Restauration postérieure directe ou indirecte : quelle est la limite ? - Clinic n° 11 du 01/11/2016
 

Clinic n° 11 du 01/11/2016

 

AVANT-PREMIÈRE

Charles Toledano  

Nous nous posons souvent peu de questions lorsqu’il faut reconstituer une petite cavité occlusale par un composite direct ou une dent dévitalisée fortement délabrée par une couronne périphérique car il n’y a souvent pas d’autre choix raisonnable. En revanche, certaines situations cliniques peuvent être sujettes à discussion dans le choix de l’option thérapeutique à privilégier.

Qu’en est-il de ces cavités sur dents vitales présentant des parois résiduelles...


Nous nous posons souvent peu de questions lorsqu’il faut reconstituer une petite cavité occlusale par un composite direct ou une dent dévitalisée fortement délabrée par une couronne périphérique car il n’y a souvent pas d’autre choix raisonnable. En revanche, certaines situations cliniques peuvent être sujettes à discussion dans le choix de l’option thérapeutique à privilégier.

Qu’en est-il de ces cavités sur dents vitales présentant des parois résiduelles affaiblies : faut-il les conserver ou les recouvrir ?

Une cavité mésio-distale occlusale (MOD) sur une prémolaire peut-elle être reconstituée sans risque par un composite direct ?

Comment diminuer le risque de sensibilité postopératoire sous les restaurations directes ou indirectes collées ?

Comment définir les limites de préparation des cavités pour éviter les fractures prothétiques ou dentaires ?

Une dent dévitalisée avec des parois résiduelles épaisses doit-elle être inévitablement couronnée ?

Doit-on systématiquement envisager une reconstitution corono-radiculaire à tenon sur une dent dévitalisée ?

Peut-on coller un inlay/onlay en cas de limite cervicale sous-gingivale ?

Quels matériaux choisir dans notre exercice quotidien : adhésif, composite, matrices, colle, lampe à photopolymériser… ?

Le but de cette séance est de répondre à ces questions et à beaucoup d’autres au travers de cas cliniques concrets reflétant notre exercice quotidien et d’aider le praticien à faire le choix le plus judicieux pour assurer la pérennité de ses restaurations postérieures.

L’utilisation des obturations directes en composite pour reconstituer des cavités postérieures importantes pose un certain nombre de problèmes tels que :

• la difficulté d’obtenir un point de contact satisfaisant ;

• la difficulté d’accéder aux limites cervicales interproximales lors de la polymérisation ;

• la contraction de prise qui va entraîner des contraintes importantes dans le matériau et au niveau des joints collés en présence de volumineuses cavités (avec un important facteur C), en particulier lorsque les limites cervicales se situent dans la dentine ou le cément.

Pour pallier ces problèmes, la composition des adhésifs et des matériaux composites ainsi que les protocoles opératoires ont été nettement améliorés. Toutefois, ces méthodes directes ne sont pas considérées comme suffisantes pour être appliquées au niveau des cavités de grande étendue. Dans les cavités importantes, les restaurations indirectes partielles en céramique ou en composite de laboratoire (inlays, onlays, overlays, veneerlays) sont une solution de remplacement des restaurations directes collées en composite car elles évitent le risque de hiatus du joint collé et de fissures dans le matériau générés par la contraction de polymérisation des composites directs. Le recours à ces pièces de laboratoire qui sont collées permet aussi de s’affranchir des préparations délabrantes représentées par les couronnes périphériques puisque le collage chimique remplace avantageusement la rétention mécanique. Cette préservation tissulaire autorise en outre la conservation fréquente de la vitalité de la dent, la réalisation d’une reconstitution corono-radiculaire à visée rétentrice n’étant plus nécessaire.

Les restaurations indirectes partielles répondent donc parfaitement aux objectifs biologiques, biomécaniques et esthétiques recherchés. Leur succès à long terme nécessite une analyse de la situation initiale et une maîtrise des protocoles :

• l’estimation de l’état pulpaire initial permettra de déterminer la possibilité de conservation de la vitalité, qui reste toujours préférable ;

• la mise en place d’un champ opératoire efficace et étanche assurera des conditions de travail optimales;

• la maîtrise des principes de préparation cavitaire conciliera économie tissulaire et comportement biomécanique de l’ensemble dent-pièce prothétique ;

• la forme de préparation et la possibilité de conservation des parois résiduelles conditionneront la morphologie de la restauration qui, grâce au collage, pourra s’affranchir des principes de rétention mécanique ;

• la protection des surfaces dentinaires assurera une simplification de la forme de préparation, une diminution du risque de sensibilités postopératoires et une optimisation du collage ;

• les protocoles de collage devront être maîtrisés pour assurer une étanchéité maximale du joint d’assemblage en évitant les difficultés de l’élimination des excès de colle ;

• le comportement biomécanique des matériaux composites, en céramique ou hybrides, aiguillera le praticien pour envisager un choix raisonné selon la situation clinique. Dans les cavités de petit ou moyen volume, en revanche, il est plus simple de gérer la contraction de prise des résines composites car la surface de collage est réduite. La préparation de dépouilles nécessaires à la réalisation de restaurations indirectes devient alors préjudiciable sur le plan de l’économie tissulaire et de l’impact biologique. Les composites en montage direct seront donc alors privilégiés.

Le succès à long terme des restaurations postérieures en composite directes nécessite toutefois d’en connaître les indications et d’éviter certains écueils :

• la préparation visera à préserver au maximum la crête marginale et le point de contact ;

• la finition des bords d’émail se fera à l’aide d’instruments ultrasonores et sous lunettes grossissantes ;

• un champ opératoire sera placé pour isoler la cavité. Une attention particulière sera portée à la ré-étanchéification de cette digue ;

• un matriçage adéquat utilisant une matrice métallique fine prégalbée, un anneau écarteur et un coin interdentaire permettra la réalisation d’un point de contact efficace ;

• le choix d’un système adhésif performant avec un mordançage préalable optimisera le collage du composite à la dentine et à l’émail ;

• en cas de proximité pulpaire, une attention particulière sera portée à l’adhésif utilisé ;

• la situation de la limite cervicale et la persistance d’un bandeau d’émail seront prises en compte pour recréer cette zone fondamentale ;

• la mise en place d’un fond de cavité amortisseur de contraintes en composite fluide ou en ciment verre ionomère modifié par adjonction de résine absorbera en partie la contraction de prise du composite ;

• le choix d’un composite se fera en tenant compte de sa faible contraction de prise et de sa facilité de manipulation ;

• le montage par stratification lobe par lobe et dans le respect du facteur C améliorera l’étanchéité finale et optimisera la morphologie occlusale ;

• un polissage soigneux sera réalisé après contrôle de l’occlusion. ?

Cas clinique 1 : composite postérieur direct sur 16 (fig. 1 à 8)

Situation initiale présentant une carie occlusale et une carie distale visible par transparence.

La crête marginale est ouverte a minima en veillant à conserver au mieux le point de contact et le pont d’émail qui sont deux zones fondamentales pour la résistance mécanique de la dent.

Le bord d’émail est préparé minutieusement et poli pour améliorer l’étanchéité périphérique du collage à venir.

La digue (Nic Tone, Bisico) est mise en place sur le cadran de 13 à 17 puis le matriçage est réalisé avec

• une matrice métallique souple prégalbée ;

• un coin interdentaire en plastique ;

• un anneau écarteur créant un léger mouvement orthodontique pour compenser l’épaisseur de la matrice (système Palodent®, Dentsply)

Le mordançage à l’acide orthophosphorique est appliqué sur l’émail puis sur la dentine et est rincé au bout de 15 secondes. Un mordançage de la dentine de plus de 15 secondes et un assèchement exagéré au spray d’air constituent des risques de sensibilités postopératoires.

Le primaire est frotté avec une microbrosse dans les cavités puis est évaporé à la soufflette au bout de 10 secondes. (OptiBond™ FL Prime, Kerr). La résine adhésive (OptiBond™ FL Adhesive, Kerr) est ensuite frottée à son tour sur l’émail et la dentine pour la faire pénétrer dans les tubuli dentinaires puis photopolymérisée pendant 20 secondes.

Un mur de composite distal d’environ 1 mm d’épaisseur (Estelite ASTERIA, Tokuyama) est d’abord monté jusqu’au niveau de la crête marginale mésiale de la dent adjacente. Ce montage permet de coller le joint périphérique du composite essentiellement sur une surface d’émail et diminue la contraction de polymérisation grâce à la surface de collage réduite.

Un fond de cavité en composite fluide (Tetric EvoFlow® Bulk Fill, Ivoclar Vivadent) destiné à amortir les contraintes de polymérisation est injecté sur une épaisseur de 1 mm maximum dans le fond des deux cavités.

Le composite (Estelite ASTERIA) est ensuite appliqué en stratification oblique en vestibulaire, lobe par lobe, sur une épaisseur de 2 mm maximum.

Un composite de maquillage des sillons (Tetric Color®, Ivoclar Vivadent) peut être étalé à la sonde courbe.

Les lobes palatins terminent la morphologie occlusale de cette molaire, toujours en stratification oblique sur une épaisseur de 2 mm maximum.

L’anneau écarteur est retiré avec une pince à digue puis la matrice est déposée avec une pince porte-aiguille, le point de contact étant très performant.

Un bistouri lame courbe va gratter les excès de composite sur les faces vestibulaire et palatine et arrondir la crête marginale nouvellement formée.

Après contrôle et réglage de l’occlusion, le composite est poli avec des meulettes en silicone (OptraPol®, Ivoclar Vivadent) et lustré avec une pate diamantée (Shiny, Micerium).

Cas clinique 2 : onlay composite sur 46 + composite direct sur 47 (fig. 9 à 16)

La situation initiale présente deux anciens composites infiltrés sur 46 et 47.

La dépose des obturations et le nettoyage cavitaire sont effectués a minima. Les volumes sont évalués.

Il est décidé de réaliser un composite direct sur la 47 (faible volume, crêtes marginales préservées) et en vestibulaire de la 46, ainsi qu’une restauration indirecte OML collée sur la 46 qui présente une cavité volumineuse ainsi qu’une cuspide et un point de contact à reconstituer. Par ailleurs, la limite cervicale est sous-gingivale avec l’absence d’un bandeau d’émail.

Les deux cavités sont d’abord remplies de ciment verre ionomère modifié par adjonction de résine (CVIMAR) (Fuji II LC, GC) et la symptomatologie pulpaire est testée pendant 3 semaines.

Au cours de la deuxième séance, les cavités sont retaillées dans le CVIMAR qui est conservé comme fond de cavité de protection dentinaire ; la marge cervicale est positionnée en situation supra-gingivale pour permettre la mise en place du champ opératoire et une empreinte en silicone double mélange est réalisée. Lors de la troisième séance, l’onlay en composite est essayé puis le champ opératoire est mis en place.

Après mordançage de l’émail pendant 20 secondes, l’adhésif MR2 (ExciTE® DSC, Ivoclar Vivadent) est frotté sur l’ensemble des surfaces, étalé finement à la soufflette puis photopolymérisé pendant 20 secondes.

L’onlay est microsablé avant d’être silanisé puis recouvert d’une couche d’adhésif non photopolymérisé. Il est ensuite enduit d’une colle composite duale (Variolink® Esthetic DC, Ivoclar Vivadent), les excès sont balayés au pinceau puis l’ensemble est photopolymérisé.

Un composite direct vient finir de reconstituer la cavité occlusale de 47 et vestibulaire de 46.

Le champ opératoire est déposé et les restaurations sont polies avec des meulettes en silicone (OptraPol®, Ivoclar Vivadent) et lustré avec une pate diamantée (Shiny, Micerium).

Cas clinique 3 : overlay en céramique sur 36 (fig. 17 à 23)

L’exérèse carieuse de la 36 laisse apparaître des parois résiduelles de moins de 2 mm d’épaisseur. Il est donc décidé d’hybrider puis de recouvrir la dentine avec du composite fluide (OptiBond™ FL Adhesive, Kerr ; Tetric EvoFlow® Bulk Fill, Ivoclar Vivadent) avant d’abaisser les parois sur 2 mm de hauteur pour les recouvrir globalement avec un overlay en céramique e.max collé.

Cas clinique 4 : veneerlay céramique sur la 24 (fig. 24 à 27)

Le contexte d’usure globale conduit à privilégier une augmentation de la dimension verticale et la reconstruction des dents par des reconstitutions pelliculaires collées (veneerlay en céramique = combinaison d’une facette vestibulaire et d’un overlay occlusal).

Bibliographie

  • [1] Dietschi D, Olsburgh S, Krejci I, Davidson C. In vitro evaluation of marginal and internal adaptation after occlusal stressing of indirect class II composite restorations with different resinous bases. Eur J Oral Sci 2003;111:73-80.
  • [2] Étienne O, Toledano C. Les inlays/onlays esthétiques : procédures cliniques. Clinic 2009;30:369-378.
  • [3] Étienne O, Toledano C, Paladino F, Serfaty R. Restaurations tout-céramique sur dents vitales Prévenir et traiter les sensibilités postopératoires Rueil-Malmaison: CdP, 2011.
  • [4] Hickel R, Manhart J. Longevity of restorations in posterior teeth and reasons for failure. J Adhes Dent 2001;3:45-64.
  • [5] Paladino F, Toledano C, Serfaty R. Estimer l’état pulpaire. Real Clin 2013;24:253-264.

Vendredi 25 novembre : 11 h-12 h

Responsable scientifique :

Charles Toledano (Strasbourg)

Intervenant : René Serfaty (Strasbourg)