Imagerie et implants - Clinic n° 01 du 01/01/2018
 

Clinic n° 01 du 01/01/2018

 

IMPLANTOLOGIE

Chloé MENSE*   Patrick TAVITIAN**   Olivier HÜE***  


*AHU
UFR d’odontologie, Aix-Marseille
Université
Service d’odontologie, hôpital de la Timone,
Marseille
**MCU-PH
UFR d’odontologie, Aix-Marseille
Université
Service d’odontologie, hôpital de la Timone,
Marseille
***Professeur émérite
UFR d’odontologie,
Marseille

L’imagerie est un élément déterminant en implantologie orale, et pas seulement lors de l’analyse préopératoire. Les différents procédés d’imagerie jouent un rôle important tout au long du traitement : du bilan pré-implantaire à la mise en place de la prothèse, en passant par la planification et sans oublier les rendez-vous de maintenance. De plus, le praticien doit toujours garder à l’esprit l’importance de l’imagerie en cas de litige avec son patient.

CBCT et logiciels de planifications

Les thérapeutiques implantaires sont le résultat d’un projet prothétique imaginé et étudié en amont. La planification est un élément incontournable en implantologie et découle de l’analyse de l’ensemble des éléments recueillis par le praticien (interrogatoire, examen clinique, examens radiologiques…). Elle a pour objectif, entre autres, le choix du nombre, de la longueur, du diamètre et du positionnement des implants [1].

De nos jours, les logiciels sont de plus en plus performants avec des banques de données très élaborées, permettant de passer de la planification implantaire la plus simple à la réalisation de guides utilisés dans les cas de chirurgie guidée assistée par ordinateur (fig. 1).

Rôle des logiciels

Mis à part la pose virtuelle des implants, les logiciels permettent également d’analyser dans les trois dimensions de l’espace, à partir de données radiologiques (images au format DICoM, digital imaging and communications in medicine), le volume osseux disponible du patient mais aussi la présence d’obstacles anatomiques [2] (fig. 2 et 3). Certains logiciels permettent également d’imaginer la pose des composants prothétiques associés.

Intérêt des logiciels

Les logiciels constituent des outils importants de communication avec le patient. La simulation en amont et la visualisation tridimensionnelle du projet thérapeutique présenté au patient lui permettent de mieux comprendre la problématique de départ et les différentes options thérapeutiques qui lui sont proposées (fig. 4 et 5). Il sera plus confiant, prendra sa décision plus facilement, le tout participant à « éclairer » son consentement.

Types de logiciels

Il existe plusieurs logiciels de simulation pré-implantaire sur le marché, qu’il faut distinguer, du plus simple au plus élaboré.

• Les visionneuses permettent simplement une visualisation des coupes d’imagerie.

• Les logiciels de planification implantaire permettent, d’une part, de visualiser en 3D le volume osseux disponible (hauteur et largeur) ainsi que les différents obstacles anatomiques au niveau du site implantaire et des sites voisins (principalement le nerf alvéolaire inférieur à la mandibule et le sinus maxillaire et les fosses nasales au maxillaire) [2] (fig. 6).

Les logiciels SimPlant® et NobelClinician® restent à ce jour les références mondiales concernant la planification implantaire. Avant toute simulation, il faut configurer les coupes d’imagerie et le praticien doit déterminer le trajet des courbes de reconstruction panoramique. Grâce à ces logiciels, il peut simuler la pose des futurs implants et calculer leurs angulations afin de respecter les distances de sécurité (fig. 7).

Le calcul de la position des implants se fait sur un modèle en 3D : sens mésio-distal, vestibulo-lingual (ou palatin) et corono-apical. L’incidence de chaque mouvement se voit simultanément sur le projet thérapeutique final.

Par ailleurs, la reconstitution tridimensionnelle des dentascanners permet de déterminer la densité osseuse du futur site implantaire en unités Hounsfield (UH) (fig. 8). Le praticien pourra essayer de trouver leur équivalent en qualité osseuse de type I à IV selon la classification de Lekholm et Zarb [3]. L’évaluation de la densité osseuse dans la zone à implanter permet non seulement d’anticiper la séquence de forage mais aussi de choisir le design implantaire.

• Les logiciels de planification implantaire permettent, d’autre part, la réalisation de chirurgie guidée. Ils présentent les mêmes caractéristiques que les logiciels décrits précédemment mais peuvent également, à partir du projet numérique, permettre la conception d’un guide chirurgical et, même, la conception de la future prothèse [2].

Les données recueillies lors des simulations sont transmises à des laboratoires spécialisés en vue de réaliser des guides usinés extrêmement précis. Cela ne révolutionne pas la phase chirurgicale mais en renforce la fiabilité et la sécurité.

En résumé, si l’intérêt clinique des visionneuses est faible, les logiciels de planification ont, eux, une utilité réelle et quotidienne. Ils permettent une visualisation précise et claire de la zone à implanter. Les risques se révèlent complètement identifiés et l’acte chirurgical devient plus sûr.

Avantages de la chirurgie guidée

La chirurgie guidée présente de nombreux avantages [4, 5]. Elle permet :

• une optimisation du volume osseux ;

• une meilleure concordance entre le site implantaire choisi et le site implanté ;

• une meilleure prédictibilité concernant le choix de la taille et du diamètre des implants ;

• une meilleure anticipation des obstacles anatomiques.

De plus, cette technique est intéressante pour le patient : la chirurgie sera moins invasive, avec des suites opératoires amoindries, plus sûre et plus simple.

Cependant, elle nécessite une grande rigueur à chaque étape de réalisation afin de limiter les écarts de positionnement entre le virtuel et le réel et représente un coût supplémentaire pour le patient.

Guides chirurgicaux

Les guides chirurgicaux font le lien entre les phases chirurgicale et prothétique. C’est le moyen le plus sûr de posséder, lors de la chirurgie, l’ensemble des éléments recueillis au cours de l’analyse pré-implantaire.

Guide chirurgical

Le guide chirurgical doit répondre à un cahier des charges spécifique :

• posséder des qualités de stabilité et de rigidité ;

• être extrêmement précis ;

• être facile à manipuler lors de l’intervention.

Pour réaliser ce guide, le praticien peut se servir du guide radiologique utilisé lors de l’imagerie 3D qui peut être transformé en guide chirurgical par des modifications simples au laboratoire (fig. 9 et 10). Mais, cette transformation s’avérant parfois peu précise, certains praticiens préfèrent réaliser une chirurgie guidée assistée par ordinateur à l’aide d’un guide stéréolithographique.

Guides stéréolithographiques de chirurgie guidée

La stéréolithographie est un procédé permettant de fabriquer des objets solides à partir de modèles numériques [6]. Il s’agit d’une technique de prototypage rapide utilisée depuis les années 1980 dans divers domaines (médical, mécanique, aéronautique…). Une résine fluide photosensible est polymérisée couche par couche à l’aide d’un faisceau laser commandé par ordinateur [6]. Ce type de polymérisation donne un état de surface rugueux à la pièce en résine qui, une fois réalisée, va recevoir les fûts métalliques correspondant aux canons de forage dans les trous prévus à cet effet. Le guide chirurgical est alors prêt.

Il existe trois types de guides stéréolithographiques :

• à appui osseux, le premier à être apparu ;

• à appui muqueux ;

• et à appui dentaire.

L’objectif de ces guides était de simplifier les chirurgies complexes et invasives mettant en jeu un grand nombre d’implants et de les rendre plus précises. L’édenté complet a donc été le premier à bénéficier de l’implantologie assistée par ordinateur. Ce processus s’est par la suite étendu aux patients partiellement édentés, d’où la possibilité de réaliser des guides à appui dentaire. Ce sont les plus précis.

Les guides à appui muqueux et osseux nécessitent, pour leur mise en place, la réalisation d’une clé d’occlusion (fig. 11). Une fois qu’elle est positionnée, des vis de fixation permettent de contenir fermement le guide pour assurer la meilleure stabilité possible (fig. 12).

De nos jours, sur les radiographies en 3D, il est possible de différencier les tissus osseux des tissus mous et leur précision permet d’éviter les distorsions osseuses. L’utilisation d’un guide stéréolithographique en chirurgie implantaire assistée par ordinateur semblerait permettre une transposition fidèle des axes implantaires de l’ordinateur à la cavité buccale. Cette grande précision offrirait donc la possibilité de fabriquer les prothèses à l’avance.

Aspect médico-légal de l’imagerie en implantologie

Analyse pré-implantaire

L’implantologie est une discipline comportant une phase chirurgicale et une phase prothétique précédées d’une phase d’analyse indispensable.

L’étude pré-implantaire conditionne la prise de décision pour ce type de restauration et permet d’établir le plan de traitement final. Les examens de base, surtout utilisés lors du bilan préopératoire, sont la radiographie panoramique, les scanners (dentascanners) ou encore les tomographies à faisceau conique (CBCT, cone beam computed tomography), moins irradiantes que les autres examens radiologiques.

Ces examens complémentaires sont indispensables pour déterminer non seulement la faisabilité du traitement mais aussi la situation idéale du ou des implants permettant d’obtenir une reconstruction prothétique fonctionnelle et pérenne (fig. 13 et 14).

Phase chirurgicale

Lors de la phase chirurgicale, le praticien doit répondre à une obligation de moyens. Cela passe par la réalisation d’un bilan médical et d’un bilan radiologique. Ce dernier s’impose à tout praticien [7].

La radiographie panoramique est un examen dit de débrouillage en 2D et il est donc impossible d’y réaliser des mesures précises en vue de la planification d’une pose d’implants.

Par conséquent, l’examen tomodensitométrique en 3D est l’examen de choix dans le traitement implantaire [7]. Est-il obligatoire ? Dans tous les cas, il s’impose car il est le seul à permettre l’évaluation du volume ?osseux disponible, de la qualité et de la densité osseuses. De plus, il permet la localisation précise de certains éléments anatomiques tels que le nerf alvéolaire inférieur à la mandibule, le plancher des fosses nasales ou encore le bas-fond sinusien au maxillaire.

Afin d’évaluer le risque majeur de lésions irréversibles, l’examen tomodensitométrique est donc indispensable.

En postopératoire

En postopératoire, les radiographies les plus utilisées sont les radiographies rétroalvéolaires. Elles ont un rôle double, clinique et médico-légal.

Directement après la chirurgie, elles peuvent permettre de vérifier le bon respect des distances de sécurité (racines adjacentes, nerf alvéolaire, paroi sinusienne…).

Phase prothétique

Lors de la phase prothétique, les radiographies permettent de valider la bonne mise en place du transfert d’empreinte, l’adaptation de l’armature ou encore celle de la prothèse définitive (fig. 15 et 16).

De plus, en dehors du sondage et d’autres tests cliniques, le contrôle radiographique est primordial lors des séances de maintenance régulières mises en place tout au long de la vie de l’implant et de sa prothèse.

Mais, si les radiographies possèdent un intérêt clinique pour le praticien, elles ont également un rôle juridique. En cas de litige avec le patient, il pourra être demandé l’intégralité du dossier médical du patient et le praticien devra prouver qu’il a tout mis en œuvre pour respecter l’obligation de moyens qui lui est imposée.

Dans le domaine de l’implantologie, le patient s’investit financièrement et psychologiquement, il attend beaucoup de cette restauration (esthétique, confort, fonction) et tolère mal l’échec du traitement implantaire. Tout cela le conduit souvent à entreprendre une action en justice contre son praticien pour obtenir réparation d’un dommage réel ou fictif.

Importance de la radiologie lors de la maintenance implantaire

Pour assurer la pérennité des thérapeutiques implantaires, il est important de mettre en place des rendez-vous de maintenance réguliers [8] dont la fréquence peut varier selon les facteurs de risque du patient : de tous les 3 à 6 mois pour les patients à risque à une fois par an pour les autres.

En implantologie, la maintenance se définit comme l’ensemble des mesures nécessaires à la prévention des complications secondaires ou à leurs récidives [9]. Elle a pour objectif d’assurer la pérennité à long terme des implants ostéo-intégrés mais également des prothèses supra-implantaires, qu’elles soient fixes ou amovibles.

La radiographie panoramique permettra d’obtenir une vue d’ensemble mais il s’agit seulement d’un examen de débrouillage.

L’idéal concernant le contrôle radiographique sera de réaliser des radiographies rétroalvéolaires avec angulateur sur chacun des implants. Cet acte sera répété à chaque rendez-vous de contrôle, avec la même angulation, afin de pouvoir objectiver ou comparer une perte osseuse péri-implantaire (fig. 17).

Conclusion

Le développement de l’implantologie a permis d’élargir l’éventail des possibilités en matière de restauration prothétique. Les patients sont séduits par cette thérapeutique du fait de la haute qualité des restaurations prothétiques qu’elle permet. De nos jours, leurs attentes ne se limitent plus à une simple demande fonctionnelle et la réussite esthétique tient une part de plus en plus importante dans l’évaluation des restaurations prothétiques.

De ce fait, la pratique de l’implantologie nécessite plus que jamais de la rigueur et une grande précision. De ce fait, les techniques d’imagerie ont un rôle essentiel dans la réussite de la thérapeutique implantaire, notamment au moment de la planification.

Bibliographie

  • [1] De Vico G, Ferraris F, Arcuri L, Guzzo F, Spinelli D. A novel workflow for computer guided implant surgery matching digital dental casts and CBCT scan. Oral Implantol 2016;9:33-48.
  • [2] Tahmaseb A, Wismeijer D, Coucke W, Derksen W. Computer technology applications in surgical implant dentistry: a systematic review. Int J Oral Maxillofac Implants 2014;29 (suppl.):25-42.
  • [3] Lekholm U, Zarb G. Patient selection and preparation. In: Brånemark PI, Zarb GA, Albrektsson T (eds). Tissue integrated prostheses. Chicago : Quintessence Publishing, 1985:199-209.
  • [4] Dada K, Pariente L, Daas M. Strategic extraction protocol: use of an image-fusion stereolithographic guide for immediate implant placement. J Prosthet Dent 2016;116:652-656.
  • [5] Cassetta M, Giansanti M, Di Mambro A, Stefanelli L. Accuracy of positioning of implants inserted using a mucosa-supported stereolithographic surgical guide in the edentulous maxilla and mandible. Int J Oral Maxillofac Implants 2014;29:1071-1078.
  • [6] Barker TM, Earwaker WJ, Frost N, Wakeley G. Integration of 3-D medical imaging and rapid prototyping to create stereolithographic models. Australas Phys Eng Sci Med 1993;16:79-85.
  • [7] Romdane H, de Mello G. L’implantologie dans le champ juridique et déontologique. 2. La responsablité en implantologie et les conditions de mise en œuvre. Med Bucc Chir Buc 2008;14:167-173.
  • [8] Goh EXJ, Lim LP. Implant maintenance for the prevention of biological complications: are you ready for the next challenge? J Investig Clin Dent 2016 (accepté pour publication).
  • [9] Bert M, Missika P, Giovanolli JL. Gestion des complications implantaires. Paris : Quintessence International, 2004.