Projet esthétique virtuel : de l’analyse à la réalisation - Clinic n° 04 du 01/04/2017
 

Clinic n° 04 du 01/04/2017

 

RESTAURATION

Gabriel QUENTIN*   Anthony ATLAN**   Franck DECUP***  


*Docteur en chirurgie dentaire
Paris
**Docteur en chirurgie dentaire
Ancien assistant Paris Descartes
***Docteur en chirurgie dentaire
MCU-PH Paris Descartes

L’intégration esthétique d’un traitement restaurateur, dans le secteur antérieur, est complète lorsque les résultats obtenus correspondent aux attentes du patient et du praticien. Cette réussite dépend de nombreux paramètres. Son résultat peut être maîtrisé en définissant le plus précocement et le plus clairement possible un véritable projet esthétique. Cet objectif relève non pas d’une démarche artistique plus ou moins talentueuse mais d’une approche biomimétique et systématique alliant diagnostic, communication et planification du traitement.

Afin de faciliter les étapes essentielles du diagnostic et de la création du futur sourire, apparaissent depuis plusieurs années de nouveaux outils permettant la création de projets esthétiques virtuels assistés par ordinateur. Ce travail propose un mode d’emploi accessible à tous permettant de réaliser son premier projet virtuel.

Le projet esthétique virtuel est l’analyse et la création assistée par ordinateur [1] de l’agencement du sourire. Les paramètres qui le composent (dents, parodonte, lèvres) sont modifiés par le traitement graphique de vues cliniques.

Ce concept polyvalent permet de simuler le résultat final d’une prise en charge bucco-dentaire à l’aide de logiciels de traitement d’image.

C’est le Dr Christian Coachman, chirurgien-dentiste et prothésiste, qui conceptualise au début des années 2010 une séquence de travail numérique permettant de réunir diagnostic et simulation du futur sourire. L’analyse et les critères de décision servant à la création du sourire ne sont pas nouveaux, ils nous viennent des enseignements de la prothèse amovible complète. Ce qui est novateur, c’est l’emploi du numérique, d’outils informatiques de présentation comme PowerPoint et Keynote et, depuis peu, d’applications consacrées au smile design. Ces outils proposent de réunir en un fichier numérique l’ensemble des observations d’un cas clinique, de l’analyse diagnostique aux résultats attendus. L’intérêt est de prévisualiser, à la manière d’un plan, l’objectif à atteindre et de prévoir les moyens à mettre en œuvre.

Si l’approche n’est pas nouvelle, l’aspect numérique donne de remarquables acilités dans trois domaines essentiels à la réussite d’un traitement restaurateur :

• le diagnostic. Dans le projet virtuel, les données diagnostiques sont recueillies en suivant une séquence prédéfinie à la manière d’une check-list. De plus, elles sont directement indexées au projet esthétique [2] par la manipulation des vues cliniques.

L’approche numérique permet de transférer facilement les références extra-orales vers des références intra-orales. De cette manière, on s’assure qu’aucune information ne se perd et que tous les éléments sont pris en compte dans la reconstruction du nouveau sourire. Avec le projet virtuel, toutes ces données essentielles sont réunies en un unique fichier informatique ;

• la communication. Le projet esthétique virtuel étant un document numérique, sa nature permet une circulation de son contenu simple, rapide et économique. Lorsque C. Coachman décrit le concept de Digital Smile Design®[3], il cherche d’abord à améliorer la communication entre le chirurgien-dentiste et son prothésiste. En effet, le nouveau sourire est entièrement conçu par le praticien qui réalise un « wax-up virtuel » et transmet au prothésiste toutes les informations lui permettant de réaliser à l’identique les cires de diagnostic ;

• la planification. Le projet virtuel permet de planifier les traitements a retro, comme en implantologie où le projet prothétique guide la chirurgie. On part de la configuration dento-gingivale souhaitée pour lister et déterminer le besoin et l’ordre des soins (parodontie, orthodontie, implantologie, traitements restaurateurs, etc.) qui vont permettre d’atteindre le résultat souhaité [4].

Éléments d’analyse

Avant de présenter le déroulement de la séquence de travail ainsi que les raccourcis qui permettent de réaliser rapidement un premier sourire virtuel, il convient de revoir les bases de l’analyse esthétique qui servent de fil conducteur à la création d’un projet virtuel.

Le sourire est le résultat d’un rapport étroit entre les dents, le cadre des lèvres et la gencive [5]. Le traitement est une réussite quand cet ensemble s’intègre harmonieusement au sein du visage, respectant les spécificités du patient.

Avant de se lancer dans la reconstruction d’un sourire, il convient de mener une analyse esthétique sur un plan extra-oral puis intra-oral.

Analyse extra-orale

Les repères extra-oraux, qui vont guider la construction d’un sourire idéalement intégré au visage du patient, sont la ligne sagittale médiane (LSM) et la ligne bipupillaire (LBP) [6, 7]. La ligne sagittale médiane est l’axe de symétrie du visage. Elle est tracée en reliant la glabelle, la pointe du nez et le philtrum. C’est la référence verticale qui guide le placement et l’orientation de la ligne interincisive [8].

La ligne interincisive doit être parallèle, voire idéalement confondue, avec la ligne sagittale médiane. La ligne bipupillaire est considérée comme la référence horizontale. Les bords libres des incisives centrales devant être parallèles à cette ligne, elle guide la reconstruction du plan incisif (ou courbe du sourire) [9].

Idéalement, la ligne sagittale médiane et la ligne bipupillaire forment un T dont le centrage et la perpendicularité favorisent la perception d’un visage harmonieux où le sourire s’intègre, quand le plan incisif est parallèle à la ligne bipupillaire et la ligne interincisive est parallèle à la ligne sagittale médiane [10] (fig. 1). Chez les patients présentant une différence de hauteur droite/gauche des niveaux orbitaires, donc une asymétrie faciale verticale, la ligne bipupillaire n’est pas perpendiculaire à la ligne sagittale médiane. Elle ne constitue plus un repère pour reconstruire un plan incisif en harmonie avec le reste du visage. Dans ce cas, il faut choisir la bissectrice de l’angle formé par la ligne bipupillaire et la ligne bicommissurale (LBC) comme repère pour l’orientation du plan incisif idéal.

La dernière donnée extra-orale déterminante dans l’analyse esthétique est la position des lèvres lors du sourire :

• la ligne de la lèvre inférieure guide le placement et la forme de la courbe du sourire ;

• celle de la lèvre supérieure donne le niveau d’exposition du parodonte (fig. 2).

Analyse intra-orale

Tout comme l’analyse extra-orale, l’esthétique intrabuccale inclut des critères objectifs concernant le rapport entre les tissus durs et mous. Le projet esthétique virtuel doit permettre de lister l’ensemble de ces critères objectifs (fig. 3). Il est proposé de suivre, pour cette étape, une check-list esthétique s’appuyant sur les travaux de Belser et Magne [11] :

• symétrie du sourire. C’est la situation symétrique dans le sens vertical des commissures, dérivant directement de la ligne bipupillaire. C’est aussi l’analyse de la coïncidence ou non de l’axe de symétrie du visage (ligne sagittale médiane) avec la ligne interincisive ;

• relation de la lèvre inférieure et des bords incisifs. Elle est essentielle au placement des bords libres qui composeront la future ligne du sourire. Idéalement, canines et incisives centrales sont en rapport étroit avec la ligne supérieure de la lèvre inférieure, tracée pendant l’étape de l’analyse extra-orale. L’incisive latérale doit être en retrait de la lèvre de 0,5 à 1,5 mm. L’harmonie apparaît quand la courbe de la lèvre est parallèle à la courbe incisive (ou courbe du sourire) ;

• configuration des bords incisifs. Leur continuité forme la ligne incisive. Cette ligne s’aplatit avec l’âge, une usure importante des dents maxillaires pouvant entraîner l’apparition d’un « sourire inversé » (reverse smile). La ligne incisive est tracée afin de mettre en valeur ces caractéristiques. Les angles interincisifs peuvent être surlignés. Ils sont normalement de plus en plus obtus en s’éloignant des incisives centrales vers les prémolaires ;

• couleur, état de surface, caractérisation de la dent. La mise en noir et blanc des clichés intra-oraux permet de renseigner sur la luminosité des dents ;

• éléments de base de la forme dentaire. Il s’agit de définir la typologie dentaire et les éventuels défauts de forme.

• dimensions relatives des dents. Les rapports moyens de la largeur sur la longueur se sont révélés comme étant les références les plus stables, avec peu de variations entre les sexes et les dents elles-mêmes, avec un rapport idéal pour l’incisive centrale allant de 75 à 80 % (largeur/hauteur). Notons que la courbure de l’arcade fait que les incisives latérales et les canines subissent à l’image une déformation qui ne permet pas, sur le cliché frontal, de définir leur rapport clinique, leur grand axe mésio-distal étant réduit. Pour maintenir les proportions des arcades, il faut appliquer la règle 1-2-3-4-5 [12] : l’axe mésio-distal des incisives latérales équivaut, dans le plan frontal, aux 2/3 de l’axe mésio-distal des incisives centrales, l’axe mésio-distal des canines aux 4/5 de l’axe mésio-distal des incisives latérales. Cette règle est une approximation de la proportion RED (recurring esthetic dental proportion) [13] ;

• niveau du contact interdentaire. La situation des points de contact dépend de la forme des dents. Les points de contact tendent à être de plus en plus apicaux, des dents antérieures aux dents postérieures ;

• équilibre des festons gingivaux. Comme pour l’analyse des tissus durs, les tissus mous sont passés au crible. Le niveau des festons est souligné ;

• zénith du contour gingival. Ils sont décalés en distal, par rapport au milieu de la dent ;

• axes dentaires. Ils sont inclinés de mésial en distal dans le sens incisivo-apical ;

• fermetures de l’embrasure gingivale.

Tutoriel

Afin de faciliter l’accès au projet esthétique virtuel, voici un tutoriel mis au point avec des logiciels de présentation. Il illustre les étapes clés de la réalisation d’un projet esthétique virtuel et cite les commandes de Keynote (pour Mac) et PowerPoint (pour PC) à utiliser. Ce PEV est réalisé pour une patiente motivée par une forte demande esthétique, avec une limitation du sourire, elle ne rapporte pas de doléance fonctionnelle.

Avant de manipuler les vues cliniques du patient, ou données biométriques, il faut les acquérir.

Photographies

La photographie numérique reste le moyen le plus simple de recueillir des données biométriques.

En photographie dentaire, le standard est le boîtier reflex numérique. Des modèles d’entrée de gamme suffisent puisque un minimum de 10 millions de pixels est nécessaire. Ce boîtier est associé à un objectif dit macro, c’est-à-dire avec une focale comprise entre 85-90 mm et 105 mm afin de permettre un rapport distance de travail/grossissement compatible avec la pratique dentaire. Enfin, il faut un flash annulaire ou des flashs asservis, permettant une diffusion adéquate de l’éclairage dans la cavité buccale [14].

Si le boîtier reflex est un standard, l’utilisation d’un smartphone et d’une tablette tactile pour la photographie dentaire devient possible en raison de la modernisation des caméras et de la création d’applications qui leur sont réservées. Leur utilisation nécessite un éclairage externe adapté.

En fonction des problématiques propres à chaque patient, le type de cliché à réaliser peut différer. Cependant, pour la réalisation d’un projet virtuel complet, trois clichés semblent nécessaires :

• un portrait avec un large et franc sourire du patient. Ce cliché informe sur les extrêmes limites de l’exposition des tissus gingivaux et dentaires, à l’intérieur du cadre des lèvres (fig. 4) ;

• un portrait avec écarteurs labiaux. Ce cliché permet d’effectuer la transition entre les vues extra-orale et intra-orale du projet esthétique virtuel (fig. 5) ;

• une vue intra-orale, qui peut être le maxillaire isolé par un contrasteur ou découpé de la vue « portrait avec écarteurs labiaux » grâce aux outils de PowerPoint ou Keynote (fig. 6).

Nous le verrons, la réalisation d’un projet virtuel demande de superposer clichés extra-oraux et intra-oraux. Pour le succès de sa réalisation, les photographies sont faites de manière reproductible [15, 16] :

• le patient a le visage dégagé, ses oreilles sont visibles ;

• le visage du patient doit être pleinement de face, les lobes de ses oreilles sont visibles de part et d’autre de son visage de manière symétrique pour éviter les angulations horizontales ;

• pour éviter les angulations verticales, le patient regarde au loin et baisse légèrement le menton. La pointe du nez doit être alignée avec les lobes des oreilles (le plan frontal et le boîtier photographique forment un angle d’environ 80°) (fig. 7) ;

• le collimateur est utilisé pour orienter l’appareil. Comme le volant d’une voiture, l’appareil est tourné à droite ou à gauche afin que les lignes bipupillaire et sagittale médiane se confondent avec ses repères. Une fois ces éléments alignés, la photographie est prise (fig. 8) ;

• la même angulation est respectée pour le cliché intra-oral.

Avec ce protocole, on obtient facilement des vues cliniques calibrées en termes de dimension et d’orientation. Leur manipulation et leur analyse sont simplifiées pour la réalisation du projet esthétique. Une fois que les données biométriques du patient sont importées dans l’ordinateur, le projet virtuel peut être construit. En voici sa description étape par étape (les raccourcis pour les logiciels Keynote et PowerPoint sont signalés respectivement par les lettres K et P).

Étape 1 : analyse du portrait au repos

Grâce au logiciel de présentation, toutes les manipulations sont facilitées. En quelques clics, il est possible de copier et d’insérer un cliché, des formes, des lignes, des flèches (K : outil « Figure » et, pour des notes, outil « Texte » ; P : « Forme » et « Zone de texte »).

On trace la ligne sagittale médiane, le portrait est redressé afin qu’elle soit verticale et ne trompe pas la perception optique du sourire (K : « Rotation » dans l’onglet « Disposition » ; P : « Rotation 3D » dans l’onglet « Mise en forme de l’image ») (fig. 9). Ensuite, un cadre facial (K : « Figure » ; P : « Forme ») est ajouté au portrait [17] (fig. 10). Il est conçu en associant un rectangle et une ligne tracée comme la médiane de son grand axe. Les deux éléments sont verrouillés pour que leurs proportions soient conservées lorsqu’on sera amené à agrandir ou à réduire le cadre aux dimensions du visage (K : « Verrouillé » dans l’onglet « Disposition » ; P : « Grouper » avec l’icône « Réorganiser » dans l’onglet « Format de la forme »). Le cadre est placé sur le portrait de telle sorte que sa médiane se confonde avec la ligne sagittale du visage.

Les limites verticales et horizontales du cadre circonscrivent au mieux le visage du patient.

On trace ensuite, les lignes de référence horizontales : bipupillaire et bicommissurale. On peut alors différencier les vraies asymétries d’un porté de tête incliné. Une inclinaison de la tête du patient confondue avec une asymétrie verticale perturberait le choix de la ligne de référence horizontale et, donc, la construction d’un sourire en harmonie avec le visage.

L’asymétrie est verticale s’il existe une divergence entre la ligne bicommissurale, la ligne bipupillaire et les limites horizontales du cadre.

On peut vérifier le parallélisme en regardant les angles de rotation du cadre et des lignes de référence, après avoir sélectionné tour à tour ces éléments (K : onglet « Disposition » ; P : onglet « Format de la forme », regarder « Taille » puis « Rotation »).

En fonction du cas traité et des besoins de chaque praticien, d’autres références peuvent être associées au portrait (par exemple la ligne bisourcilière), l’analyse est libre.

Étape 2 : report des repères extra-oraux en bouche

L’intérêt du projet virtuel vient de la facilité de manipulation des photographies permettant de créer un véritable « arc facial numérique » qui rend possible le transfert de toutes les informations extra-orales en intrabuccal.

La façon de procéder est la suivante. Avec Keynote et l’outil « Dessiner à la plume » dans « Forme », on trace sur le portrait les contours du sourire afin de pouvoir les reporter sur le cliché intra-oral. Avec PowerPoint, dans « Insertion » puis « Forme », il faut choisir « Forme libre ». Cela permet de mémoriser le niveau d’exposition des tissus gingivaux et dentaires.

Ensuite, sur la diapositive du portrait sourire, le cliché « portrait avec écarteurs labiaux » est inséré. Le but de cette manipulation est de faire se confondre les deux images avec pour repère les dents maxillaires (fig. 11).

Cela commence par le tracé de deux lignes horizontales : une ligne qui relie les angles distaux des centrales du cliché avec écarteurs et une autre qui réalise la même chose pour les canines du portrait. Il faut confondre ces deux lignes en modifiant la transparence des photographie, (sélection de l’image, K : « Style » puis « Transparence » ; P : « Mise en forme de l’image » et « Transparence de l’image ») de façon à orienter correctement l’arcade maxillaire (fig. 12).

Une fois le portrait avec écarteurs à la bonne orientation, on trace deux lignes verticales, limitant les faces distales des canines des deux portraits. En agrandissant ou en réduisant, en déplaçant les clichés l’un par rapport à l’autre ainsi qu’en modifiant la transparence des clichés, on fait se confondre les lignes verticales (fig. 13). Les clichés sont maintenant superposables.

On peut vérifier la bonne correspondance des clichés en modifiant la transparence de l’image avec écarteur (fig. 14). Puis les repères du transfert sont supprimés.

Enfin, la vue intra-orale est ici obtenue en effectuant un zoom de la zone intra-orale du portrait avec écarteurs, précédemment orienté et dimensionné, par « l’arc facial numérique » (fig. 15).

La vue intra-orale est orientée exactement comme le maxillaire du portrait après l’analyse extra-orale. Les lignes de référence esthétiques, verticales et horizontales ainsi que les limites du sourire peuvent alors être copiées puis collées sur le maxillaire isolé. Elles peuvent maintenant guider la reconstruction dento-alvéolaire numérique.

Le portrait en arrière-plan peut être retiré et l’analyse intra-orale peut commencer (fig. 16).

Étape 3 : analyse intra-orale

s’il est proposé d’appliquer ici l’analyse esthétique intra-orale de Belser et Magne décrite plus haut, l’analyse est libre et chacun peut ajouter des tracés et des notes, en fonction du cas clinique et des enjeux du projet de soin (fig. 17).

L’opérateur doit aussi calibrer le projet virtuel à l’aide d’une règle numérique qui permettra de réaliser toutes sortes de mesures directement sur les clichés. Pour cela il faut, en clinique ou sur les modèles d’étude, mesurer la longueur d’une incisive centrale ou un autre repère clinique facilement visible sur les clichés buccaux. Ensuite, après avoir téléchargé un réglet numérique sur internet (par exemple sur la page : http://www.mathfle.web4me.fr/IMG/pdf/regles_graduees.pdf), il faut l’insérer sur une vue intra-orale puis l’ajuster sur le cliché, à la taille mesurée cliniquement. De la sorte la règle est calibrée (fig. 18).

Étape 4 : smile design

Maintenant que toutes les informations diagnostiques sont répertoriées, on peut se lancer dans la construction virtuelle du nouveau sourire.

Comme pour l’analyse, on commence par les incisives centrales.

Un rectangle au rapport largeur/longueur compris entre 75 et 80 % est inséré pour contenir une incisive centrale aux proportions parfaites (K : « Figure », onglet « Disposition », modifier la taille du rectangle ; P : « Format de la forme » puis « Taille et propriété »). Ce rectangle guide le positionnement de la future incisive. On le place en respectant les règles esthétiques évoquées plus haut. Pour cela, sa limite mésiale, future ligne interincisive, est confondue avec la ligne sagittale médiane.

Il faut aussi prendre en compte l’orientation du futur bord libre (limite inférieure du rectangle) par rapport à la référence esthétique horizontale puis placer cette limite inférieure au contact du rebord de la lèvre inférieure lors du sourire.

Enfin, la limite supérieure du rectangle est placée de manière à correspondre au niveau des nouveaux collets (fig. 19).

Une fois la taille des dents définie, il faut choisir leur forme en se fondant sur l’analyse faciale, la typologie dentaire du patient mais aussi en faisant appel aux notions de morphopsychologie [18]. On peut sélectionner, dans une « banque de contours dentaires » qui se trouve être un autre fichier PowerPoint ou Keynote, les nouvelles incisives centrales. Cette banque de données graphiques aura été constituée en enregistrant, avec l’outil « Plume » de Keynote, ou « Forme libre » de PowerPoint, des contours dentaires. Ils sont extraits de cas précédents, d’ouvrages d’anatomie dentaire ou bien d’articles.

Le contour de la nouvelle incisive centrale est inséré dans le rectangle. En dupliquant et en réalisant une rotation « miroir » (K : onglet « Disposition », choisir « Retournement horizontal » ; P : dans « Format de l’image », puis « Réorganiser »), l’incisive controlatérale est rapidement mise en place avec pour repères les éléments d’analyse recueillis lors des diagnostics extra-oraux et intra-oraux (fig. 20).

Sur ce même principe, on reconstruit une arcade puis, par rotation, le secteur controlatéral. Une échelle, réalisée selon le principe de proportion RED ou la règle 1-2-3-4-5, donne les limites proximales des nouveaux contours dentaires (fig. 21).

Les nouveaux contours sont placés et adaptés au patient en fonction de l’analyse présentée plus haut (fig. 22).

Enfin, on mesure les modifications dentaires et gingivales, avec la règle calibrée lors de l’étape précédente. Le projet esthétique virtuel est complet (fig. 23).

Discussion

Une fois le projet virtuel terminé et validé par le patient, il est envoyé au prothésiste. Ce dernier peut créer les cires de diagnostic guidé par le projet esthétique virtuel et les détails précis qu’il contient (fig. 24). Il commence par reporter sur les empreintes d’étude les lignes de référence, grâce aux mesures réalisées pendant le projet esthétique virtuel. Cela lui donne les informations essentielles à la réussite de l’intégration des restaurations au sein du sourire, puis du sourire au sein du visage, comme expliqué lors de l’étape d’analyse.

Après les cires de diagnostic, le prothésiste réalise des clés en silicone qui permettent le transfert en bouche du projet par l’intermédiaire de résine bisacrylique. C’est l’essai esthétique, ou mock-up (fig. 25). Il peut être modifié en bouche si besoin. Une fois l’essai validé, de nouveaux clichés sont pris et enregistrés dans le projet esthétique. Les traitements restaurateurs peuvent commencer.

Si l’analyse n’est pas nouvelle, l’aspect virtuel apporté par l’approche numérique de l’analyse esthétique potentialise les étapes de diagnostic puis permet, par la simulation, de définir précocement le projet de soin. De nouveaux outils consacrés à la création de projet esthétique virtuel sont mis au point depuis plusieurs années. Les développeurs proposent de nouvelles fonctionnalités et approches au projet virtuel. Le Smile Designer Pro, par exemple, est disponible sur tablette tactile et propose une prise en main facilitée [19] (fig. 26).

L’évolution de ces applications particulières permet la réalisation de projets virtuels en 3D et le transfert des informations du projet virtuel dans des logiciels de conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO) en numérisant entièrement la prise en charge du patient, de l’analyse à la fabrication prothétique.

Conclusion

Le projet esthétique virtuel, associé au questionnaire de santé, aux différentes radiographies réalisées et autres pièces du dossier médical, oriente le chirurgien-dentiste et ses partenaires (prothésistes, correspondants) vers la meilleure décision thérapeutique pour une restauration du sourire. Le but est qu’en fin de traitement, grâce aux compétences de chacun, les résultats prévus en amont soient obtenus.

Aujourd’hui, le smile design est devenu un argument marketing. Il convient d’être prudent, de se renseigner sur la nature des produits qui le mentionnent et sur leurs caractéristiques avant d’en choisir un. Certaines solutions peuvent séduire par leur simplicité d’utilisation. Elles ont un coût et seront amenées à évoluer dans l’avenir.

À ce jour, celle proposée par Coachman en 2012, associant photographies numériques et logiciel de présentation, reste d’actualité pour appliquer ce type d’analyse esthétique.

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