Prise en charge d’une hémorragie postextractionnelle - Clinic n° 12 du 01/12/2017
 

Clinic n° 12 du 01/12/2017

 

VU PAR LES INTERNES

Kinz BAYET  

Un patient de 85 ans se présente à la consultation d’urgence pour hémorragie sévère postextractionnelle persistante depuis maintenant plusieurs heures. L’interrogatoire médical rapporte une arythmie cardiaque stentée et traitée par antivitamine K de type Previscan®. Le patient présente également un diabète non insulinodépendant équilibré. L’INR de la veille est de 2,1 et les avulsions dentaires ont été réalisées par son praticien dans l’après-midi. On note le caillot instable intra-oral (fig. 1) et l’apparition typique d’ecchymoses mentonnières (fig. 2).

Selon l’ASNM, 1 patient sur 100 est sous traitement par antivitamine K ou antiagrégant plaquettaire.

La prise en charge de patients à risque hémorragique nécessite une attention toute particulière, notamment pour les actes de chirurgie, car des complications peropératoires et postopératoires peuvent survenir.

La prise en charge de ces patients dont l’INR (International Normalized Ratio) est inférieur ou égal à 3 est possible en pratique de ville par les praticiens disposant du plateau technique nécessaire (moyens d’hémostase locale, notamment).

Le protocole d’hémostase est illustré par un cas clinique.

Protocole thérapeutique

La règle est la reprise chirurgicale. Elle commence par l’identification de la source de l’hémorragie. En effet, ce patient présente deux sites d’avulsion mais seule l’alvéole de 31 est l’étiologie de l’hémorragie (fig. 3). Une anesthésie locale par articaïne adrénalinée 1/200 000 est réalisée ; l’aspiration du caillot instable, la dépose des fils et le curetage minutieux de l’alvéole sont un préalable indispensable à l’obtention d’un nouveau caillot et d’une hémostase pérenne. Une régularisation osseuse peut être envisagée selon la situation clinique.

L’alvéole est comblée avec un matériau résorbable local du type collagène Pangen® imbibé d’Exacyl®, qui est un antifibrinolytique (acide tranexamique 5 %). D’autres matériaux résorbables comme de la gélatine (Curaspon®) ou de l’oxycellulose (Surgicel®) peuvent être utilisés en remplacement. Il est à noter toutefois que le contact direct de l’oxycellulose avec l’alvéole est contre-indiqué. En effet, l’acidité du produit peut entraîner une nécrose osseuse.

Les sutures sont réalisées avec du Vicryl® 3.0 résorbable. Les points sont séparés, simples ou en croix (fig. 4). Dans ce contexte hémorragique, les surjets sont à éviter car ils augmenteraient le risque de récidive si les points lâchaient.

Une compression avec des compresses imbibées d’Exacyl® pendant 10 minutes est réalisée. Devant l’importance de l’hémorragie, la pose de colle hémostatique est indiquée. Afin de réaliser cela, une gaze de Surgicel® est adaptée selon la taille de l’alvéole puis positionnée sur le site (fig. 5). La colle du type Histoacryl® est apposée en aspirant les excès (fig. 6). L’Histoacryl® est une colle tissulaire synthétique, les colles biologiques nécessitant une prescription hospitalière (fig. 7). La pose de vaseline sur le site rend possible la compression par une compresse sèche (fig. 8 à 9).

Les conseils postopératoires sont redonnés au patient, à savoir, pour les plus importants, ne pas cracher et alimentation froide pendant 48 heures ainsi que compression en cas de saignement.

Une prescription de compresses stériles ainsi que d’Exacyl® complète celle réalisée par le praticien (amoxicilline et antalgique de palier 2).

À lire

Société française de chirurgie orale. Prise en charge des patients sous traitement antivitamines K en chirurgie bucco-dentaire. Recommandations. Paris : SFCO, 2006

Société française de chirurgie orale. Gestion péri-opératoire des patients traités par antithrombotique en chirurgie orale. Recommandations. Paris : SFCO, 2015.

Conclusion

La prise en charge d’une hémorragie peropératoire ou postopératoire est identique. Elle s’appuie sur un protocole d’hémostase soigneux et impose au praticien libéral un plateau technique adapté.