« Nous avons besoin d’un référentiel de compétences européen » - Clinic n° 03 du 01/03/2015
 

Clinic n° 03 du 01/03/2015

 

MARCO MAZEVET Président de l’EDSA

L’ENTRETIEN

Anne-Chantal de Divonne  

Élu président de l’association étudiante européenne EDSA* pour 1 an en août dernier, Marco Mazevet, tout juste diplômé de la faculté de Rennes, est confronté aux problèmes de la formation initiale qui touchent tous les pays d’Europe.

Malgré différentes actions en justice, le CLESI** continue de former des étudiants en dentaire. Quelle est votre position sur cette formation en tant que représentant des étudiants en Europe ?

Que ce soit le CLESI ou d’autres facultés en Europe, à diplôme équivalent, on ne peut plus se permettre d’avoir tant de disparités de formation. Il faut des objectifs clairs de formation pour tous les chirurgiens-dentistes. Nous avons besoin d’un référentiel de compétences européen qui serve de repère. Le CED* et l’ADEE* en ont établi un auquel les étudiants apporteront, je l’espère, leur caution.

Mais ce document n’engage pour l’instant personne. Tout le travail des associations européennes est de faire valoir ce point de vue commun auprès des parlementaires.

Sur le plan démographique, le CLESI est une goutte d’eau en Europe ! Il y a bien d’autres façons de contourner le numerus clausus. Les deux pays qui posent vraiment problème — l’Espagne et la Roumanie — sont justement ceux où sont installées des facs privées. Le poison est dans la dose. Il devient nécessaire de mettre des barrières, de définir le nombre raisonnable de professionnels qui peuvent être formés dans chaque pays et de ne pas le dépasser. Sinon, la profession va être entraînée vers le bas.

Le salut peut-il venir de l’Europe ?

Pas aujourd’hui car la Commission européenne pousse vers une dérégulation totale des professionnels de santé dans le but de faire baisser le coût de la santé. Mais le salut peut venir de l’Europe si l’on s’en donne les moyens. Nous pouvons et devons participer aux décisions. C’est tout l’intérêt d’associations comme la nôtre qui peuvent faire du lobbying auprès des parlementaires français et européens. On ne peut pas nous accuser d’avoir des revendications corporatistes. Ce sont des changements profonds de notre système de santé qui se préparent et posent de vraies questions de santé publique. Veut-on une santé à deux vitesses avec des praticiens d’excellence déconventionnés ou veut-on conserver un accès global aux soins de qualité tel qu’il fonctionne encore en France ?

Comment faire avancer ce dossier ?

Lors de notre prochain congrès à Istanbul, nous voulons confronter des membres du CED et de l’ADEE ainsi que des parlementaires européens à la question d’un numerus clausus européen. Il faut lancer ce débat. On ne peut pas continuer à subir le problème démographique actuel sans se poser la question de l’acceptabilité ou non de la dérégulation de la profession. Où nous emmène ce système ? Quels critères ?retient-on ? On a parlé de qualité de l’enseignement mais on peut aussi retenir le critère de l’accès aux soins, de la santé bucco-dentaire…

Nous ne sommes pas a priori opposés à la venue de praticiens étrangers dans la profession, mais il faut savoir où nous conduit le système actuel et en débattre au niveau européen car ce n’est pas un problème franco-français, contrairement à ce que l’on entend. Dans les pays concernés par la déréglementation comme en Espagne, le taux de chômage des chirurgiens-dentistes dépasse la moyenne nationale.

Y a-t-il de grandes différences entre les étudiants en Europe ?

Oui, notamment avec ceux qui sont soumis à une forte concurrence. C’est tout naturel. Les étudiants qui auront du mal à avoir un cabinet dentaire à la sortie de leurs études vont mécaniquement essayer de mieux garnir leur CV en publiant et en effectuant plus de recherches. La difficulté de trouver du travail est un moteur de la créativité étudiante. Pour autant, je ne dis pas que soumettre tout le monde à la libre concurrence soit une bonne solution. Mais il faut en tenir compte.

À travers des programmes de santé publique et de prévention, notre but à l’EDSA est de pousser la formation vers le haut car c’est le meilleur moyen de se défendre contre les formations au rabais. Grâce à différents partenariats, nous incitons les étudiants à publier des résultats scientifiques, nous leur présentons des conférenciers internationaux qui peuvent les aider dans leurs recherches, nous développons les échanges d’étudiants entre les facultés européennes et nous menons des programmes humanitaires (Himalaya, Tanzanie).

* L’EDSA (European Dental Students Association) est une association qui regroupe les étudiants en dentaire de 24 pays d’Europe ainsi que de la Russie et de la Turquie. L’ADEE (Association for Dental Education in Europe) est une organisation européenne représentative des enseignants en dentaire. Le CED (Conseil européen des dentistes) représente les syndicats dentaires au niveau européen.

** Centre libre d’enseignement supérieur international.

À Lyon, les étudiants lancent des échanges entre facs

Plus de 20 étudiants issus de 10 facultés de chirurgie dentaire de 10 pays d’Europe se sont donnés rendez-vous à Lyon dans le cadre d’un programme d’échange de 1 semaine (22 février-1er mars) lancé par l’EDSA. Cette visite, organisée par les étudiants et soutenue par l’université de Lyon et le doyen, devait permettre aux étrangers de découvrir les atouts de la faculté en matière d’enseignement et de recherche. Mais aussi de créer des liens avec leurs homologues lyonnais permettant d’envisager des stages et des conventions dans le cadre du programme européen Erasmus. À terme aussi, l’objectif est de développer des échanges entre universités dans le domaine de la recherche. « L’EDSA est le créateur de cette opération. Mais son intérêt est d’associer au dynamisme des étudiants l’expérience et les moyens des universités et de leurs responsables », reconnaît Valentin Garyga, étudiant en 4e année à Lyon et vice-président de l’Union nationale des étudiants en chirurgie dentaire (UNECD) chargé des affaires internationales qui, avec un groupe d’étudiants, a mené ce projet. Le programme est bilatéral. Aussi des étudiants lyonnais pourront de la même façon se rendre dans une faculté à l’étranger. Celle de Stockholm a déjà annoncé qu’elle était prête à accueillir une délégation.

En France, l’initiative de Lyon fait déjà des émules. Cette première faculté française à avoir participé au programme européen sera suivie, dans les prochains mois, par Lille qui s’est portée candidate pour recevoir une délégation d’étudiants étrangers avant la fin de l’année.