Ils sont allés trop loin ! - Clinic n° 05 du 01/05/2017
 

Clinic n° 05 du 01/05/2017

 

C’EST MON AVIS

Depuis 30 ans, les pouvoirs publics nous imposent leurs vues de la dentisterie que nous acceptons sans broncher ou presque au nom du “cela aurait pu être pire”. Aujourd’hui le pire est arrivé ! Que nous reste-t-il de libéral à part le stress, la charge de travail et la responsabilité lorsque 86 % des tarifs de nos actes nous sont imposés ? Nous ne sommes que des ouvriers spécialisés payés à l’acte, et dont la valeur de l’acte n’est même plus reconnue. Croyez-vous...


Depuis 30 ans, les pouvoirs publics nous imposent leurs vues de la dentisterie que nous acceptons sans broncher ou presque au nom du “cela aurait pu être pire”. Aujourd’hui le pire est arrivé ! Que nous reste-t-il de libéral à part le stress, la charge de travail et la responsabilité lorsque 86 % des tarifs de nos actes nous sont imposés ? Nous ne sommes que des ouvriers spécialisés payés à l’acte, et dont la valeur de l’acte n’est même plus reconnue. Croyez-vous qu’ils s’arrêteront en si bon chemin ? Que nenni ! Un ancien directeur de CPAM me disait un jour « les professionnels de santé, vous êtes pour nous, économistes de santé, « une énigme ». Vous êtes la seule profession où la loi de l’offre et de la demande ne s’applique pas, et plus on vous tape dessus plus vous en redemandez ! »

Il n’a pas tort parce qu’au fond, quel est le problème Des technocrates qui ne connaissent rien à nos actes ou à notre profession font des prévisions pour boucler des budgets que tout le monde sait pertinemment faux, pour avoir un coup de tampon hypocrite de Bruxelles. Un an plus tard, face à la réalité, nous sommes présentés comme les responsables de leurs erreurs : les dépenses de santé ont dérapé !

Car ils ont un rêve secret… Les lettres clés flottantes : on change la valeur des actes en fonction du nombre d’actes réalisés pour ne jamais sortir de l’enveloppe allouée, ainsi leurs prévisions seront toujours exactes. C’est la maîtrise comptable par excellence. C’est l’esprit de toutes les réformes qui se sont succédé, et qui depuis 30 ans s’éloignent de la valeur réelle du soin ou du plateau technique. Mais est-ce à nous de payer leurs erreurs ? Évidemment non ! Nos divisions leur ont permis de nous imposer, au fil des années, patiemment mais sûrement, leur vision des choses. Ils ne sont pas pressés, c’est pour eux un objectif à long terme. Face à eux, une profession divisée avec des représentants dont ce n’est pas le métier et qui doivent jongler entre activité professionnelle et syndicalisme, autant dire : aucune résistance !

Cette réforme fait économiser des centaines de millions d’euros aux mutuelles, absentes du débat mais tapies dans l’ombre. On est en droit de se demander pourquoi. La pseudo revalorisation indécente n’est là que pour permettre la communication de madame la ministre auprès des médias, confondant accès aux soins et prothèse gratuite ! Les pouvoirs publics ont donc toujours plusieurs coups d’avance et nous emmènent patiemment là où ils veulent. À chaque coup dur, nous avons trouvé une échappatoire, une niche, une cotation, un dépassement, etc.

Cette fois, ils sont allés trop loin ! Mettez en perspective le plafonnement des honoraires de prothèse et le tiers payant obligatoire CPAM et mutuelle pour visualiser notre activité de demain. Nous soignerons des patients pour des tarifs forfaitaires décorrélés de nos coûts, et nous seront payés a posteriori par la CPAM et les mutuelles, dont nous connaissons l’approche.

Une mutuelle s’est récemment abstenue de chiffrer le remboursement d’un devis, demandant à être contactée par mon patient au prétexte « d’obtenir en toute confidentialité, l’analyse et le commentaire technique de votre devis (caractéristiques, positionnement prix, éventuelles solutions alternatives) ». Un administratif qui ne connaît rien au dentaire qui ne connaît pas mon patient, ne l’a jamais examiné va lui expliquer les alternatives thérapeutiques et commenter mes tarifs…

Si nous ne faisons rien, les années à venir auront raison de bon nombre de confrères qui n’ont pas la trésorerie suffisante pour absorber la baisse de leur activité prothétique, de leurs revenus, le paiement des charges Urssaf, caisse de retraite ou impôts. Les maigres pensions servies aux futurs retraités seront révisées à la baisse de façon drastique.

Pour certains d’entre nous ayant des enfants à charge ou des engagements financiers à long terme, la situation pourrait s’avérer encore plus compliquée. Offrant une main-d’œuvre corvéable et soumise aux centres mutualistes et low-cost en tout genre.

Les promesses n’engagent que ceux qui y croient, les praticiens qui pensent ne pas être impactés aujourd’hui parce que leurs tarifs de prothèse sont inférieurs ou proches de ceux imposés souffriront demain et pleureront après-demain.

Après 28 ans de blocage des remboursements de prothèses et l’instauration des derniers outils de la maîtrise comptable, pensez-vous un seul instant que vous verrez une revalorisation décente de vos tarifs ? L’augmentation du coût de la vie, des consommables ou une augmentation de 2 points de la TVA retentira sur nos activités par une perte sèche de revenus de plusieurs milliers d’euros sans espoir de récupération. Ceux dont l’activité est hors cadre visé, ortho, implanto, paro, seraient bien naïfs de se penser à l’abri, leur tour viendra patiemment mais sûrement. La démagogie n’a pas de limite. Lorsque je discute avec mon dentiste conseil, je lui parle patient, cas clinique, soins, il me répond texte législatif, cotation, nomenclature, tarification, et pourtant nous avons fait les mêmes études, alors imaginez un seul instant ce que peut penser un technocrate issu de l’ENA.

Ils sont allés trop loin, l’heure est à l’unité pour l’ultime combat de la profession, le seul, l’unique, celui qui remet le patient et la qualité du soin au centre du système, celui qui valorise l’acte, qui revalorise le soin à son juste coût.

Ne cédons pas aux sirènes des sociétés qui veulent déjà nous vendre des formations sur la façon de codifier des nouveaux « actes compensatoires NPC », elles n’œuvrent que pour leur chiffre d’affaires.

Ces niches qui ne compenseront jamais nos pertes et transfèrent la charge financière sur le patient disparaîtront à leur tour. Orange Healthcare, filiale d’Orange Business Service, a annoncé une progression de CA à 2 chiffres, la santé est donc bien un business… Mais pour les autres !

En relisant ces lignes, je me rends compte du tableau noir que je dresse de l’avenir, mais c’est là uniquement parce que je remets en perspective tous les aspects et les implications de ce que l’on veut nous imposer. Pour comprendre, il faut voir plus loin, à la manière d’un joueur d’échecs avec plusieurs coups d’avance. Si nous avions raisonné ainsi plus tôt, convention, couverture sociale minorée, opposabilité, CMU, déplafonnement Urssaf, ACBUS, mutuelles, réseaux de soins, carte vitale, CCAM, non réévaluation des soins, contrôle d’activité, amendement Leroux, télétransmission obligatoire, plafonnement des tarifs de prothèse, etc. Nous n’en serions pas là !

Le monde a changé, à nous de changer, de nous unir. Les CCDeLi sont des structures asyndicales, apolitiques et bénévoles initiées par nos amis Bretons, rejoignons tous ces structures départementales pour une action nationale unifiée vierge de tout clivage ! Étudiants, libéraux, enseignants, hospitaliers, parlons d’une même voix, il y va de la santé de nos concitoyens et de l’avenir de notre profession.

Nous sommes les seuls à pouvoir soigner nos patients, personne ne peut prendre la turbine à notre place. On ne peut donc nous imposer que ce que nous accepterons !

Un électrochoc peut vous tuer ou vous ramener à la vie, tout dépend de l’intention du « thérapeute » !

Nous n’avons plus rien à perdre puisque nous allons tout perdre !

Comme disait Christian Lehmann, « Les seuls combats perdus d’avance sont ceux que l’on refuse de livrer ».