L’ambition et les moyens - Clinic n° 10 du 01/10/2016
 

Clinic n° 10 du 01/10/2016

 

C’EST MON AVIS

Guillaume GARDON-MOLLARD  

Récemment, une de mes consœurs (et néanmoins amie) m’expliquait comment son activité était désormais exclusivement orientée vers la parodontologie.

Curieux, je lui ai posé de nombreuses questions. Outre l’information sur les confrères de la région, la constitution progressive d’un réseau de correspondants, la mise en place des protocoles de diagnostic et de traitement, la gestion du planning et la prise des rendez-vous, je posais la question cruciale de la maintenance....


Récemment, une de mes consœurs (et néanmoins amie) m’expliquait comment son activité était désormais exclusivement orientée vers la parodontologie.

Curieux, je lui ai posé de nombreuses questions. Outre l’information sur les confrères de la région, la constitution progressive d’un réseau de correspondants, la mise en place des protocoles de diagnostic et de traitement, la gestion du planning et la prise des rendez-vous, je posais la question cruciale de la maintenance. Car tout praticien un tant soit peu « paro-conscient » le sait : c’est le nerf de la guerre. Bien plus que la sophistication des moyens thérapeutiques mis en œuvre, c’est la motivation du patient et la régularité de la maintenance parodontale (thérapeutique parodontale de soutien) qui permettent de garantir de bons – pour ne pas dire d’excellents – résultats à long terme. Mais tous les parodontistes expérimentés le savent également : plus le nombre de patients d’un cabinet de parodontologie augmente, plus l’activité d’hygiène et de maintenance écrase tout le reste.

Et en réponse à cette question, notre consœur m’a avoué avoir eu un énorme coup de chance lorsqu’une autre de nos consœurs, diplômée depuis plus de 20 ans et n’ayant pas exercé depuis plusieurs années pour des raisons familiales, l’a contactée car elle souhaitait reprendre une activité clinique à mi-temps et limitée à l’hygiène bucco-dentaire : « Une hygiéniste tombée du ciel », pour la citer.

Alors que tout le monde dentaire s’accorde pour affirmer haut et fort l’importance de la santé orale, les liens entre les maladies parodontales et les pathologies systémiques ainsi que le besoin urgent de mettre en place les mesures préventives, et que certains commencent même à évoquer la création d’une spécialité en parodontologie…, la prise en charge et les résultats stagnent. En effet, jusqu’à nouvel ordre, ce travail titanesque ne peut (et ne pourra) être assuré que par les docteurs en chirurgie dentaire, qui, malgré une demande croissante, n’ont toujours que deux bras et des journées qui ne font (et ne feront jamais plus) que 24 heures.

Vu l’état calamiteux de la santé parodontale en France*, on peut donc se demander pourquoi l’ordre national des chirurgiens-dentistes s’oppose si fermement à l’accès partiel à notre profession (Lettre n° 145 et 149) alors que la France fait partie des derniers pays européens qui ne disposent pas d’hygiénistes dentaires. Quand certains autres pays européens comptent plus de quatre professions complémentaires pour la prise en charge de la santé orale, la France, où un praticien sur deux travaille sans assistante, accuse un retard qui frise à présent le ridicule.

La création du métier d’hygiéniste, ou l’extension des compétences des assistantes dentaires, ou la création d’un cursus d’études court, bref, tout ce qui permettrait aux praticiens de pouvoir déléguer efficacement, s’ils le souhaitent, certains actes simples (mais pourtant indispensables), leur permettrait de se concentrer sur des actes plus complexes dont eux seuls ont la capacité. Vu l’immensité des besoins, y a-t-il encore des médecins pour s’opposer au travail des infirmières, des auxiliaires médicaux ou à l’extension des équipes de soins ?

À n’en point douter, tout ce débat doit relever d’un dossier complexe et extrêmement technique qui nécessite sûrement une solide connaissance des mécanismes juridiques et politiques qui régissent l’organisation et la législation de notre profession. Nos instances politico-professionnelles se/nous donnent-elles les moyens de leurs ambitions « grenelliennes » ?

* Bourgeois D, Bouchard P, Mattout C. Epidemiology of periodontal status in dentate adults in France, 2002-2003. J Periodontal Res 2007;42:219-227.