport souligne que dès 2015 et les premières plaintes des patients, les agences régionales de santé sollicitées se sont mobilisées pour s’assurer de la qualité des soins dans les centres dentaires Dentexia. L’IGAS estime donc qu’il n’y a pas eu d’abstention fautive de l’État. Par conséquent, la mise en place d’un fonds spécial repose sur le principe de solidarité nationale et l’État engagera toute action contre Dentexia pour recouvrer les sommes qu’il aura supportées pour assurer la prise en charge des patients. En effet, la responsabilité de Dentexia pourrait être recherchée.

Dentexia : des éléments accablants

La principale difficulté réside aujourd’hui dans le fait que Dentexia se trouve en liquidation judiciaire. En d’autres termes, elle ne dispose pas de moyens financiers suffisants pour couvrir toutes ses dettes. Comment alors l’État pourrait obtenir le remboursement des sommes versées pour la prise en charge des patients ? En recherchant la responsabilité personnelle du dirigeant de l’association. Le rapport est à ce titre particulièrement éclairant. Il met en exergue des anomalies qui dénotent des manœuvres douteuses de son dirigeant.

Anomalies financières de gestion en premier lieu, à la limite de l’opération lucrative. L’association avait des charges de fonctionnement extrêmement importantes, notamment de lourdes charges de prestataires. Or, les prestataires n’étaient autres que des ?sociétés gérées par P. Steichen… Pareillement, le rapport met en avant des frais de voyage et de déplacement très élevés… au bénéfice du président de l’association. Enfin, les honoraires de ce dernier ont plus de triplé en un an, avoisinant le plafond fiscal de référence de la « lucrativité »… Anomalies juridiques en second lieu. Pascal Steichen ne nie pas avoir fait signer au sein des centres des offres de prêt, ni d’avoir exigé la signature par les patients d’un certificat attestant que les soins avaient été réalisés avant le commencement du traitement afin de bénéficier du versement des sommes empruntées. Drôles de pratiques pour une association de soins qui n’a pas pour mission, au regard de son objet social, d’être courtier en prêt…

Enfin, l’IGAS relève des anomalies graves de gestion des patients. En 2014, les dettes étaient d’ores et déjà colossales, ce qui aurait dû alerter le président de l’association et préparer un plan de poursuite de l’activité. Or, il a fermé les centres de santé en laissant les patients sans passerelle pour la reprise des soins. Un juge risquerait de ne pas apprécier qu’un président de centre de santé n’ait pas songé à l’avenir de la prise en charge des patients de sa structure…

Les professionnels de santé sont sollicités

Tant l’IGAS que le ministère de la Santé demandent aux professionnels de santé d’intervenir dans la prise en charge des patients, constatant l’importance du refus de soins. Pour éviter son expansion, l’IGAS reprend les préconisations juridiques que nous avions formulées dans le précédent numéro de Clinic, à savoir la réalisation d’un bilan bucco-dentaire très détaillé et objectif avant tout commencement de soins. Il invite également les professionnels à pratiquer, envers ces patients particuliers, des honoraires raisonnés.

À RETENIR

Dentexia n’échappera pas, semble-t-il, à sa responsabilité. Mais celle-ci risque d’être longue à être reconnue et ne doutons pas que Pascal Steichen mettra tout en œuvre pour organiser son insolvabilité afin de limiter son implication financière… Et si l’État se substitue à lui, il demande également aux professionnels libéraux de réparer une partie des dégâts.