Conseil de l’ordre : les limites du bénévolat - Clinic n° 02 du 01/02/2018
 

Clinic n° 02 du 01/02/2018

 

DE BOUCHE À OREILLE

Frédéric BESSE  

frbesse@hotmail.fr

Depuis que la création des conseils de l’Ordre en octobre 1940, leur mission s’est peu à peu imposée à tous les acteurs de la santé. La définition exacte de leur rôle est inscrite dans le code de la santé publique, mais il est facile de le résumer en quelques mots : défendre l’honneur de la profession, s’assurer de la compétence de ses membres, de la qualité des soins prodigués, éliminer les brebis galeuses, soutenir ses membres confrontés à des situations délicates,...


Depuis que la création des conseils de l’Ordre en octobre 1940, leur mission s’est peu à peu imposée à tous les acteurs de la santé. La définition exacte de leur rôle est inscrite dans le code de la santé publique, mais il est facile de le résumer en quelques mots : défendre l’honneur de la profession, s’assurer de la compétence de ses membres, de la qualité des soins prodigués, éliminer les brebis galeuses, soutenir ses membres confrontés à des situations délicates, voire dramatiques… le tout en s’appuyant sur un code de déontologie clair.

Pour ce faire, les ordinaux prennent du temps sur leur travail, leurs loisirs, leur famille afin de faire fonctionner l’institution, et tâchent de régler les problèmes grâce à leur bon sens, leur expérience et leur entregent. Les problèmes les plus ardus, quant à eux, sont traités avec l’aide des services juridiques du conseil national, et les rares échecs par la commission disciplinaire de première instance, émanation du conseil régional de l’Ordre. Mais, depuis plusieurs années, les difficultés se complexifient, les dossiers présentés étant parfois élaborés par des cabinets d’avocats roublards et habitués aux subtilités du droit. Il y a dix ans, qui aurait pu penser devoir livrer bataille contre des centres de santé, pour publicités outrancières ? Les membres des Ordres sont dépassés par ces déferlantes de mauvaise foi, habillées d’un voile de légalité, les juristes du conseil national peinent à la tâche et les secrétaires des Ordres départementaux sont débordées lorsque des organisations décident de ne pas respecter notre code de déontologie. Les Ordres concernés ont très vite détecté la catastrophe à venir avec les cabinets low cost et, malgré leurs mises en garde, des centaines de patients ont été escroqués et mutilés par les cabinets Dentexia, lesquels, en s’appuyant sur des arguments de droit, ont maintenu leur activité. Récemment, une affaire symptomatique s’est déroulée à Bordeaux : un praticien n’ayant pas souhaité continuer de travailler avec une collaboratrice libérale, il lui a signifié son congé dans le délai légal et après avoir pris plusieurs avis « éclairés ». Las, cette dernière rentrait de congé de maternité ; le délai aurait dû être plus long mais personne ne le savait (l’erreur a été corrigée dans le dernier guide des contrats, la loi date de 2005). Lors de la conciliation qui a suivi, les ordinaux, dépassés, ont laissé notre confrère se faire pénaliser de 32 000 € ! Et des praticiens convoqués en CDPI pour des fautes avérées s’en sortent plutôt bien grâce à la pugnacité de leurs avocats, qui ne trouvent en face d’eux que de braves chirurgiens-dentistes. Bien sûr, les affaires les plus graves pour notre profession sont prises en charge par des cabinets d’avocats spécialisés qui sont d’une grande efficacité et d’une excellente compétence. Mais à quel prix… Des centaines de milliers d’euros sont utilisés tous les ans pour soutenir des conseils départementaux empêtrés dans des affaires banales mais judiciarisées à l’extrême. Alors quelle est la solution ? Faut-il professionnaliser les membres des Ordres en leur demandant une double compétence en droit et médecine dentaire ? Je n’ai pas de réponse mais je suis certain que le débat mérite d’être lancé.