Quand l’Union européenne fait le point sur l’exercice de la profession de prothésiste dentaire - Clinic n° 11 du 01/11/2017
 

Clinic n° 11 du 01/11/2017

 

JURIDIQUE

Dans un arrêt du 21 septembre dernier, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) est revenue sur les modalités d’exercice de la profession de prothésiste dentaire au sein de l’Union. Cette décision était particulièrement attendue en ce qu’elle avait relancé le débat sur l’accès partiel des prothésistes dentaires à la profession de chirurgien-dentiste.

Les faits : M. Reynaud exerçait, dans son pays d’origine, le métier de « prothésiste de clinique dentaire ». Il souhaitait s’installer à Malte. Or, dans ce pays, le métier de « prothésiste de clinique dentaire » n’existe pas. Seul est reconnu le métier de prothésiste dentaire. En outre, ces deux métiers s’exercent différemment puisque M. Reynaud avait directement accès aux patients pour la réalisation de matériel prothétique ce qui n’est pas le cas à Malte, où le prothésiste agit par l’intermédiation d’un chirurgien-dentiste. M. Reynaud a donc demandé à l’Ordre maltais la reconnaissance de ses qualifications professionnelles pour pouvoir exercer dans les mêmes conditions que dans son pays d’origine (intraprofessionnalité), à savoir bénéficier d’un accès direct aux patients. Implicitement, il s’agissait, pour M. Reynaud, d’être autorisé à accéder partiellement à l’activité de chirurgien-dentiste (interprofessionnalité). L’Ordre s’y est opposé. M. Reynaud a contesté cette décision devant le tribunal maltais qui a décidé d’interroger la CJUE, s’agissant de l’application de règles de droit européen.

L’état du droit : l’Union européenne est régie par les principes de libre circulation des travailleurs et de libre installation. En d’autres termes, il doit être possible, pour une personne exerçant une profession dans un État membre, d’exercer la même profession dans un autre État membre, et ce sans restrictions. Toutefois, dans un objectif de préservation de l’intérêt public, les États membres peuvent convenir de dispositions spécifiques à l’accès à une profession. Tel est le cas des professions réglementées, comme le sont les professions médicales.

Le raisonnement judiciaire : la CJUE a considéré que la profession de prothésiste dentaire était une profession réglementée. Elle en a déduit que la législation locale pouvait encadrer ses conditions d’exercice, notamment en la subordonnant à la possession de qualifications professionnelles déterminées, sous réserve que ces limitations soient objectives et proportionnées à l’intérêt public.

Sur l’intraprofessionnalité : la Cour admet que les professions de prothésiste de clinique dentaire et de prothésiste dentaire sont équivalentes en matière d’activité. Elle en déduit que M. Reynaud peut être autorisé à exercer son métier à Malte, sous réserve de répondre aux qualifications professionnelles requises par l’État maltais. Elle estime ensuite que l’exigence d’intermédiation d’un chirurgien-dentiste entre le patient et le prothésiste dentaire, telle que posée par le droit maltais, ne constitue pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’établissement dès lors qu’elle est justifiée par l’intérêt du patient.

Sur l’interprofessionnalité : sur le fait de savoir si un prothésiste dentaire pouvait accéder partiellement à la profession de chirurgien-dentiste, la Cour ne s’est pas prononcée, estimant que la résolution de cette question n’était pas nécessaire à la résolution du litige. On notera cependant que l’avocat général, qui propose une solution à la Cour, s’y est fermement opposé. On peut donc s’attendre, si la question se posait un jour, à ce que la Cour s’y oppose.

À RETENIR

Par cet arrêt, la CJUE rappelle les règles de base de l’exercice d’une profession dans l’Union européenne et semble annoncer un positionnement en défaveur de l’interprofessionnalité.