Extraction-implantation immédiate en postérieur. Protocole analogique et numérique - Clinic n° 04 du 01/04/2015
 

Clinic n° 04 du 01/04/2015

 

IMPLANTOLOGIE/CHIRURGIE

Leon PARIENTE*   Maxime DROSSART**  


*Docteur en chirurgie dentaire
62 bd de la Tour Maubourg, 75007 Paris
drpariente@gmail.com
**Docteur en chirurgie dentaire
Consultation biomimétique
hôpital Charles Foix (Ivry)
Exercice libéral
78 av de la Grande Armée, 75017 Paris
www.facebook.com/DrMaximeDrossart

Depuis une première publication en 1989, la mise en place d’implants immédiatement après l’extraction de dents monoradiculées est devenue une procédure régulièrement proposée.

L’application de ce protocole a depuis été étendue avec succès aux dents pluriradiculées. On retrouve en effet dans la littérature scientifique des taux de survie cumulés d’implants posés immédiatement après l’extraction de molaires similaires à ceux placés dans des sites postérieurs cicatrisés [1].

Sur les conditions de ce succès, les auteurs sont unanimes : le facteur essentiel de la réussite de l’implantation immédiate repose sur la stabilité initiale de l’implant grâce à l’os apical et/ou latéral [2]. Cependant, au niveau d’un site d’extraction molaire, il est difficile d’obtenir cette stabilité primaire du fait de la taille de l’alvéole, de la faible qualité de l’os et des limitations anatomiques telles que le sinus maxillaire ou le canal mandibulaire. La présence des septa interradiculaires peut également être un défi dans la préparation du lit implantaire, le foret pouvant glisser depuis la crête ou le long du septum compromettant non seulement sa stabilité mais également le positionnement tridimensionnel de l’implant [3]. L’objectif de cet article est de présenter et de discuter deux approches différentes permettant la mise en place immédiate d’implants en secteur postérieur de manière simple, fiable et reproductible.

Présentation du premier cas : approche analogique

Un patient de 72 ans en bon état de santé générale se présente en consultation avec une couronne descellée sur 46 dépulpée. L’examen clinique révèle une fracture verticale confirmée par un cliché rétroalvéolaire (fig. 1 et 2). L’étendue de la fracture interdit une restauration satisfaisante, l’extraction de la dent est donc indiquée. Les différentes options prothétiques de remplacement sont discutées avec le patient et la décision finale de traitement comprend la pose d’un implant et sa restauration par une couronne implanto-portée.

L’examen tomodensitométrique permet d’indiquer la possibilité de pose d’un implant immédiatement après l’extraction du fait de la présence de la corticale vestibulaire garante d’une cicatrisation osseuse et muqueuse prévisible, d’une anatomie et d’une orientation favorable des racines et de la présence d’un septum large à sa base pouvant permettre l’obtention d’une bonne stabilité primaire de l’implant.

Chirurgie

Après l’anesthésie locale, le premier foret de la séquence implantaire (foret de 2 mm) est passé directement au travers de la dent (fig. 3 et 4). Les angulations mésio-distale et palato-vestibulaire sont vérifiées cliniquement de la même manière que pour une procédure standard. Une radiographie rétroalvéolaire permet de vérifier la relation entre le puits de forage et le septum interradiculaire.

La séparation des racines est ensuite réalisée de manière conventionnelle à l’aide d’une fraise chirurgicale. Les deux racines peuvent ensuite être mobilisées et extraites (fig. 5).

Le site est nettoyé mécaniquement avec attention puis rincé à la Bétadine®. La séquence de forage peut ensuite se poursuivre jusqu’au passage du foret final selon les recommandations du fabricant.

L’implant (Replace Select™ 5 x 10 mm, Nobel Biocare) est inséré avec une stabilité primaire de 45 Ncm (fig. 6). L’espace entre l’implant et les parois osseuses vestibulaires, linguales et latérales est comblé à l’aide de fines particules de xénogreffes (Bio-Oss®, Geistlich).

Prothèse

Après 3 mois de cicatrisation, l’implant est prêt à être restauré.

Le choix d’une prothèse transvissée à l’implant est rendu possible par un axe favorable d’émergence de l’implant. Le septum se révèle être un bon repère pour un positionnement tridimensionnel optimal. Le wax-up sur le modèle de travail permet de valider la possibilité de réaliser une prothèse transvissée sans que le puits d’accès de la vis crée des zones de faible soutien de la céramique. Le choix du matériau retenu pour ce cas est une vitrocéramique renforcée au disilicate de lithium (IPS e.max®, Ivoclar Vivadent) pressée et collée sur une embase en titane qui assure la connexion avec l’implant.

Un mois après la pose de la couronne implanto-portée, le contour gingival est satisfaisant, la rétention alimentaire au collet en vestibulaire, en lingual ou dans les zones proximales est minime car l’émergence est idéale, le contrôle de plaque est facilité (fig. 7 et 8).

Présentation du second cas : approche numérique

Une patiente de 26 ans en bonne santé générale présente sur la première molaire maxillaire droite (16) une fêlure verticale distale plongeant dans le canal palatin. La décision thérapeutique est l’extraction et le remplacement par une couronne implanto-portée. Les paramètres cliniques et radiographiques qui permettent d’indiquer la pose de l’implant immédiatement après l’extraction sont évalués : absence de récession gingivale et d’inflammation, présence de la corticale osseuse vestibulaire, présence d’un septum interradiculaire intact, volume osseux sous-sinusien suffisant (fig. 9 et 10). À condition que l’extraction soit atraumatique pour les tissus mous et durs, la possibilité de mise en place immédiate de l’implant est envisagée.

Planification numérique

Le modèle d’étude de l’arcade maxillaire est numérisé grâce à un scanner de laboratoire (Procera®, Nobel Biocare), le fichier obtenu est fusionné à celui de l’examen tomodensitométrique de la patiente dans le logiciel de planification implantaire (NobelClinician™, Nobel Biocare) (fig. 11 et 12). Le type d’implant ainsi que son diamètre et sa longueur sont choisis en fonction du site chirurgical. L’implant est positionné dans le logiciel de manière à présenter un profil d’émergence prothétique idéal ainsi qu’un ancrage osseux optimal. De cette planification numérique est issu un guide chirurgical parfaitement adapté au modèle d’étude numérisé.

Chirurgie

La 16 est extraite de manière atraumatique, en prenant soin de préserver l’architecture des tissus gingivaux et osseux périphériques (fig. 13). Le guide chirurgical est mis en place et son adaptation est vérifiée à ce stade (fig. 14). Le protocole de forage ainsi que la mise en place de l’implant (Nobel Parallel cc 4.3 x 13 mm, Nobel Biocare) sont réalisés entièrement en chirurgie guidée (fig. 15 et 16). Une radiographie peropératoire permet de s’assurer du respect de la planification. L’implant est stabilisé à 40 Ncm. Conformément à la planification numérique, il est totalement inclus dans le septum osseux.

Prothèse

Trois mois après la chirurgie, la cicatrisation s’avère satisfaisante (fig. 17), l’implant peut être restauré. Sur le modèle de travail obtenu à partir de l’empreinte implantaire, un wax-up de la future couronne est réalisé. Le modèle ainsi que le wax-up sont numérisés et importés dans un logiciel de création de piliers anatomiques (Procera, Nobel Biocare) (fig. 18). Le pilier en titane est conçu de manière à obtenir un profil d’émergence gingival idéal. Il doit soutenir les tissus environnants et faire le lien entre le col implantaire (rond, 4,3 mm de diamètre) et la forme au collet du wax-up (anatomique, environ 8 mm de diamètre). Il doit également permettre une rétention et un soutien suffisant pour la future couronne. Le pilier anatomique obtenu par le procédé de conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO) sert dans ce cas d’embase pour une couronne transvissée. Le profil est mieux géré (bonne vision tridimensionnelle de tous les paramètres dans le logiciel) et l’espace transgingival est complètement assuré par du titane sans joint de colle ni céramique feldspathique.

La couronne en e.max® pressée peut être collée sur le pilier anatomique (fig. 19). Un mois après la pose de la couronne transvissée, le soutien de l’architecture gingivale est satisfaisant (fig. 20 et 21).

Discussion

Depuis, et grâce aux premières publications de Brånemark, de nombreux protocoles ont pu être élaborés pour repousser les limites des traitements implantaires. Les nouveaux designs macroscopiques et les évolutions techniques au niveau des états de surfaces ont autorisé et fiabilisé les protocoles d’extraction-implantation immédiate qui présentent un triple avantage :

• temporel. En effet, cette procédure permet de réduire le temps de traitement de moitié, le traitement différé consistant à extraire la dent, attendre 3 mois de cicatrisation, procéder à l’implantation dans le site cicatrisé puis laisser 3 mois d’ostéo-intégration avant de pouvoir mettre en place la prothèse. En plaçant l’implant le jour de l’extraction, l’ostéo-intégration s’effectue en même temps que la cicatrisation osseuse ce qui diminue donc le temps de traitement de moitié;

• biologique car, à aucun moment il n’est élevé de lambeau. La morbidité est donc faible (peu de douleur et risque de complications diminué), l’os proximal, la corticale vestibulaire ainsi que les papilles interdentaires sont préservés. Il est à noter également que le fait de placer un biomatériau à faible potentiel de résorption le jour de la pose de l’implant dans l’espace libre permet de conserver de manière prévisible le volume osseux ainsi que le contour gingival autour de l’implant [4]. Cela permet de s’affranchir d’une procédure de comblement le jour de l’extraction qui retarde le processus de cicatrisation et dont le résultat est moins prévisible, ou d’une procédure de régénération le jour de la pose de l’implant à risque plus élevé de complications ou d’échec ;

•  prothétique. La mise en place immédiate de l’implant permet d’optimiser son positionnement [3]. L’absence de résorption n’influe pas sur le positionnement vestibulo-lingual. Grâce à un positionnement tridimensionnel idéal, la procédure prothétique est facilitée. Il est aisé de réaliser une couronne transvissée sans compromettre le soutien de la céramique.

Le choix de l’implant est important dans ce type de procédure. L’utilisation d’implants de très large diamètre a été décrite dans la littérature scientifique. Si elle est rassurante pour le praticien, elle pose deux problèmes. D’une part, la stabilité primaire n’est pas efficacement augmentée car un forage plus large entraîne une élimination systématique du septum interradiculaire. D’autre part, l’ancrage n’étant assuré que par les portions latérales et apicales de l’alvéole, la compression de la paroi vestibulaire est importante et peut conduire à sa résorption [2]. C’est pourquoi des diamètres standards ont été choisis pour ces deux cas : 5 mm pour le premier, 4,3 mm pour le second. L’utilisation de piliers anatomiques ainsi qu’un enfouissement maîtrisé permettent de compenser avec succès la différence de diamètre entre le collet de la future couronne et l’implant.

La technique chirurgicale présentée dans le premier cas a été publiée pour la première fois en 2013 par Rebele et al. [5]. Elle consiste à découronner la dent à extraire puis à procéder au premier forage à travers la dent. Si elle peut sembler peu conventionnelle, cette technique permet de maintenir et de guider le foret lors de son passage dans le septum interradiculaire. L’utilisation de cet os est donc optimisée sans risquer de dévier de la trajectoire désirée. Un cliché rétroalvéolaire peropératoire permet d’apprécier l’angulation mésio-distale du forage, l’utilisation optimale de l’os septal et le positionnement interdentaire correct du forage.

Ce premier forage ne complique pas la procédure car le protocole d’extraction atraumatique d’une dent pluriradiculée comprend systématiquement une séparation radiculaire. Les forets des plus grands diamètres de la séquence de forage peuvent être passés également avant l’extraction, lorsque le septum est très fin, pour ne pas dévier de la trajectoire désirée. Les racines sont systématiquement extraites avant la pose de l’implant.

Dans le second cas, les techniques numériques permettent d’améliorer la fiabilité de la procédure. Grâce au logiciel de planification pré-implantaire, il est possible d’étudier avec précision l’indication, de déterminer la taille et le type d’implant les plus adaptés et d’anticiper le positionnement dans les trois plans de l’espace, en s’appuyant lorsque c’est nécessaire sur un wax-up. Comme le guide chirurgical est réalisé à partir de la numérisation du modèle de travail, son adaptation en bouche est très précise.

La chirurgie guidée facilite la pose de l’implant et permet d’obtenir une bonne stabilité initiale dans la position désirée alors que, à main levée, la déviation est parfois inévitable.

L’apport des techniques numériques pour la réalisation de la prothèse est également important. Le pilier anatomique conceptualisé sur ordinateur selon un wax-up numérisé prend en compte tous les paramètres nécessaires au succès : profil d’émergence idéal, compression adaptée de la gencive, soutien vestibulaire, lingual et proximal. Avec ce type de pilier, la fusée de ciment de la couronne scellée n’est pas à craindre, le seul avantage de la couronne transvissée est la facilité de réintervention.

Conclusion

Les protocoles permettant l’ostéo-intégration ont été bien établis par Brånemark depuis maintenant plus de 40 ans, et largement validés. Aujourd’hui, l’évolution des protocoles doit être prudente mais, lorsque cela est indiqué, le protocole d’extraction-implantation immédiate en secteur postérieur est séduisant pour le patient et pour le praticien puisqu’il permet de diminuer efficacement le nombre de procédures et le temps de traitement. Il est à noter que le recul clinique concernant ce type de procédure est moins important que pour les protocoles différés. Les critères d’indication et une maîtrise précise de la technique sont essentiels pour obtenir un résultat couronné de succès. Bien sûr, il est possible d’utiliser des techniques conventionnelles mais les techniques numériques dans ce type d’indication apportent une fiabilité incomparable, aussi bien au niveau chirurgical que prothétique.

  • [1] Atieh MA, Payne AG, Duncan WJ, de Silva RK, Cullinan MP. Immediate placement or immediate restoration/loading of single implants for molar tooth replacement: a systematic review and meta-analysis. Int J Oral Maxillofac Implants 2010;25:401-415.
  • [2] Smith RB, Tarnow DP. Classification of molar extraction sites for immediate dental implant placement : technical note. Int J Oral Maxillofac Implants 2013;28:911-916.
  • [3] Fugazzotto PA. Implant placement at the time of mandibular molar extraction: description of technique and preliminary results of 341 cases. J Periodontol 2008; 79:737-747.
  • [4] Matarasso S, Salvi GE, Iorio Siciliano V, Cafiero C, Blasi A, Lang NP. Dimensional ridge alterations following immediate implant placement in molar extraction sites: a six-month prospective cohort study with surgical re-entry. Clin Oral Implants Res 2009;20:1092-1098.
  • [5] Rebele SF, Zuhr O, Hurzeler MB. Pre-extractive interradicular implant bed preparation: case presentations of a novel approach to immediate implant placement at multirooted molar sites. Int J Periodontics Restorative Dent 2013;33:89-96.